Je sens mon cœur louper un battement. Reste avec moi, je grogne à mon organe. Malgré les bruits de la route et des piétons, j'entends des pas que je devine être ceux de mon interlocuteur résonner sur le béton.
Il se rapproche de moi, de mon dos. Fuit ! m'ordonne une petite voix. J'essaye de lui obéir. Mon cerveau ordonne à tous mes muscles de bouger. Mais comme ils sont en pleine révolution, ces petits vauriens ne bougent pas d'un pouce (sans vilain jeu de mots). Je ne serais pas étonnée de perdre rapidement la tête.
— Répond-moi... murmure-t-il lorsque qu'il arrive juste derrière moi.
Sa voix grave est suppliante. Je n'en reviens pas. Ce jeune homme à l'allure si méprisante est vraiment en train de me supplier ?
C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Ou plutôt, c'est l'émotion en trop qui permet à mon cerveau de reprendre le contrôle de mes membres. Je me retourne d'un coup et crée immédiatement une distance raisonnable entre nous deux.
— A quoi tu joues ? je lui demande violemment. Pourquoi tu t'excuses auprès de moi et non d'Alexia ? Tu te contredis toi-même.
Sa mine de chien battue se renfrogne.
— Je t'ai déjà dit que j'étais désolé que ça t'ait blessé. Pas que je regrettais ce que j'ai fait.
J'ouvre la bouche, ahurie.
— Tu es vraiment un monstre, je crache en le fixant dans les yeux, essayant d'y faire passer tout mon dégoût.
Robin semble déstabilisé un instant, mais se reprend bien vite et soutien mon regard, de nouveau impassible.
— Je n'ai jamais dit que j'étais quelqu'un de bien.
J'en ai marre. Je ne peux vraiment pas discuter avec ce gars. Je me retourne, ayant pour but de repartir, mais, au dernier moment, je lui refais face. Il n'a pas bougé d'un millimètre. J'hésite un instant sur mes mots, puis :
— J'ai du mal à te comprendre, je lui lâche, à comprendre pourquoi tu m'insultes et pourquoi tu me demandes pardon, pourquoi tu m'ignores en public, pourquoi tu tiens tant à me parler en privé, je ne peux pas tout comprendre...
Une fois que c'est sortis, j'inspire enfin une vraie goulée d'air. Les mots se sont précipités seuls hors de la bouche, et ce n'est qu'après que je me rends compte que ce que j'ai vraiment dit.
Alors que je suis en train de reprendre mon souffle, Robin me regarde encore avec son regard incompréhensible.
— Alors arrête d'essayer de comprendre.
Je secoue la tête pour moi-même, pour me dire d'arrêter de lui adresser la parole. Il a sûrement une case en moins, rien de plus. Je ne sais pas pourquoi je m'entête à essayer de le comprendre.
— J'arrêterai quand tu te tiendras à ta promesse initiale : arrêter de me parler. Tu te souviens, c'est toi-même qui me l'a conseillé ?
Et je suis bien déterminée à tenir ma promesse. Je tourne les talons et part en direction de mon appartement.
Robin ne me rappelle pas, cela me surprend, mais c'est peut-être mieux ainsi. Je ne pensais pas qu'il serait le genre de gars à se laisser marcher sur les pieds. Et là, c'est clairement ce qui vient de se passer. J'ai l'impression de revivre la discussion de lundi soir.
Je n'arrive pas à croire qu'il me demande d'arrêter de lui parler un soir pour me supplier l'inverse un autre soir.
A ce moment, j'entends un petit bruit indistinct, en plus de mes pas qui résonnent dans ma tête. Je n'en tiens pas compte, perdue dans mes pensées.
Je repasse dans ma tête la discussion en boucle, cherchant à déterminer ce qui me chiffonne le plus. Sa tête désolée ? Désemparée ? Le fait que j'ai l'impression qu'il me suive ? Qu'il soit invivable pendant la journée et presque touchant le soir ? Si je ne m'étais pas engueulée avec lui en plein jour, j'aurai presque été attendrie. Presque.
Je rejoue encore une fois le morceau dans ma tête et d'autres questions s'ajoutent à ma liste, déjà infinie. Pourquoi se considère-t-il comme un monstre ? Il ne l'a pas dit clairement, mais l'a laissé insinuer.
La phrase qui m'a poussée à le traiter de monstre refait soudainement surface dans mon esprit. Je t'ai déjà dit que j'étais désolé que ça t'ait blessé. Pas que je regrettais ce que j'ai fait. Sous l'effet de la colère tout à l'heure, je n'y ai pas fait attention plus que ça. Mais maintenant je me rends compte qu'elle semble en vouloir dire plus que ce qu'elle n'en laisse paraître.
Quel est le sous-entendu ? On dirait une phrase codée. Il ne mentionne que moi dans cette phrase. Pas Alexia. Une idée germe dans mon esprit, mais je la réfute aussitôt. Comment est-ce que je peux croire qu'il soit désolé pour moi, mais pas pour Alexia ? Plus j'y pense, plus je trouve ça débile.
Soudain, une autre réflexion s'impose à moi, et je me sens bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Robin et Alexia appartiennent tous les deux aux camps opposés du lycée. Il est donc presque normal qu'ils se lancent des piques.
Mais moi ? Qu'est-ce que j'ai à faire là ? Selon Jane et Fanny, je pourrais bien être intégrée dans un des clans. Je m'étais dit que, si c'était réellement le cas, j'irais rejoindre le clan d'Alexia. Et si je m'étais trompée ? Et si Robin me voulait dans le sien ?
Je secoue la tête pour rejeter cette hypothèse. Ce gars a beau avoir dit qu'il était désolé de m'avoir blessé, cela ne veut pas dire qu'il veut que j'intègre son camp. Surtout qu'il m'insulte à longueur de journée. Et puis, je ne sais pas si ses excuses sont sincères.
Je me donne mentalement une grosse baffe. Toute cette histoire me monte à la tête, et je suis sûre que j'en fais trop. Je vois des énigmes là où il n'y en a pas. Robin et Alexia ne s'aiment juste pas car ils viennent de deux clans opposés, Robin a insulté Alexia, l'insulte a ricoché sur moi alors que ce n'était pas le but de Robin, alors il s'est excusé. Point. Pas d'histoire d'intégration. Pas de phrase au sens caché.
Soudain, un bruit autre que celui de mes pas me fait relever la tête. Je remarque que j'ai à peine bougé de deux mètres. Perdue dans mes pensées, je n'avais pas fait attention à ma vitesse. Je me retourne vivement, et soupire de soulagement quand je remarque l'absence de Robin.
Le petit bruit recommence, et je m'immobilise pour tendre l'oreille. C'est le même que j'ai entendu tout à l'heure, mais en plus fort. Je chasse Robin de mes pensées pour me concentrer dessus. On dirait un miaulement... Oui, un tout petit miaulement de chaton.
Le son est si faible que j'ai du mal à le percevoir. C'est clair que ça change des cris de Robin. Je secoue la tête. Ne pas penser à lui. Et en plus, ce n'est pas lui qui a crié. C'est moi.
Je me reconcentre sur le miaulement. J'aime beaucoup les animaux. Comme j'ai toujours habité en campagne, j'ai grandi avec eux. Mon rêve était d'avoir un chat, un chien et un cheval. Oui, je sais que ça fait beaucoup. Mais on vit mieux quand on est bien entouré, n'est-ce pas ?
Comme je faisais de l'équitation, c'est le cheval qui a remporté. Je commence à me demander si c'était une bonne idée. Le chat ou le chien aurait été plus apte à être amené à Paris. Non, remarque, le chien non plus n'aurait pas être très heureux seul toute la journée dans notre minuscule appartement. En fait, j'aurais dû avoir un chat.
Le miaulement recommence, et je me reconcentre pour déterminer l'endroit d'où il peut bien provenir. Je suis prête à faire des pieds et des mains pour sauver un chaton en détresse. Après quelques secondes de silence, il recommence, et mes yeux se tournent instinctivement vers son origine.
Je m'avance un peu... et j'écarquille les yeux. Non... Ne me dites pas que...
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DIVISÉS - Transformation [en pause]
Werewolf"J'ai toujours rêvé d'être un animal. N'importe lequel. Un petit chat se prélassant au soleil ou une girafe attrapant les feuilles au sommet des arbres, peut m'importe. Mais je ne me suis jamais imaginée Loup. Mais Mère nature ne réalise pas toujour...