Chapitre 11 - partie 2

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Je sors du self le plus rapidement possible et retrouve Alexia dans la cour arrière, de l'autre côté du bâtiment. Elle est assise sur un banc en bois et broie du noir. Elle sursaute quand je m'assoie à côté d'elle, mais ne prononce pas un mot. Super. Je ne sais pas comment m'y prendre avec les personnes tristes.

— Je suis désolée. Robin n'avait pas le droit de faire ça.

Elle relève la tête, surprise. Ses yeux sont baignés de larmes. Elle hoche la tête et je prends ça pour un remerciement. Elle renifle, alors je lui passe un mouchoir en papier.

— C'est gentil, merci.

Il se passe un moment durant lequel aucune de nous deux ne parle. Ce silence n'est pas lourd. J'attends juste qu'Alexia sèche ses larmes. Elle semble sentir que je suis là pour elle. "Parfois, juste une présence amicale suffit à apaiser un esprit en tourment" m'a dit une fois mon grand-père. Cela n'a jamais été aussi vrai aujourd'hui.

Nous passons plusieurs minutes sans rien dire, en observant simplement les élèves qui passent rapidement devant nous, hâtés de s'éclipser de la fraîcheur du mois de Mars et de retrouver dans la chaleur des bâtiments. Au bout de quelques minutes, Alexia relève les yeux vers moi.

— Tu dois sûrement te demander ce qu'a voulu dire Robin par les mots doux dans le bureau de son père...

J'acquiesce. Évidemment que l'histoire m'intrigue. Je sens que toute la vérité n'est pas là, qu'Alexia n'aurait jamais laissé des mots doux au directeur. Mais je n'ai pas voulu poser de questions de peur de la bousculer encore plus qu'elle ne l'était déjà. Alexia se redresse et soupire avant de parler, révélant un certain conflit intérieur.

— Au début de l'année, Mme Kane m'a confisqué mon portable que j'utilisais en cours. Quand des objets sont confisqués, ils se retrouvent au bureau du directeur. A la fin de la journée j'ai voulu le récupérer, mais le bureau était fermé. Je savais que mes parents me tueraient quand ils le sauraient, alors j'ai décidé qu'ils ne seraient pas au courant. Le soir, je suis entrée par effraction dans le lycée, puis dans son bureau. J'ai fouillé un peu partout jusqu'à ce que je le trouve.

Elle soupire encore une fois.

— Malheureusement, le directeur est arrivé à ce moment là et m'a pris la main dans le sac. Il savait très bien ce que je faisais là, mais il... Il ne m'aime pas beaucoup. Il m'a laissé partir avec mon portable mais je sentais bien qu'il ne me laisserait pas m'en tirer comme ça.

<Il l'a dit à son fils qui a fait répandre la rumeur selon laquelle je lui avais laissé un mot doux. Évidemment, tout le lycée a été en feu et en flamme pendant une bonne semaine. Je n'ai pas arrêté de nier la rumeur, tout le monde était au courant que c'était faux, mais on n'a pas arrêté de m'ennuyer avec ça pendant longtemps. Je pensais que c'était fini aujourd'hui. Mais apparemment, je me suis trompée...

Sa voix se brise quand elle finit son récit. Je la prends dans mes bras. Je la sens hésiter un instant, puis elle me rend mon câlin. Soudain, elle tressaute et se dégage de mon étreinte.

— Merde... murmure-t-elle.

— Quoi ? je lui demande alors qu'elle se lève subitement.

— Il y a une bagarre dans le self... et je crois que Stephan en fait partis.

Comment sait-elle ça ? Stephan ? J'écarquille les yeux. Oh oh... Je jette un coup d'œil à ma montre. Je viens de passer dix minutes avec Alexia.

— Heu... J'ai oublié de te dire qu'il devait nous rejoindre il y a cinq minutes.

La jeune fille rougis légèrement, mais ne fait pas de commentaires.

— Je dois y aller.

Elle part en courant.

— Quoi ? Tu vas faire quoi ?

Mais elle est déjà trop loin. J'aurai voulu la suivre, mais je me rends compte tout à coup du mal qui me ronge le crâne. Ça me fait tellement mal que je dois m'accroupir et mettre la tête entre mes genoux, les mains me tenant le crâne, tentant d'atténuer la douleur.

En y réfléchissant un peu, j'ai mal depuis mon altercation avec Robin. Cela s'est peu à peu aggravé jusqu'à maintenant, mais je l'ai ignoré. Désormais il m'est impossible de passer outre vu la puissance de la douleur. Quelques secondes (minutes ?) plus tard, j'entends des pas précipités qui se rapprochent de plus en plus de moi.

— Elle est là !

— Ça va Garance ? me demande la voix de Fanny. Tu m'as vraiment l'air mal.

— Mal à la tête... j'articule avec difficulté en levant les yeux vers elle.

— Tu as un médicament sur toi ou pas ? s'enquiert Jane.

Je secoue la tête. Je ne pensais pas que mon mal de tête de l'autre jour recommencerait.

— Tu as si mal que ça ?

J'aurai bien voulu répondre à la seconde question de Fanny, mais son amie parle avant moi.

— Évidemment qu'elle a si mal que ça ! Tu as vu dans quel état elle est ? Elle est paralysée par la douleur et d'une blancheur à faire peur. Regarde-la !

— C'est vrai qu'elle a vraiment une sale gueule...

Merci les filles, vraiment. Je laisse retomber ma tête entre mes genoux. Ma tête m'élance trop. Ou plutôt, elle semble me brûler de l'intérieur.

— Faut qu'on l'emmène à l'infirmerie, continue la brune.

— Elle ne peut pas bouger, remarque la rousse. Enfin je crois. Faut lui demander si elle a la force de tenir jusqu'à là-bas.

Ça va. Je ne suis pas aux portes de la mort non plus ! Jane hausse la voix. Elles se remettent à se chamailler. Génial. Et puis j'aimerais bien qu'elles arrêtent de parler de moi comme si je n'étais pas là.

— Ah ? Parce que tu crois que si elle ne peut pas bouger du tout, elle pourra parler sans problème ? Je te rappelle que pour parler il faut remuer des lèvres.

Elle insiste sur le mot "remuer", et j'entends Fanny soupirer.

— Ok, on va faire un truc. (Elle se penche vers moi) Garance, lève ton pouce vers le haut si tu peux parler, et vers le bas si tu ne peux pas.

Cela fait réagir l'autre.

— Mais t'es conne ou quoi ? Pourquoi ne pas lui demander de danser la zumba si elle peut parler et du hip-hop si elle ne peut pas ?

Cette fois, je ne peux m'empêcher de sourire. J'essaye d'ignorer la douleur pour me relever. Ces filles vont m'achever pour de bon. Je me retiens de rire pour leur adresser un regard faussement exaspéré.

— Les filles, j'adorerais continuer à vous écouter vous engueuler, j'avoue que je trouve ça hyper drôle, vraiment. Mais si ça ne vous gêne pas j'aimerais vraiment qu'on y aille là. Je peux bouger et parler en même temps, et surtout... Je vous entends !

Leurs têtes se tournent vers moi, et j'éclate de rire. Si seulement elles pouvaient voir leurs têtes ébahies ! A croire qu'elles me croyaient déjà morte. Avant qu'elles ne posent des questions ou ne repartent dans leur délire, j'annonce que je peux bouger jusqu'à l'infirmerie, et que je ne suis pas dans le coma tout de même.

— Quelqu'un m'accompagne ? je leur demande.

— Moi, répondent les deux filles en même temps.

— Vous m'accompagnez toutes les deux, je tranche avant que la discussion ne dégénère.

DIVISÉS - Transformation [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant