Chapitre 31

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Mélina

Le bus me déposa juste devant l'entrée du grand hôpital. Mon front poissait et mes mains étaient moites. Sans parler de l'odeur. Une horreur. Étouffant un soupir exécré, je sautai sur le bitume noir. C'était la deuxième fois en une seule journée que je m'enfermais de mon propre chef dans une de ces affreuses boites de conserve. Je devais être devenue complètement cinglée. Secouant la tête, j'empli mes poumons de cet air délicieusement pollué, avant de me décider enfin à franchir les derniers mètres qui me séparaient de l'immense porte. Mon cœur battait à tout rompre contre ma poitrine. Gady était là. Juste derrière le crépis triste et grisâtre de ces murs. Il était juste là. Nouveau battement affolé. J'entrai.

Blanc. Tout était blanc. Et bruyant. Des voix, partout, le bruit incessant des machines et le tumulte angoissant des pas. Il y avait cette odeur également. Cette affreuse odeur de propre. Un propre sale. Un propre qui puait la maladie, la routine et la vieillesse. Je frissonnai. Chassant de ma tête d'affreuses images, je me frayai un chemin à travers le grand hall de l'hôpital. Des individus au teint gris et triste me regardaient passer sans vraiment me voir. C'en était... terriblement perturbant. Je n'aimais pas cet endroit. Non décidément, je n'aimais pas cet endroit. Mais Gady était là. Peut-être. Sûrement. Je me ragaillardi. Ce n'était pas un misérable hôpital qui allait m'arrêter tout de même !

Un écriteau lumineux attira mon attention. Des lettres jaunes scintillaient sur un fond gris. Piètre assemblage. Je plissai les yeux. "ACCUEIL" Parfait. C'était tout ce qu'il me fallait. Jetant un dernier regard dédaigneux à l'atroce faute de goût qui servait de pancarte, je pivotai vers la direction indiquée. Un vaste bureau cerclé de planches de verre et de PVC. Gris et blanc, comme le reste. En son centre, disparaissant derrière l'écran de son ordinateur, une petite dame au chignon grisonnant semblait penchée sur un paquet de dossiers. Super. Une Louise II ! Je posai bruyamment mes mains sur le comptoir. La femme releva la tête.

-    Vous désirez ?

Sa voix aigüe et pinçante s'accordait parfaitement avec le pli serré de ses rides. Je lui offris une délicieuse grimace en guise de sourire. Elle me retourna la pareille. Parfait. On allait s'entendre.

-    Eh bien, commençais-je d'une voix qui se voulait assurée, je souhaiterai que vous me renseignerez sur le numéro de la chambre occupée par monsieur...

Je me tue soudainement. Monsieur qui exactement ? Monsieur Gady ? Non. Mille fois non. J'étouffai un juron. Quelle idiote je faisais. Je ne connaissais ni le prénom ni le nom de cet illustre inconnu. Et il en allait de même concernant Gady. Je me pinçai la lèvre. Comment les identifier ? Et comment obtenir l'indication tant souhaitée sans passer pour un odieux charlatan ?

-    Je suis venue voir un homme qui se trouve dans le coma, expliquai-je finalement sur un ton bien moins fringuant. Il s'est pris une balle hier soir, vous avez sûrement dû en entendre parler. Je suis une amie de son frère...

La vieille bique qui me servait actuellement d'interlocutrice plissa les yeux. Ainsi étriqué, son visage n'était plus qu'un affreux amas de rides. Répugnant.

-    Son frère... répéta-t-elle de sa voix exécrable.

-    Oui, son frère, m'agaçai-je. Alors, vous pouvez m'aider ?

Un silence. Les yeux toujours plissés, Louise-bidule fit claquer la pointe de son stylo sur son bureau. Lentement. Trop lentement. Je commençai à perdre patience. Mes ongles vinrent rayer la surface de plastique.

-    Et vous n'êtes pas capable de me fournir plus d'informations que cela sur leurs identités ?

Je me figeai sur place. Qu'insinuait-elle ? Que j'étais une menteuse ? Une imposteure ? Quelle ose seulement me le dire en face si le courage lui en prenait ! Je triturai nerveusement la lanière de mon sac. Bon sang. Dire que j'étais si proche...

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