TOME 2 - SAGA TROIS MOIS SOUS SILENCE
Penser. Il faut penser à la suite. Aux projets futurs. À l'avenir.
Séléna Brand a passé le voile, pour entrer dans le vrai monde. Celui où vivent les monstres, et ses amis. L'assassinat de l'un d'entre eux la po...
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La différence des pupilles entre Vanpir et Domovoï est une curiosité de la nature. Nos récentes études n'ont pu déterminer ce qui, en l'hybridation des Vanpirs, diffère autant avec le fonctionnement de l'œil de son parent. Le changement de coloration pourrait s'expliquer par une modification des pigments par une réaction chimique. Celle des pupilles, passant d'une position à l'autre, est cependant une parfaite incompréhension.
Etude du développement de la rétine, Prima Agence
L'heure nous séparant de la citadelle me permet de faire le point sur ce que j'ai fait, et de capturer un éclat rassurant dans les yeux de Vadim. J'ai tué... et je vais probablement devoir recommencer. Dans l'œil du Vanpir, je comprends désormais que j'aurais rarement le choix, et que je serais amenée bien souvent à commettre l'irréparable. En cet instant, je donnerais tout pour une pièce isolée et un coup de téléphone. J'ai besoin d'appeler maman, d'entendre sa voix rassurante, et ses mensonges. Parce qu'elle ne pourra jamais m'avouer que ce que j'ai fait est horrible. Alors que c'est bien le cas. En tête de file, Raven, le Vanpir borgne, nous mène au petit trot entre les arbres, effrayant des biches sur son passage. Sa rapidité dépasse de loin nos chevaux, mais il revient régulièrement sur ses pas, comme pour nous rappeler que mes coéquipiers seraient bien plus vite arrivés sans moi. Mais lorsque nous abandonnons enfin la taïga, c'est pour nous enfoncer au cœur d'une terre désolée.
La toundra sibérienne s'offre à nous, révélant un épais tapis de mousse, quelques arbres disparates et de profonds trous d'eaux, parfois large de plusieurs mètres de diamètre. Au loin s'élève une haute chaîne montagneuse, pourtant éclipsée par la citadelle. Car celle-ci surgit du néant, comme si la terre s'était ouverte pour révéler la noirceur de la Bête. La citadelle n'en est pas une. À la place se tient un haut building, noir, recouvert de motifs à la mode gothique. En approchant, je distingue des aspérités et des formes étranges sur les parois opaques, toutes dépourvues de fenêtres. Le bâtiment doit dépasser les trente étages, et pourrait me faire penser à l'un de ceux que l'on retrouve à La Défense, haut siège de l'Agence française, installée en dessous. Seulement, rien ne pourrait ressembler véritablement à cette architecture, coincée entre une cathédrale gothique et un building des quartiers des affaires. À quinze mètres du bâtiment, une troupe de Vanpirs nous fait mettre à terre, et j'abandonne mes chevaux, parfaitement anxieuse à l'idée de les laisser ainsi, esseulée. Vadim, en me poussant en avant, m'assure pourtant qu'ils retrouveront le chemin jusqu'à Ebyorn et Bregolas, qui prendront soin d'eux. Avec un pincement bien permanent, je me détourne, après une dernière caresse, pour contempler de plus bas cet énorme building.
En cet endroit, au milieu de rien, il pourrait s'élever sur plus d'une trentaine comme une soixantaine d'étages, réalisais-je après coup. Et je ne le saurais pas, car mon seul point de comparaison sont les quelques conifères poussants çà et là. Je suis étonnée de ne découvrir aucune forme de défense, de barricades ou de patrouilles tournant autour du bâtiment. Seule la troupe, celle nous ayant attaqués, nous attend au pied du building, et nous guide silencieusement jusqu'à son entrée, une double porte s'ouvrant à l'aide d'un digicode. Raven l'ouvre, avec la force de l'habitude, puis nous guide dans une entrée sobre, entièrement noire. Du sol au plafond, les parois ont été recouvertes d'une épaisse couche de peinture sombre, masquant tout, même les portes menant vers d'autres salles. La troupe s'étale dans notre dos, certains prennent l'escalier, que je découvre sur notre gauche, tandis que Raven appelle un ascenseur, et patiente sagement devant.
