Chapitre 1 : Un rappel du Passé [Nathaniel]

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J'ai toujours détesté les portes qui claquent et se referment violemment. Aussi loin que je me souvienne, il n'y avait que ça chez moi. Et quand on sait que les premiers souvenirs apparaissent vers l'âge de quatre ans chez les enfants, vous pouvez imaginer dans quel environnement j'ai grandi avec ma sœur. J'étais un privilégié, je menais la grande vie et ne manquais de rien. Ce que certaines personnes ne manquaient pas de rappeler. Au lycée, le garçon serviable qui avait d'excellentes notes, délégué des élèves, c'était moi ! Timide et timoré, je faisais tout ça pour rendre mon père et ma mère fiers ; je n'avais le droit à aucun écart de conduite, alors que ma sœur, elle, pouvait tout se permettre. Elle était la reine des abeilles de notre lycée, la fille la plus populaire. Belle et détestée par la plupart des lycéennes de notre établissement, ma jumelle était surtout crainte par toutes ces ados, car elle s'était entourée de deux pestes qui lui servaient de garde du corps. Toujours à sa suite. Ses amies étaient son ombre, présentes pour la servir, exauçant ses moindres caprices. Aucun être sensé n'aurait osé se dresser devant elles, sans prendre le risque de perdre en crédibilité ou de dégringoler dans l'échelle sociale du lycée. Les jours passaient et se ressemblaient pour nous deux. Mais personne ne savait réellement ce qui se passait une fois que je rentrais à la maison, une fois que je passais la porte d'entrée. Ma sœur pouvait faire ce qu'elle voulait avec ma mère, elle la menait par le bout du nez, car c'était son unique fille adorée, sa princesse ! Quant à moi, ma mère me sautait presque à la gorge pour savoir si j'avais reçu des notes, réussi tel ou tel examen, si j'avais eu des compliments des professeurs ou encore si je m'étais inscrit à des cours du soir ou à un club du lycée pour augmenter ma moyenne générale. Toujours harcelé, pris comme dans un étau, tous les jours, je me sentais comme une souris qu'un rapace aurait attrapée en plein vol. Je me sentais piégé dans ma propre demeure, tandis que ma propre jumelle se prélassait devant la télé, regardant des débilités de téléréalité.

Tous les soirs, c'était la même chose : je remontais dans ma chambre, fermais la porte à clé pour ne pas qu'on vienne me déranger. J'allumais ma chaîne hi-fi, branchais mon casque et mettais la musique à fond. Je m'allongeais sur mon lit, à plat ventre, fixant quelques secondes mes oreillers avant de les frapper de toutes mes forces et de hurler dans mes poings après les avoir retirés. J'avais une telle rage, je devais l'exprimer d'une façon ou d'une autre. Il fallait que ça sorte, mais d'une manière discrète. Faire en sorte que ma famille ne voie pas le trouble qui m'habitait car si cela se voyait, cela serait perçu comme de la faiblesse. Et dans cette maison, la médiocrité n'avait pas sa place. Une fois calmé, je desserrais les poings. Malgré le fait d'avoir martelé les oreillers en plumes, mes jointures avaient blanchi tellement j'étais crispé. Je me levais et évacuais toutes ces mauvaises ondes, je soufflais également, car mes bleus me faisaient extrêmement souffrir ; cette fois, mon bourreau n'y était pas allé de main morte... Mais il savait où taper pour que ça ne se voie pas. Je baissais la musique et commençais à travailler.

C'est alors que, concentré sur mon algèbre, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir et claquer. "Encore ce maudit son", maugréais-je intérieurement, qu'est-ce que je pouvais l'avoir en horreur. À chaque fois c'était la même chose, l'atmosphère de la maison changeait. Comme si un voile glacé s'abattait sur cette dernière, tout devenait froid, les personnes comme l'air ambiant. J'écoutais alors sa voix et mon stress revenait au galop. Ma mère saluait mon père dans le hall et ma sœur lui racontait sa journée. Le patriarche ne se formalisait pas que je ne vienne pas l'accueillir le soir, il trouvait ça tout à fait normal que je sois en train d'étudier, seul, dans ma chambre à 20 heures révolues alors que toute la famille passait un agréable moment à rire et à se détendre. Même si je pensais que tout ça était feint (enfin c'est ce que je me disais pour tenir bon, car quel fils se disait qu'il n'était pas aimé de ses parents). Tout cela en était trop pour moi, dès que j'entendais sa voix, mon sang se glaçait. Mais le pire dans cette histoire était qu'une personne, une personne que je considérais et que j'estimais plus que tout, commençait à se douter de quelque chose ! Il était impossible pour moi qu'elle apprenne ce que mon père me faisait subir.

Comme un fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant