Gadie
La lourde porte de métal claqua brutalement contre le mur. Je me ruai dehors, les mains agrippées à mon visage, mes ongles griffant ma peau. Je n'en pouvais plus. Ce tourbillon de colère. Cette douleur si vive qui s'agitait dans ma poitrine. Qu'avais-je fait ? Pourquoi ? Pourquoi ne pouvais-je m'empêcher de réagir ainsi ? Encore et encore. Le vent vint balayer mon visage, séchant les torrents de larmes qui dévalaient mes joues. J'avançais, mes semelles râpant tristement les graviers sombres. J'avançais, jusqu'à ce que mes forces me quittent, que mes genoux flanchent et que je m'effondre sur le sol, le front contre le béton froid, une grimace atroce sur le visage.
J'avais mal. J'avais terriblement mal. Mon cœur semblait se briser en mille éclats de verre dans ma poitrine. Des vagues de souffrance se déchainaient dans mon esprit. Je voulais hurler. Je voulais crier. Un hoquet terrible s'échappa de ma gorge. Je me mordis les lèvres, frappant rageusement du poing sur le sol. Je n'étais qu'un monstre. Je n'avais toujours été qu'un monstre. Un misérable monstre. Un goût de sang se répandit dans ma gorge. Âcre et métallique. Mon corps fut pris de lourds soubresauts. Je n'en pouvais plus. Je ne parvenais plus à lutter. Les vannes de ma souffrance s'ouvraient une à une dans mon corps, engloutissant chacune des parcelles de mon être. Mes forces me quittaient. Je laissai échapper un cri de douleur. Un hurlement terrible. L'aveu de ma faiblesse. Le témoin de ma laideur. Là, écroulée sur la surface terne et vide du toit, je déversais dans le ciel obscur de la nuit le néant infini de mon désespoir.
5 ans plus tôt
Les murs gris et froids défilaient devant ses yeux. Les mains enfouies dans les poches de sa veste, un sourire léger barrant son visage enfantin, la jeune fille grimpait d'un pas rapide les marches sombres de l'escalier. Un vent de bonheur jusqu'alors inconnu soufflait dans son esprit. Elle avait réussi. Elle allait pouvoir s'enfuir. Enfin.
Arrivée à l'étage, elle s'engouffra joyeusement dans le couloir. Il faisait sombre et une odeur désagréable de tabac froid flottait dans l'air. Plissant le nez avec dégoût, elle se dirigea vers l'extrémité de l'immeuble. Son pas raisonnait lugubrement dans le grand espace vide.
Un bourdonnement parvenait à ses oreilles. Des éclats de voix. Puis un tremblement. Sourd et puissant. La jeune fille frissonna. Son sourire avait disparu. À sa place, une crispation glacée s'était emparée de ses muscles. Un mauvais pressentiment. Une crainte soudaine et entêtante. Elle pressa le rythme.
La porte décharnée se présenta devant elle. Un nouvel éclat de voix. Plus violent encore. Plus fort. Puis un coup. La fillette sursauta. Cette peur. Cette colère. Tout gonflait en elle. Gadie ouvrit aussitôt la porte.
« JE T'INTERDIT DE ME PARLER SUR CE TON ! Beugla une voix.
- Mais puisque je te dis que c'est pas moi ! »
La jeune fille eut à peine le temps de refermer la porte pour s'écarter qu'une masse sombre s'effondrait brutalement à côté d'elle. Un jeune garçon aux boucles brunes et sauvages. L'adolescente se précipita vers lui.
- Marco ! s'écria-t-elle avec horreur.
Le jeune homme releva la tête, non sans dissimuler une grimace de souffrance. Il porta sa main au niveau de ses côtes.
- Toi ne te mêle pas de ça ! grogna une voix derrière eux.
Gadie se retourna. Devant elle, les muscles saillants et la chemise défaite, se dressait un homme menaçant. Ses petits yeux surplombés d'imposants sourcils broussailleux la fixaient avec colère. Elle plissa les lèvres, ravalant l'élan de rage qui grandissait dans sa gorge.

VOUS LISEZ
Apparences
Storie d'amoreQuelle chance Gadie, petite frappe de cité mal-embouchée, et Mélina, fifille à papa arrogante, avaient-elles de se rencontrer ? Et quelle chance ces deux là avaient elles de s'apprécier ? Aucune me diriez vous. Et vous avez bien raison. Mais par m...