Rencontre au Port

625 27 18
                                    

Annonce à la fin, lisez-là s'il-vous-plaît.


Gaëtan est un bon joueur de foot, très bon même avec ses treize buts en quatorze matchs pour les Ty' Zefs. En dehors du terrain, il est aussi un bon homme. Il aide sa voisine de palier à porter ses courses, donne des pièces et de la nourriture aux SDF du Leclerc du centre-ville, et quand quelqu'un le reconnaît, il lui accorde toujours quelques minutes de son temps. Le footballeur, bien que dans un club de Ligne 2, profite d'un certain anonymat presque étrange quand il se ballade. En effet, les brestois ne s'attardent que rarement sur leur équipe locale, préférant de grands clubs comme le Qatar-Saint-Germain ou le Bayern München ; ce qui est bien dommage dans l'esprit du joueur.

Une nuit, il n'arrivait pas à dormir. Quoi qu'il fasse, rien ne l'empêchait de se tourner et se retourner dans son lit, à la recherche d'une position comfortable. Lassé par ce manège, il se leva, mit un vieux joggin du club, attrapa un blouson et partit se promener dans le port. Charbonnier prit le tramway, qui l'amena jusqu'à Recouvrance, et descendit le fameux escalier construit sous Napoléon III. Il croisa de jeunes étudiants sortant d'un de ces pubs irlandais, et qui chantaient des chansons absurdes, quelques septentrionales ivrognes et des travailleurs de nuit pressés de se rendre à leur boulot. Ses pas le menèrent sur le quai Éric Tabarly, puis sur la digue de la Marina du Château. Le footballeur s'arrêta, profitant du spectacle des lumières de Plougastel et des balises dansantes sur l'eau. Il aperçut le traditionnel bateau de la Marine nationale veillant sur la rade, et son regard tomba sur l'Ile Longue. Terre des sous-marins nucléaires et une base des mieux gardées de l'armée, Gaëtan ne put se retenir de frissonner, pas encore habitué au fait que Brest était une ville militaire, et qu'elle pouvait être littéralement rasée de la carte en moins de temps qu'il n'en faut.

Soudain, il entendit une voix moqueuse derrière lui :

« Pas encore habitué à l'humidité bretonne, hein ? »

Le footballeur se retourna, surprit que quelqu'un puisse l'interpeller si tard dans la nuit, et trouva une jeune femme devant lui. Elle était de taille moyenne et plutôt fine, avait un visage malicieux mais ses yeux étaient étrangement vides. Elle portait aussi un survêtement du Stade de Reims, dont le blanc faisait ressortir la rousseur de ses cheuveux. Il ne sut pourquoi, mais Charbonnier sentait que quelque chose l'attirait dans cette femme. Prudemment, il répondit :

« Je m'y suis déjà habitué, mais merci de vous en être inquiété. »

« J'en attendais pas moins du joueur le plus décisif du Stade Brestois, » dit la supportrice
des rouges et blancs, avant d'enchaîner. « T'as pas une clope ? J'ai oublié mon paquet chez moi. »

Les sportifs de haut niveau ne doivent pas fumer, et ça même les amateurs le savent, mais allez savoir pourquoi le footballeur avait justement un paquet sur lui. Il lui tendit donc les bâtonnets de cancer, avec le briquet qui s'y colle, et observa la jeune femme, qui ne toussa même pas lors de sa première bouffée. Elle les lui rendit, et s'accouda à la digue, sans dire un mot de plus. La curiosité du joueur augmentait de minutes en minutes, et il finit par imiter la jeune femme. Il résista encore dix secondes, avant de lui poser une question :

« Qu'est-ce qu'une supportrice du Stade de Reims fait à Brest, en pleine nuit de plus ? »

« J'te retourne la question. »

Le sarcasme atteignit Charbonnier, mais il ne s'en formalisa pas, et enchaîna sur une autre question :

« Alors que fais-tu là, à parler avec un inconnu et fumer ? »

OS Footballeur•euse•s [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant