Mélina
« T'es sûre que tu ne veux pas que j'apporte quelque chose ? Boire, manger... Ce que tu veux ! Je passe devant une grande surface là... »
Les derniers rayons de soleil éclaboussaient le bitume sombre d'une chaude lumière. Le vent dans mes cheveux et la fraicheur du soir sur ma peau, j'avançais d'un pas calme sur le trottoir, offrant mon visage aux ultimes lueurs du jour. A mon oreille, sa voix grésillant légèrement dans l'écouteur de mon téléphone, Sophie s'évertuait à refuser mes propositions.
- Mais non, t'inquiète, je ne veux que toi ! On a déjà tout ici, si ce n'est trop... Antony s'est complètement lâché au rayon des bonbons, tu verrais ça... D'ailleurs j'espère que t'aime les tagadas sur-sucrées et bourrées de produits chimiques, parce qu'on en a une bonne demi tonne !
Je détestais cela. Réprimant une grimace, je laissai échapper un rire amer.
- J'a-dore, ironisai-je.
Le rire de Sophie vint faire écho au mien, heurtant un peu plus la sensibilité précieuse de mes tympans. Je me mordis les lèvres.
- J'en étais sûre... Bon, alors maintenant tu bouges tes fesses, on t'attend tous là.
- Ecoute, le meilleur pour la fin comme on dit...
- Ouais c'est ça, t'emballe pas trop non plus hein.
Je souris bêtement sur mon trottoir.
- T'inquiète, assurai-je d'une voix trainante. Je suis là dans cinq minutes, à peine.
- Excellente nouvelle.
- Tu vois. Aller je te laisse, à tout de suite !
- Yes ! Appelle-moi quand t'es en bas.
- Ça marche.
Je raccrochai. Face à moi, le petit bonhomme lumineux venait de passer au rouge. Les voitures commençaient à faire gronder leurs moteurs. J'évaluai la scène. Je me trouvais face au dilemme le plus dingue de toute mon existence : avais-je le temps de traverser la route ou devais-je me résigner à perdre quelques précieuses secondes de plus sur ce trottoir répugnant ? Mourir bêtement ou perdre son temps ? Dilemme dilemme. Le feu passa au vert. Les voitures démarrèrent en trombe. Raté...
Après avoir quitté le théâtre, j'étais rentrée chez moi pour y déposer une montagne de nouveaux documents. Mon père avait déjà bossé dessus, et force est de constater qu'il n'avait pas chômé. Deux ou trois bons gros kilos de dossiers devaient s'entasser un peu partout dans mon appartement. De quoi décourager Chuck Norris en personne. Mais j'étais encore plus dingue que lui. Deux diamants bleus veillaient sur moi, guettant ma réussite. Je ne pouvais pas échouer.
Sur le chemin, j'avais repensé à Gady, à son air triste et ses problèmes d'argent. Un sentiment étrange gonflait dans ma poitrine. Une vague de chaleur glacée. J'étais heureuse d'avoir pu l'aider. J'étais heureuse qu'il se soit confié à moi, ou du moins, qu'il m'ai fait suffisamment confiance pour me parler de lui. Ce n'étaient que des balbutiements. Des fragments de vie, quelques éclats inquiétants. Mon bonheur se mêlait à une crainte nouvelle. Un refrain de préoccupations étouffantes qui se répétait inlassablement dans mon esprit. Je ne savait plus quoi penser. De lui. De tout.
La drogue. Ce mot m'avait fait trembler. Ma vue était passée du blanc au noir. D'un coup. Pourtant je n'étais pas si naïve, beaucoup de gens en consommaient aujourd'hui. Sébastien en consommait. J'en avais consommé. Mais ce simple mot, drogue, regroupait à lui seul une montagne d'autres mots. Un océan d'inquiétudes et d'angoisses. De quelles drogues parlait Gady exactement ? Quel genre de problèmes rencontrait-il ? On ne s'endettait pas aussi facilement auprès de dealers. Quels était ses relations avec eux ? Je ne savais pas. Des images inondaient mon cerveau. Des scénarios catastrophes. Qui était Gady ? Un mafieux ? Un petit Qaïd ? Un ancien toxicomane ? Non. Ce n'était pas possible. Je ne pouvais pas croire à cela. Jamais. Il y avait quelque chose en lui, quelque chose qui respirait la confiance. Alors pourquoi ? De quoi avais-je peur ? Je croyais me noyer.

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Apparences
RomanceQuelle chance Gadie, petite frappe de cité mal-embouchée, et Mélina, fifille à papa arrogante, avaient-elles de se rencontrer ? Et quelle chance ces deux là avaient elles de s'apprécier ? Aucune me diriez vous. Et vous avez bien raison. Mais par m...