Enflure

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PDV SKYLAR

Nous nous retrouvons donc dans le petit jardin derrière la maison de mon enfance, Carter un peu plus loin de nous, au téléphone avec je suppose Evan, ou encore Nola.

Je m'installe sur ma balançoire, celle où j'avais gravé mes initiales au compas il y a une quinzaine d'années de ça. Je souris nostalgique, puis porte mon regard sur Parker, accroupi à un mètre devant moi. Mon regard change du tout au tout, et devient haineux.

— Alors comme ça, tu ne vas pas me faire de mal, hein ?

— Ce n'est pas mon intention. J'aimerais qu'on s'explique.

— Nous expliquer sur quo i? Notre rupture ? Dois-je te rappeler que c'est par TA faute que nous en sommes arrivés là ? je pointe mon doigt sur son torse. Par TA faute que j'essaie de me reconstruire ?

— Je ne t'ai pas fait tant souffrir que ça, tu attiges.

Je ris amèrement.

— C'est la cerise sur le gâteau, Parker. Tu te complais dans l'ignorance de tes propres gestes et de tes propres paroles, mais crois moi, tu m'as fait souffrir plus que mon père a pu me faire souffrir avec son mépris.

— Et, en quoi je t'ai fait souffrir ?

— Ezequiel, Jaylee et Alya, ça ne te rappelle rien ? Le viol non plus ?

Son souffle se coupe un instant, ses yeux perdent toute lueur, mais il revient vite à la normale : avec son air hautain et arrogant qui ne l'a jamais quitté depuis notre relation.

— Tu étais d'accord toi aussi, je te signale.

— Tu m'as mis le couteau sous la gorge, j'étais bien obligée d'être d'accord avec toi !

— Je ne t'ai jamais menacé !

— Non, tu me frappais ou me droguais, c'est vrai que c'est mieux !

Un violent flash-back refait surface, mais je fais tout mon possible pour le refouler. Je ne veux pas pleurer, pas devant lui. Il ne doit pas savoir qu'il m'arrive d'y repenser, et de pleurer tard la nuit à cause de ça.

Son regard d'habitude vert émeraude devient beaucoup plus sombre, me fusillant presque. Je jette un coup d'oeil à Carter, qui regarde dans notre direction en fronçant les sourcils. Il me fait signe qu'il a presque fini son appel téléphonique, et qu'il prend tout de même le temps d'écouter ce que nous nous disons.

— Tu crois vraiment que j'aurais pris la peine de te droguer si jamais je voulais faire quelque chose avec toi ? Tu étais tellement accro à moi que je n'avais qu'à claquer des doigts et tu te montrais devant moi dans ton plus simple appareil, et nous baisions jusqu'à pas d'heure, et tu en redemandais.

Il se relève et s'approche de moi, et je recule avec une impulsion sur le sol, me faisant être à la verticale sur la balançoire.

— Tu étais tellement pure et innocente, que ça m'a fait jubiler de t'enlever cette innocence. Souviens-toi comme c'était bon, quand je te prenais brutalement contre le carrelage de la salle de bains. Ou mieux encore contre le marbre de la cuisine. J'étais tellement content de voir que Mademoiselle Sainte-Nitouche était enfin dévergondée, et ce grâce à moi! Nous formions une parfaite équation. Mais il y a eu quelques petits désagréments.

— Trois grossesses, pour toi, ce sont des désagréments ? Tu es immonde, tout comme ton père et ton frère. Quoique... je fais mine de réfléchir, et un éclair de génie me parvient. Il veut jouer, on va jouer, mais il va perdre. Parce qu'à ce jeu là (celui qui va le plus loin dans ses propos, qu'ils soient réels ou inventés), j'ai appris à exceller. Bradley a toujours été meilleur que toi. Que ce soit de par sa gentillesse, son altruisme, sa simplicité, je le regarde dans les yeux pour la première fois depuis le début de cette discussion, ou par son membre. Je m'en souviens comme si c'était hier. Quand je passais chez vous à l'improviste, que tu n'étais pas encore rentré de tes cours de "soutien", je mime les guillemets, et qu'il me proposait de regarder un film pour ne pas avoir à repasser après. Si tu savais comment ça finissait ! C'était exquis Parker, largement plus qu'avec toi. J'ai appris à simuler avec toi. Tu ne m'as jamais procuré aucun plaisir, si ce n'est celui d'être enceinte.

Carter s'est légèrement rapproché de nous, et me regarde fixement. Il sait que je mens, mais il attend que je lui donne mon feu vert pour le mettre dehors avec une paire de gifles. Parker serre ses poings, me regardant avec une haine si immense dans les yeux que j'en ai presque peur.

Mais devant lui, je n'ai plus peur. Je n'ai pas à avoir peut d'un lâche.

— J'ai énormément de choses à te reprocher, c'est le moins que je puis dire. Mais grâce à toi, j'ai appris à m'endurcir. Après tout ce que tu m'as fait subir, je suis toujours debout. Et même si par ta faute, j'ai connu des choses que j'aimerais ne jamais avoir vu, entendu ou vécu, j'ai surtout connu l'indépendance, et c'est bien la seule chose pour laquelle je te serais éternellement reconnaissante. Tu passeras le bonjour à Bradley de ma part, en lui disant que c'est avec plaisir que je l'accueillerai chez moi à Denver si jamais il veut venir y séjourner. En attendant, tu peux partir, personne ne te retient.

— Tu me le paiera petite salope.

— Dans l'histoire, l'enflure c'est toi, ce n'est pas moi. Repense à tout ce que tu m'as fait subir, et on en reparlera. Au plaisir de te revoir, seulement si tu es entre les barreaux ou interné pour folie ou troubles bipolaires.

Je baisse la tête, et la relève aussitôt, pour voir Carter empoigner Parker par le col et le diriger vers la sortie, en l'injuriant.

— T'es juste un fils de pute en fait. Ne t'avise pas de revenir dans la vie de Skylar ou de la mienne, sinon c'est pas dans un hôpital psychiatrique ou dans une prison que tu vas finir, mais en soins intensifs.

Après avoir mis dehors un Parker fou de rage, Carter revient vers moi et me prend dans ses bras.

— Ça va aller, bébé. Je suis là. Pleure si tu en as envie, tu te retiens depuis bien trop longtemps.

Et c'est avec ces phrases-ci que je laisse libre court à mes larmes, qui ne se font pas prier et dévalent mes joues les unes après les autres.

***

Playlist du chapitre:

Mercy - Shawn Mendes
Wrong One - Jack and Jack
The Weight - Shawn Mendes
Castaway - 5 Seconds of Summer
Cold Hearted - Jack and Jack
hostage - Billie Eilish

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