Chapitre 7 - partie 1

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Quelques instants plus tard, je me retrouve devant la porte bleue de mon immeuble. Elle se trouve à côté d'un petit café prénommé "Chez Eugène". J'y suis allée avec ma famille le soir de notre arrivée, il y a une semaine, quand nous n'avions encore rien installé chez nous. Ils y font de très bons lattes chocolat, et je me suis promis d'y retourner bientôt.

Je tape avec rage le code d'entrée de l'immeuble que j'ai appris le matin même, et entre à l'intérieur. Bien que ma colère se soit un peu atténuée, elle n'a toujours pas disparue.

J'appelle l'ascenseur. Nous habitons au dernier étage, et il est hors de question que je me tape les cinq étapes à pied.

Deux minutes passent et toujours aucune trace de l'ascenseur. Oh et puis zut.... Peut-être que monter toutes ces marches va me calmer.

J'ouvre d'un coup la porte de la cage de l'escalier et commence à monter. Je les gravis deux à deux, ça me défoule davantage.

Robin m'a énervée. De quel droit m'insulte-t-il de la sorte ? De quel droit me parle-t-il la matinée, m'ignore l'après-midi, et me demande de ne plus lui parler le soir ? Mais il est vraiment trop bizarre ! Quand est-ce que je l'ai agressé ? Réponse : jamais.

Au bout de deux étages sur cinq, je suis achevée. J'avais oublié que je n'aimais pas le sport. Je ressors des escaliers et appelle pour la seconde fois l'ascenseur : je vais monter les trois derniers étages avec la machine. Tant pis si elle met du temps à arriver.

Pendant l'attente, j'essaye de me calmer. Je ne veux pas arriver chez moi comme une furie car je sais que ma mère est là aujourd'hui. Elle travaille en tant qu'infirmière et avait un bon boulot dans un hôpital près de notre ancienne maison, mais à cause du déménagement, elle a dû démissionner.

Heureusement, un des hôpitaux de Paris recrutait. Ce n'est pas l'hôpital le plus proche, mais ma mère pense que si elle ne postule pas, elle raterait sa chance. Elle a donc envoyé son CV, et maintenant on attend la réponse. Pendant ce temps, elle en profite pour déballer le reste des cartons.

Mon père lui, travaille dans l'armée, ou un truc du genre. Je n'ai jamais vraiment compris en quoi consistait son boulot, juste qu'il fallait qu'il se déplace pas mal pour rencontrer d'autres dirigeants. C'est à cause de lui que nous avons déménagé, une des agences à Paris avait besoin de ses services a plein temps.

Mes parents ont donc décidé d'y emménager pour que "ce soit plus simple". Perso, je trouve que ce déménagement a juste rendu les trajets de mon père plus simple. Pour le reste, tout est compliqué. Tout, comme l'arrivée dans le nouveau lycée, l'intégration dans Paris, l'éloignement de notre campagne...

L'ascenseur ouvre soudainement ses portes, interrompant mes pensées. C'est peut-être mieux ainsi. Si je laisse vagabonder mon esprit un peu plus longtemps, les larmes qui perlent sur le bord de mes yeux à chaque fois que j'ai ce genre de pensée vont de mettre à couler pour de bon.

Dans l'ascenseur pour les trois étages restant, je me surprends à me masser les tempes. Je me rends compte que j'ai mal à la tête. Robin a du trop m'énerver. J'ai mal, mais en même temps ça m'arrange. Étrangement, ça me permet de me concentrer sur autre chose que sur l'objet de ma colère. Je me masse toujours les tempes en sortant de l'ascenseur. Je sors mes clefs, et déverrouille la porte.

— Coucou ! je lance pour savoir qui va prendre la peine de me répondre, sachant très bien que mes deux sœurs et ma mère sont déjà là.

Comme je m'y attendais, c'est ma mère, et uniquement ma mère qui me répond depuis le salon.

— Coucou !

Je ferme la porte derrière moi et balance mon blouson sur un tas de cartons non ouverts où se trouvent déjà ceux de mes deux sœurs jumelles.

Le salon est la principale pièce de la maison. Lorsqu'on entre dans notre appartement, on arrive d'abord dans une petite pièce avec un grand placard aux portes coulissantes encastré dans le mur et faisant office d'entrée et la porte des toilettes.

A sa droite, la cuisine, la toute petite cuisine. Au fond, on peut voir le salon. Lorsqu'on entre dans le salon, on peut s'apercevoir qu'il est très lumineux car faisant l'angle de l'immeuble, il possède de grandes baies vitrées sur deux de ses quatre murs.

On a même un petit balcon. Juste à l'entrée de cette pièce, à gauche, il y a un couloir qui mène à la salle de bain et aux trois chambres (la mienne, celle de mes sœurs jumelles, et celle de mes parents).

Et c'est tout. C'est minuscule. On m'avait bien prévenue que les appartements dans Paris étaient très petits car très chers. Mais je ne m'attendais pas à ça... notre ancienne maison de campagne était quatre fois plus grande.

Nous avions une chambre chacun (excepté mes parents qui dormaient ensemble), un bureau, et la salle à manger était distinct du salon. Nous possédions également un garage et une chambre d'amis. Ici, tout est mélangé, tout est compact.

Je rejoins ma mère en me massant toujours les tempes. Elle est en train de vider un des nombreux cartons de déménagement entassés contre un des murs du salon que l'on a encore du mal à apercevoir derrière les piles de cartons, sont tapissés d'un papier peint blanc cassé, ce qui donnera une teinte claire à la pièce une fois qu'elle sera correctement ordonnée.

Nous possédons également un canapé gris avec ses fauteuils assortis installés en face d'une grande étagère encore vide, grande comme la moitié du mur contre lequel elle est installée, et qui comportera la télévision et les nombreux bouquins et bibelots ramenés de nos voyages d'été.

Je retrouve ma mère assise à même le sol, justement entourée de ces bibelots à trier.

— Coucou ma chérie ! m'accueille-t-elle, ta première journée s'est bien passée ?

J'hésite un instant. Il y a eu l'histoire avec Robin, oui. Mais ma journée ne se résume pas à Robin.

— Oui ça va.

Je ne suis pas prête à lui partager ma petite altercation avec ce type. Si je le lui raconte, elle va s'inquiéter et devenir une vraie maman poule, et je n'ai assurément pas besoin de ça.

Au lieu de ça, je lui pose la question qui me brûle les lèvres depuis ce matin :

— Tu as des nouvelles d'Anaïs ?

A mon grand désarroi, elle secoue la tête.

— Toujours rien. Les recherches continuent. Ils ont maintenant des chiens policiers sur les lieux et vont lancer un avis de recherche.

Je ne sais pas quoi dire. C'est trop affreux. Ça fait maintenant plus de vingt-quatre heures que ma petite cousine a disparu, et nous n'avons toujours aucune trace d'elle.

La tristesse que je ressentais à cause du déménagement et ma colère contre Robin me semblent dérisoires maintenant. J'aimerais pourvoir être là-bas, aider aux recherches. Mais je suis coincée ici, à Paris, inutile.

DIVISÉS - Transformation [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant