TROUBLE

CHAPITRE 15

Appuyé contre un pilier, une nouvelle coupe de champagne à la main et à quelques pas de lui, j'observe Andy dans son uniforme d'agent de sécurité. Et bordel ce qu'il peut être sexy avec ses muscles ainsi mis en valeur. Mais je ne dis rien, le regardant simplement alors qu'il surveille lui-même la salle. Je suis étonné que mon père ait accepté sa présence mais je ne m'en plains certainement pas. Il ne dit pas un mot non plus et nous restons ensemble en silence pendant un moment. Ma présence et mon regard ne semblent pas le gêner alors je continue. Les minutes s'écoulent et cela fait du bien de ne plus penser à rien.

- Tu as changé de couleur de cheveux.

- En effet. Je ne savais pas que tu étais prévu pour la sécurité de cette soirée.

- Je ne savais pas que tu étais l'un des fils Thomson.

- Tu ne me l'as jamais demandé.

- Toi non plus, que je sache.

- C'est exact. Donc, tu es là.

- Et tu es là.

- Si j'avais su...

- Tu aurais mis une autre tenue ?

J'échappe un petit rire alors que je vois le sourire en coin qu'il affiche.

- Au contraire, j'aurais mis exactement cette tenue.

Cette fois, c'est lui qui échappe un rire discret et je souris, fier de moi. J'aime entendre ce rire grave de temps à autre, signifiant que nous sommes passées d'inconnus à connaissances. Et j'espère que ça continuera d'évoluer peu à peu vers quelque chose de mieux.

- Zack ?

- Oui ?

- Je peux me permettre de dire quelque chose de déplacé ?

- Évidemment. Je t'en collerai une si ça ne me convient pas.

- Marché conclu.

Un silence puis il reprend, sérieux.

- Je trouve que tu fais tâche dans cette famille et que tu es trop lumineux pour de tels faux semblants.

Sa remarque me frappe alors, me laissant perdu un instant. Comment a-t-il fait pour percevoir cela en une soirée ? La situation est-elle si flagrante aux yeux des gens ?

- Mon rôle est d'observer, Zack, donc j'ai l'habitude de voir au-delà des apparences. Mais crois-moi, tu fais vraiment bien semblant.

- J'ai appris à faire semblant en grandissant donc c'est devenu une habitude. Je suis bien le fils de ma mère pendant que Chris est le digne fils de notre père. Il l'a élevé à son image pendant que ma mère m'a tout appris. Puis son départ a creusé un gouffre entre nous. Je n'ai plus jamais utilisé le mot "papa" depuis. Disons que nous n'avons pas la même façon de voir la vie.

- Donc pour ce genre de soirée, tu te forces à jouer le rôle du fils parfait pour l'image...

- Des Thomson, c'est ça. C'est plus un ordre qu'une invitation, par ailleurs, mais je viens quand même. Pour l'image d'une entreprise dont le sort m'importe peu. Je ne me comprends pas...

M'affaissant un peu contre le pilier, je passe une main sur mon visage alors que je sens mes nerfs mis à rude épreuve. Une main réconfortante se pose sur mon épaule et une voix apaisante me murmure quelques mots.

- Parce que malgré tout, c'est ta famille, Zachary.

L'entendre m'appeler par mon prénom avec une voix si douce me rappelle ma mère et une larme roule doucement sur ma joue.

Je ne me souviens que vaguement du reste de la soirée, à peine du départ des convives. Je me rappelle qu'Andy m'a proposé de me ramener mais je ne me souviens pas être rentré dans mon appartement. Or je suis clairement au chaud dans un lit très confortable. Qui n'a pas du tout son odeur habituelle.

- Papa, c'est qui le monsieur dans ton lit ? C'est ses vrais cheveux ?

- Alice, je t'avais dit de le laisser tranquille.

Je papillonne des yeux en entendant des voix et me redresse quelque peu. Face à moi se trouve une petite fille et même si je n'avais pas entendu ce qu'elle avait dit, je n'aurais quand même pas pu douter de l'identité de son père tellement leurs yeux sont identiques.

- Désolé, elle t'a réveillé ?

À sa gauche se tient Andy, portant un simple jogging avec un tee-shirt. Même dans des vêtements si simples, il reste terriblement attirant. Je lui adresse un petit sourire en secouant négativement la tête.

- Non, je l'étais déjà.

Mais donc bordel, tu es papa ?! C'est ce que doivent hurler mes yeux alors que je les regarde à tour de rôle. Il doit comprendre ce que je pense car il se gratte la nuque en regardant Alice.

- Ma puce, tu veux bien aller chercher le plateau pour Zack ?

Ni une, ni deux, la fillette quitte le lit pour partir vers la cuisine en sautillant alors que son père s'assoit sur le bord du lit.

- Ça te choque, c'est ça ?

- Me choquer est un bien grand mot. Je suis plutôt surpris puisque tu ne m'en as jamais parlé.

- Je préfère garder son existence pour moi. Je n'ai pas honte d'elle ou quoi que ce soit que tu puisses imaginer. Alice est mon trésor, je veux simplement la préserver du monde. Et il est hors de question de lui présenter une conquête sans intérêt.

- Je ne suis pas une conquête.

- En effet. Mais c'est ce que tu cherchais à être.

- J'avais tort. Je... Enfin bref. Je peux comprendre ta démarche. Mais... Sa mère ?

- Nous sommes divorcés. Avant d'être agent de sécurité, j'étais militaire. Elle en a eu marre de mes déplacements à répétitions alors qu'elle savait dans quoi elle s'engageait en m'épousant. Je ne pouvais pas lui en vouloir, la flamme s'était peu à peu éteinte entre nous. Alice voyage entre nous deux depuis lors. Jamais je n'ai souhaité ça pour ma fille mais elle est intelligente, elle comprend.

- C'est une très jolie jeune fille, en tout cas. On ne peut douter de ta paternité.

Il échappe alors un petit rire alors que sa fille revient poser un plateau recouvert de nourriture à côté de moi en me souhaitant bon appétit.

- Les yeux, n'est-ce pas ?

Je hoche simplement la tête et il m'adresse un sourire auquel je n'avais jamais eu droit. Si doux et si tendre.

- Je ne savais pas ce que tu prenais au petit-déjeuner donc je t'ai fait la même chose que pour Alice. La caféine en plus.

Et je ne peux m'en plaindre. Une grande tasse de café et un verre de jus d'orange sont dans un coin alors que la majorité du plateau est recouvert par une grande assiette de pancakes et différents accompagnements.

- Merci Andy, tu n'aurais pas dû...

Je me sens alors mal à l'aise. Il aurait dû me ramener chez moi et il s'est retrouvé à me cuisiner un repas.

- Mange et va prendre ta douche. C'est la porte juste à gauche dans le couloir. On parlera après. Alice, tu viens regarder la télé avec moi ?

- Ouiii !

Ils quittent alors la chambre alors que je rapporte mon attention sur le plateau. Comment puis-je mériter tout ça ? Après un moment à regarder dans le vide, je fais finalement honneur à ce repas en cherchant à ne pas culpabiliser. Et une douche plus tard, je les rejoins dans le salon, portant les vêtements trop grands de mon hôte : un jogging et un tee-shirt. Alors qu'Alice ne décroche pas son regard du dessin animé qui tourne à la télé, Andy pose son regard sur moi et me sourit avant de m'inviter à venir m'installer sur le canapé. Et sans un mot, nous avons continué à regarder les images qui défilaient à l'écran.