Chapitre 10

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Mélina

    Ses grands yeux bleus étaient fixés sur moi. Surpris. Choqués. Dégoutés... Il ne me quittait pas du regard. Complétement absorbé par mon visage. Il me regardait, horrifié. Je senti la pression exercée sur mon poignet se détendre. Aussitôt je retirai ma main et me défi de son emprise. Je vins plaquer ma paume contre ma joue. Il eut un mouvement de recul. Je baissai la tête, fixant le sol.

    Ses bras retombèrent contre son corps. Le vent s'était mis à souffler. Je sentais son regard posé sur moi, ses yeux translucides qui me détaillaient. Il ne disait rien. La tête toujours tournée vers le sol, je n'osais pas le regarder. Je n'osais pas affronter son regard. J'avais honte.

-    Je... commença-t-il, je suis désolé...

Il était désolé ? Je cru déglutir. Mais de quoi était-il désolé ?! De m'avoir humilié ?! De m'avoir mise à nue sur ce trottoir ?! De m'avoir blessée ?! Pourquoi était-il désolé hein ?! Qu'est-ce que cela changeait pour lui ?! Il était désolé... Tsss... Je contractai la mâchoire, les dents serrées. Cela me faisais une sacré belles paire de jambes tiens ! Le sang affluait avec excès dans mes tempes. Je ne bougeai pas, les yeux toujours rivés vers le sol. Debout face à moi je le sentais hésitant, mal à l'aise.

-    Que t-est-il arrivé ? osa-t-il prononcer.

Je relavai la tête et lui jetai un regard noir.

-    Qu'est-ce que ça peut te foutre ?! lui crachai-je brusquement.

Il sursauta légèrement, surpris par mon soudain changement de comportement. La tête droite, le regard haineux, je le fixai à présent. Je le regardai. Je regardai ce garçon qui m'étais inconnu, ce garçon qui m'avait humilié. J'observais ce garçon qui se tenait devant moi, devant mon corps faible et abimé. Je ne comprenais pas ce qu'il voulait. Je ne comprenais pas ce que je devais faire. Je n'avais qu'une envie, fuir. Partir loin. Me cacher. Hurler ma peine et ma douleur. J'avais envie de lui crier au visage, de lacérer sa peau, de laisser exploser ma rage. Mes mains tremblaient. La haine. Je serrai les poings, enfonçant mes ongles dans ma chair.

-    Je... je m'inquiéte c'est tout...

Il s'inquiétait ?! Ma respiration s'arrêta un instant. Il s'inquiétait ?! Je me mis à rire. Un ricanement de hyène. Un rire de dément, comme un cri rauque et immonde qui s'échappai de ma gorge. Un râle saccadé, excité, qui s'échappai des profondeurs de mon âme. J'en fut la première surprise. Mes genoux se fléchirent. Mon visage se tordait de douleur. Ce rire était le cri d'un animal blessé. Le rire des faibles.

-    Tu t'inquiéte pour moi ?! m'exclamai-je brusquement, La bonne blague ! Arrêtes de te foutre de moi ! Tu ne me connais pas ! En quoi est-ce que ma misérable vie peut t'intéresser ?! Fous moi la paix ! Tu m'entends ?!! Dégage !!

Je lui avait hurlé dessus. Je lui avait craché à la figure toute ma haine et ma souffrance. Mon regard était noir. Mon masque était parti. Ce masque que j'avais si difficilement élaboré. Ma carapace. Tout. Tout s'était brisé avec moi. J'étais seule. Je n'avais plus rien à cacher. J'avais mal. Je le fixai, d'un regard de bête. Un regard qui soutenait toute ma douleur. J'avais envie de le briser avec moi. D'enfoncer mes griffes de lionne souillée dans son visage. Je voulais qu'il s'en aille. Pourtant il ne bronchais pas. Il continuais à m'observer. Son regard traduisait la tristesse et la pitié. La pitié... Je voulais crier. Je ne voulais pas de sa pitié ! Je ne voulais pas de son regard de chien battu ! Je ne voulais pas que l'on me plaigne ! J'avais mérité ce qui m'étais arrivé !

Poussant un grognement de rage, je saisi mon sac que j'avais laissé tomber sur le sol. La main toujours plaquée sur mon visage, je jetai un regard terrible à cet homme qui m'insupportait et entrepris de m'éloigner. Je voulais disparaitre. Je voulais être réduite en cendre. Cette souffrance m'aveuglait. Je n'arrivais pas à réfléchir. Mais, quand je passai à son niveau pour le dépasser, je distingua une lueur s'allumer soudainement dans son regard. Il ouvrit de grand yeux et tourna brusquement son visage vers moi. Surprise, je ralenti le pas. Qu'est-ce qu'il me voulait encore ?

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