Chapitre 1 🥀

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Quatre bras, quatre jambes, et une seule tête à deux visages

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Quatre bras, quatre jambes, et une seule tête à deux visages. Ainsi les anciens dieux ont décidé de nous faire, afin de nous offrir le repos éternel auprès d'un être parfait. L'autre partie de nous-même. Notre âme jumelle.

Fable du fil rouge, grâce délivrée par les anciens dieux, écrits Vanpirs

- Léna, m'invective Markel, à deux pas de moi. Concentre-toi.

Je grogne, ravale de nombreux jurons, alors que la main d'Ebyorn se presse davantage contre la mienne, me rappelant silencieusement à l'ordre. À lui aussi, je lui offre un regard noir, sans qu'il se vexe. La force de l'habitude...

- Inspire à nouveau, et ne retiens pas ta respiration. Cesse juste de respirer.

- Juste de respirer, répété-je en singeant mon ami. C'est vrai que c'est simple.

- Après trois jours d'exercices, vous devriez en comprendre le fonctionnement, tout de même, murmure l'Enchanteur, les yeux clos.

Trois jours. Voilà seulement trois jours que nous nous entraînons. Trois jours que nous persévérons, et tentons de percer les mystères entourant le bracelet tatoué sur mon avant-bras droit. Et cela fait quatre jours que nous avons salué une dernière fois Sevastian. Je suis la première humaine à participer aux obsèques d'un Vanpir, au sein de la forteresse du grand prince. Et je serais probablement la seule à remonter l'allée menant au domaine d'Isidore, dans un cortège de Vanpirs et Domovoï revêtus de rouge. Leur couleur, leurs mœurs. Sevastian a eu le privilège de rejoindre le caveau royal, en tant que garde personnel du prince. La lente descente dans les catacombes de la forteresse a été une abomination que je ne suis pas prête à revivre. Plus jamais ça. Stevan a été suffisamment clair, il ne supportera pas de perdre un autre de ses proches. Il a tenu tête à son père devant nous. Devant les sujets d'Isidore, pour appuyer notre démarche. Pour rendre justice. Pour maintenir la justice. Et pour aller retrouver le meurtrier de Sevastian.

- Léna...

Je finis par obéir à Markel, me replace en position de méditation, et prends de longues inspirations. Ebyorn, concentré sur des choses que nous ne pouvons sentir, adopte mon rythme respiratoire, pour devenir invisible à mes sens. Les yeux fermés, j'évite un tri inutile entre toutes mes pensées, et me contente de respirer. Respire, ma fille. Respire. Les mots de mon père percent la maigre résistance à cet apaisement, que j'accueille, après quelques minutes de batailles, avec un calme plat. J'entends Markel pousser un soupir à mes côtés, mais n'en tiens pas compte. Derrière moi, tout disparaît. Je ne me trouve plus dans la pièce adjacente à la salle d'entraînement. Je ne suis plus dans la forteresse d'Isidore Saveli. Je suis sur la toile. Lumineuse, éclairée par ma simple volonté. Comme Ebyorn me l'a appris. Je régule ma présence, informe les humains les plus proches de moi de ma présence, avant de m'élancer sous le voile. L'Enchanteur m'a permis de dépasser le stade de l'apprentissage, en m'enseignant comment les Bruxtias agissent, sur leur propre toile interne. Les Enchanteurs et les Bruxtias évoluent comme nous, comme tous les humains ayant dépassé le Clenche. Et grâce à ça, l'Enchanteur du grand prince a pu m'apprendre à contrôler mon étrangeté. Le Clenche recouvre tous les esprits humains, depuis qu'un être puissant nous a offert la liberté dans un monde en guerre. Le dépasser est rarissime, et mon cas l'est davantage. Parce que l'on ne sait pas comment je m'en suis débarrassée. L'importance reste que je l'ai fait, et que rien n'est normal, en ce qui me concerne. J'ai fini par disparaître de la toile, chose impossible pour un si jeune esprit. Ebyorn m'aide à me reconstruire sur un réseau dont je ne peux me passer. Pas alors que je cherche des réponses, et n'en trouve aucune. Ravalant un cri de frustration, je quitte après quelque temps le savoir de mes ancêtres pour retourner à mon corps et à mes préoccupations. Je cligne des yeux, croise le regard bleuté de mon ami, et lui rends sa grimace.

Trois mois sous silence - La Traque (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant