Chapitre 1

234 26 82
                                    

Il faut que j'aille aux toilettes ! Ça doit bien fait dix minutes que je me répète en boucle cette phrase dans ma tête. Il suffirait juste que je me lève, traverse ma chambre, le couloir et j'y serais. Ce n'est pourtant pas bien compliqué ! Mais seulement : c'est la nuit. Il fait noir. Il n'y a pas un bruit. Je suis dans mon lit. Et je dois me lever ? Plutôt mourir. Bon, j'avoue, c'est plus la flemme qui me cloue au lit plutôt que l'obscurité du couloir. Je me retourne en m'emmitouflant davantage dans ma couette chaude.

Merde Garance, tu vas te pisser dessus oui ! je me réprimande. Si je reste cinq minutes de plus dans ces vieux draps, ils vont finir trempés. Qu'est-ce qui m'a pris de boire autant tout à l'heure ? Quoi qu'il en soit, il faut vraiment que je me lève. Je retire la couette chaude de sur mes jambes engourdies. Si je me dépêche, je peux être revenue dans moins de deux minutes.

La chambre que je partage avec ma cousine Clara est une des deux seules qui se trouve au rez-de-chaussée. Autrement dit, s'il y a une inondation, nous sommes les premières à mourir noyées. Bref, il y a donc une petite salle de bain avec des toilettes réservées pour ces deux chambres quelques portes plus loin. Je devrais survivre. Je me redresse lentement. Une fois assise, je baille de toutes mes forces tandis que ma vessie me fait de grands appels à l'aide.

Je regarde avec regret ma couette encore chaude en lui promettant de revenir aussi vite que possible. Je jette un coup d'œil au lit de ma cousine : il est vide. A mon avis, elle doit être encore dans le salon à regarder la télé. On a beau avoir le même âge, elle a une capacité de se coucher plus tard bien supérieure à la mienne. Parfois, elle ne regagne notre chambre qu'à deux heures du matin. Personnellement, je préfère lire un bon livre que de regarder ces émissions de télé-réalité débiles.

Je me lève et hésite à pose mes pieds nus sur le carrelage sûrement froid. Je pourrai chercher des chaussettes ou les vieilles pantoufles trouées que ma grand-mère nous met toujours à disposition, mais j'estime que le temps que je mettrais à les chercher et à les enfiler me ferait perdre de précieuses minutes. Je pose donc mes pieds sur le sol, qui est bien froid comme de la glace et me redresse en chancelant. Je compte les pas que je fais sur la pointe des pieds pour avoir le moins de contact possible avec le carrelage.

Un. Deux. Trois. Qua... Arrrrgh ! Le petit orteil droit dans la porte ! Je repars à cloche pied sur le pied gauche et tente de secouer le droit pour estomper la douleur. Je m'arrête au bout d'une demie seconde. Trop de facteurs pourraient me faire tomber : je saute à cloche pied, je secoue l'un de mes pieds, je ne veux pas faire de bruit, il fait nuit, je ne vois rien et les murs sont trop durs (on sait jamais si je tombe).

Pour moi, c'est l'équivalent d'être bourrée. Non pas que j'ai déjà été bourrée, je n'aime pas l'alcool. Enfin, pas celui que l'on peut retrouver dans certaines soirées, comme les bières. Beurk. Rien qu'en y repensant, j'ai encore l'abominable goût en bouche de la gorgée qu'on m'avait obligée d'avaler. Vas-y, goûte au moins ! on m'avait dit. Je n'aurais jamais dû obéir. Ça m'avait presque fait vomir.

J'arrive enfin aux toilettes après ce qui me semble avoir été un parcours du combattant. J'allume la lumière et dois plisser mes yeux endormis à cause de son intensité. Qu'est-ce qui a pris à mes grands-parents d'installer une ampoule aussi forte dans les toilettes ? Je viens dans cette maison depuis ma naissance et je le leur ai toujours fait remarquer. Mais impossible de leur faire changer d'avis. Ils tiennent vraiment à leurs petites habitudes. C'est comme le canapé de leur salon : moche et vieux, mais il date de leur mariage, alors il n'est pas question d'en changer !

Quelques instants plus tard, me sentant plus légère, je sors de la petite pièce. Au moment où je m'apprête à courir vers ma chambre, un bruit sourd m'interpelle. Je tourne la tête vers ce qui me semble en être l'origine. Mon regard se pose sur la petite porte du bout du couloir, celle qui mène vers la cours extérieure. Cette cours est si petite et si vide que je me suis toujours demandée pourquoi elle existait.

Elle ne comporte qu'une vieille table en fer blanc rouillée et un placard à balais à moitié moisi. Le bruit recommence et je commence à flipper. Il ne doit pas être plus de deux heures du matin vu que ma cousine n'est toujours pas couchée. Pourtant, le couloir est sombre et, d'où je suis, je ne perçois aucune lumière provenant du salon. Est-ce qu'elle serait assez folle pour se rendre dans cette cours à une heure pareille ?

— Clara ? je hasarde.

Pas de réponse. J'hésite entre aller voir ce qu'il s'y passe et courir me réfugier dans mon lit. Je tends l'oreille... Un glapissement ? Merde ! Mais c'est un chien en fait ! Ce n'est pas la première fois qu'on voit les chiens errants dans le coin. J'attrape la clef suspendue à un petit crochet, déverrouille la porte et l'ouvre. Je jette un regard dehors, m'attendant à voir une boule de poils me sauter dessus. Mais ce que j'aperçois n'est pas un chien errant.

J'ouvre la bouche pour hurler mais aucun son n'en sort. Je suis pétrifiée.

Un loup. Des loups.

Il fait noir et je distingue mal les formes et les couleurs, mais je suis sûre de moi. Ce sont bien des loups que j'ai devant moi. La forme typique de leurs yeux brille dans la nuit. Ils se battaient. Lorsque j'ai ouvert la porte, ils se sont subitement immobilisés et leurs cinq têtes se sont relevées vers moi pour me fixer. Une des bêtes se tourne vers moi. Son air est menaçant.

Puis il se met à avancer lentement, un grondement sourd résonant dans sa gorge. Malgré l'aspect terrifiant de la situation, je ne peux m'empêcher d'admirer la bête qui n'est désormais plus qu'à trois mètres de moi. Elle est immense, ses épaules doivent bien atteindre le niveau de mes hanches. Elle possède des muscles saillants témoignant d'une force sans limite, et en même temps, elle respire la souplesse.

Une longue entaille de laquelle une coulée de sang s'échappe balafre son flanc gauche, mais la bête ne semble pas s'en rendre compte, ou ne pas être sensible à cette douleur. Je suis sûre qu'elle pourrait réduire la distance qui nous sépare d'un seul bond. Ses poils sombres dont je n'arrive pas à déterminer la couleur exacte sont disposés soigneusement tout le long de son corps et épousent parfaitement ses formes. Sa bouche entrouverte dont sort un grognement de plus en plus sonore laisse scintiller ses crocs aiguisés, et ses yeux presque jaunes brillent dans la noirceur de la nuit et me fixent avec intensité, ayant le pouvoir de me faire me sentir toute petite, de me faire sentir d'être une proie. Je suis sûre qu'il va m'attaquer.

Réagis ! me hurle mon instinct. Mais je n'en ai pas la force. Derrière mon admiration, une autre émotion, plus rationnelle, a pris possession de tout mon être : la peur.

Elle m'empêche de réagir quand le loup s'approche de moi.

Je ne bouge pas non plus quand nos regards se croisent.

Quand j'ai l'impression de reconnaître ses yeux.

Quand il n'est plus qu'à un mètre de moi.

Quand il me saute dessus.


***

Salut à vous, lecteurs, qui avez cliqué sur mon histoire.

Sachez d'abord que ça me touche énormément. 

Vous pouvez laisser un commentaire et n'oubliez pas de cliquer la petite étoile jaune si l'histoire vous plaît ;)

A très bientôt !

DreamWolf_621

DIVISÉS - Transformation [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant