Mélina
Ce mur était blanc. Beaucoup trop blanc. Je ne pensais pas qu'il soit possible de faire plus blanc que ce mur blanc. C'était à m'en faire tourner la tête. Niveau originalité, je mettais un zéro pointé. Quoique... Cet aspect froid et impersonnel seyait parfaitement au caractère médiocre de mon père. Un blanc, une absence. Pas même l'ombre d'une présence. Un carrelage trop lisse, des meubles impeccables, des murs dénués du moindre souffle de vie. Oui, c'était définitivement son portrait craché. À vomir.
Étirant les muscles fatigués de mes bras, je m'avachie un peu plus sur le fauteuil à roulette qui me servait de trône. Léger crissement. Mon corps glissa vers l'arrière. Deux heures que je me trouvais là, enfermée dans ce fichu bureau. Deux heures passées à éplucher des documents terriblement ennuyants dans une ambiance de chambre mortuaire. Deux heures. Bon sang. Je n'avais jamais été aussi heureuse d'avoir choisi des études de droit. Soupir las. Pourquoi avais-je accepté ce boulot déjà ?
L'aiguille de l'horloge indiquait 14h23. Mon ventre gargouillait. La faim me torturait le ventre. Je l'ignorai superbement. Mon regard balaya les papiers étalés devant moi. Je n'aurais jamais dû me lever ce matin. J'étais venue dans ce théâtre miteux avec l'espoir fou d'y croiser le regard de Gady, mais ce rêve avait bien vite été brisé. Gady n'était pas là. Évidement qu'il n'était pas là, il avait bien mieux à faire que de suer sang et corps pour une pièce misérable. Pourtant j'y avais cru, je l'avais espéré. Le voir, juste le voir, m'assurer que tout allait bien. Le prendre dans mes bras peut-être... Je me raidi. Non. Oh. Calmons-nous. Le voir d'abord, tu assouvira tes élans d'animal en chaleur plus tard. Incapable.
Ma vision se brouilla. Fatigue, ennui... Qu'en savais-je ? Mes doigts faisaient inlassablement tourner un crayon dans les airs. Crayon de bois, jaune, légèrement mordillé à l'extrémité. Répugnant. Dans un soupir digne des plus bruyantes bouilloires, je me penchai de nouveau sur le bureau. L'affaire n'était pas mince. Pas du tout. Elle était même carrément obèse. Mon père n'avait pas menti lorsqu'il m'avait dressé le portrait du plus terribles des casse-têtes. Ce n'était même pas un casse-têtes, c'était une soupe immonde et indigeste.
J'avais besoin de fonds. De beaucoup plus de fonds. Mais je n'en avais pas. Là était tout le problème mon amie, diraient sans doutes quelques ignares insolents. Je vous emmerde. Laissez-moi réfléchir à ma guise. L'établissement était déficitaire. Fort bien. 100 000 euros à compenser. Intéressant. À cela s'ajoutaient des dépenses nécessaires. Abonnements mensuels, impôts, taxes, dettes... Retirez à cette merveilleuse équation les rares subventions jusqu'alors accordées par la mairie. Fait ? Bien. Enfin ajoutez-y le coût des réparations et rénovations nécessaires, vous obtiendrez... Un foutu dossier à la noix que je vais m'empresser d'aller brûler sur le champ ! Raah !
Je m'enfonçai de nouveau dans mon fauteuil. La lumière du bout du tunnel s'était éteinte. Super. Tout le monde m'abandonnait à présent. Mes yeux se fermèrent. J'avais bien quelques idées pour résoudre cet insoluble problème, mais personne ne daignait les appuyer. Il aurait d'abord fallu boucler le théâtre pour une poignée de semaines, histoire d'assurer les rénovations avant de se mettre pleinement en action pour récolter de nouveaux fonds. Qui voudrait soutenir financièrement un théâtre en ruine ? Personne. Mais aucun des sombres idiots qui composaient le conseil administratif n'avait daigner me répondre. Je m'étais cassée la tête pour leur trouver des artisans efficaces à l'ardoise raisonnable, et ces foutus crétins avaient osé me snober superbement ! Immondes chacals... Enfin, je suis médisante, l'un d'entre eux avait bien gentiment daigné me donner son avis. Le vampire perché de la dernière fois. Tommy le crétin. Oh grand dieu, fermer le théâtre ?! Mais et la pièce ?! Et les répétitions ?! Jamais nous ne pourrons nous le permettre ! Imbécile... Vu la tronche de sa pièce, une ou deux répétitions de moins ne feraient de mal à personne, bien au contraire d'ailleurs.
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Apparences
RomanceQuelle chance Gadie, petite frappe de cité mal-embouchée, et Mélina, fifille à papa arrogante, avaient-elles de se rencontrer ? Et quelle chance ces deux là avaient elles de s'apprécier ? Aucune me diriez vous. Et vous avez bien raison. Mais par m...