Mélina
Chaud. J'avais chaud. Foutu temps. Foutu bus. Foutus transports en commun. Pas même capables d'installer la clim. Il fallait vraiment que je sois angoissée pour accepter un tel sacrifice. Une heure coincée dans les bouchons, pour arriver là, plantée devant la façade déstructurée de ce maudit théâtre. Le cœur battant, les cheveux en bataille. Une légère et infime goutte de sueur dans le cou. Dégoutant. Je secouai la tête. Réajustant la lanière brillante de mon sac, je tentai vainement de faire abstraction de ce détail répugnant puis entamai une marche rapide vers les deux battants de verre qui se trouvaient devant moi. Un frisson angoissé gonflait dans mon cerveau.
Depuis la veille, les images n'avaient cessées de hanter mon esprit. Je revoyais son visage, éclaboussé de couleurs inquiétantes, cette ride de douleur déchirant ses traits, les pleurs dévorant ses joues. Cela n'avait duré qu'une fraction de secondes. Une virgule insignifiante dans le court si vaste de mon existence. Mais cela avait été suffisamment terrible pour marquer mon âme jusqu'au plus profond de ma chair. Mes entrailles s'étaient compressées, mon cœur en avait pleuré. Gady. Si beau, si fort. Gady qui m'avait soutenue et aidée. Gady au sourire cruellement rayonnant. À terre. Piétiné. Torturé. Défiguré par un désespoir que je ne lui connaissais pas. Une détresse soudaine qui s'était brusquement emparée de moi. Cinglante et douloureuse. J'avais souffert avec lui. J'avais pleuré avec lui. Détresse qui se transforma bien vite en colère. Bouillonnement de rage et de peur. Comme une envie soudaine et violente de briser cet écran pixélisé pour le serrer dans mes bras, le protéger de cette souffrance qui l'assiégeait. Mais je n'avais rien pu faire. Non. Rien du tout. J'étais restée là, les bras ballants, des débris de verre et de gélatine à mes pieds, à fixer cet écran de malheur. Un monde s'était brusquement effondré.
Le néon de la pièce grésilla faiblement dans le grand hall. La porte claqua derrière moi. Un silence de catacombe. Un crépitement. Personne. Je parcouru brièvement l'espace du regard. Même Louise-machin n'était pas à son poste. L'absence du toutou m'aurait presque fait de la peine si mon cœur n'était pas déjà trop occupé à s'inquiéter pour un être aux yeux atrocement bleus. Sans perdre d'avantage de temps dans ce vestibule manifestement désert, je pivotai sur mes talons pour me diriger vers la porte qui se trouvait sur ma gauche. La salle de spectacle. Si une quelconque âme occupait cette bâtisse de malheur, elle devait assurément se trouver ici.
- Purée mais c'est pas compliqué d'appuyer sur un foutu bouton ! On-Off ! Le choix n'est pas démesuré non plus ! Essaye de faire fonctionner tes deux neurones pendant cinq minutes, merde !
Une bourrasque. Je plissai les yeux. J'avais connu des accueils plus charmants. La porte claqua sourdement derrière moi. Sur scène, agitant ses bras dans tous les sens, un pauvre type en sweat noir était occupé à faire des rondes, déversant un mélange de beuglements pathétiques sur un petit binoclar tremblotant. Dans le fond de la pièce, une fille vêtue d'un uniforme plus que douteux était allongée sur un trône. Mister dracula. Tommy. Apparemment, une nuit de sommeil n'avait pas suffi à calmer ses ardeurs. Je ne serais pas étonnée de le trouver enchainé dans un foutu asile ce pauvre garçon. Il ne me paraissait pas tout à fait tranquille dans sa tête.
- Mélina ?
Je sursautai. Qui ? Que ? Qui était l'odieux crétin qui avait eu l'audace de prononcer mon sublime prénom ? Gady ? Mon cœur eu un tressautement d'espoir. Non ce n'étais pas possible. Je me retournai. Fin de l'épisode d'espoir. Retour à la réalité. Mon excitation s'envola d'un coup. Ce n'était pas Gady. Bien évidement que non. C'était bien pire. C'était Barbie.
- Je ne savais pas que tu devais venir nous voir aujourd'hui.
Une de ses mains vint glisser sur sa taille. J'eu un pincement de lèvres. En même temps, chérie, tu ne devais pas savoir grand-chose sur moi non plus.

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Apparences
RomanceQuelle chance Gadie, petite frappe de cité mal-embouchée, et Mélina, fifille à papa arrogante, avaient-elles de se rencontrer ? Et quelle chance ces deux là avaient elles de s'apprécier ? Aucune me diriez vous. Et vous avez bien raison. Mais par m...