Chapitre 16 - partie 1

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— Oh. My. God. Mais c'est quoi ça ?

Je retourne mon poignet afin de d'observer de plus près les griffures. On dirait les mêmes que... Dans un élan de panique, je retire mon haut de pyjama et m'observe dans le miroir. Ce que je vois me fait tourner la tête. Je ferme les yeux et m'assieds sur mon lit, sonnée. Respire Garance... J'essaye de faire entrer l'air dans mon poumon et de respirer le plus lentement possible. À peine levée, les ennuis commencent déjà.

Je n'arrive pas à croire ce qui se trouve sur mon poignet : les mêmes griffures que celles qui se trouvent sur mes hanches. Cela ne m'avait inquiétée ni lundi ni mardi. Elles n'avaient pas disparu, mais elles n'avaient pas bougé, elles étaient restées les mêmes que celles que j'avais découvertes dimanche matin. Je pensais qu'elles allaient petit à petit disparaître...

Mais là... les lignes se sont allongées, multipliées, elles se sont étendues sur tout mon corps, comme des racines qui creusent la terre afin d'aller explorer de nouveaux endroits. Je rouvre les yeux et observe mon buste, mes bras, mes poignets, mes chevilles. Il n'y a que mon cou et ma figure qui semblent avoir été épargnés.

L'aspect des griffures est toujours le même : des lignes brunes qui sembles incrustées sous ma peau, qui se divisent, s'entrecroisent, se rejoignent. À certains endroits, ces lignes sont tellement denses que l'on n'aperçoit plus ma peau blanche en dessous. Ou au-dessus, je ne sais même plus.

Maintenant, je regrette de ne pas en avoir reparlé avec ma grand-mère, dimanche. Avec la disparition d'Anaïs, je n'y ai plus repensé de la journée. Comme j'ai cru que ça allait disparaître, je n'ai pas essayé d'avoir plus d'infos. De toute façon, ce n'était pas comme si elle était joignable. On est jeudi aujourd'hui, et on n'a toujours pas de nouvelle. Et je commence sérieusement à avoir peur...

Comment est-ce que je vais bien pouvoir cacher ça, moi ? Vu la réaction de ma grand-mère il y a quelques jours, je préfère que personne ne le sache. Je pourrais bien le dire à ma mère, mais il y a un je-ne-sais-quoi qui ne retient.

Soudain, alors que je me dirige vers mon armoire à habits, un petit cri retentis. Un petit miaulement aigu. Je souris. Ashka doit avoir faim. Vu la réticence de ma mère de la veille à garder ce petit chat, j'ai tenu à le mettre dans ma chambre pour cette nuit. Mais mon sourire s'efface aussitôt à cause de cette odeur qui m'agresse les narines. Je me précipite d'un coup vers Ashka et son petit panier improvisé avec des couvertures empilées et bien arrangées.

— C'est pas vrai, je grogne en réprimant un haut-le-cœur.

Ashka a fait ses besoins à même le sol ! Sur mon tapis ! Bah oui ! On a un chat mais il faut bien prévoir le fait qu'il mange et fasse ses besoins ! Je me précipite vers la fenêtre pour l'ouvrir, mais me souviens juste à temps que je ne porte pas encore de haut. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi la vie s'acharne sur moi, aujourd'hui ?

Je m'habille à toute vitesse, négligeant le fait que j'ai d'étranges griffures à l'origine inconnue sur tout le corps, et ouvre enfin la fenêtre. J'ai l'impression de prendre une vraie goulée d'air depuis tout à l'heure. Comme si elle avait deviné mes pensées, Ashka vient se frotter contre mes mollets puis se met à explorer mon petit balcon. Je l'attrape avant qu'elle n'ait l'idée de se jeter dans le vide.

En une soirée, j'ai pu remarquer que ce petit chat était très curieux et tout le contraire de timide. Il est allé rencontrer chaque personne de la famille et a clairement affiché ses préférences. Moi, en première position : elle revenait régulièrement vérifier si j'étais toujours dans le coin. En même temps, j'aurai été vexée si elle avait préféré les autres, je suis sa sauveuse tout de même ! Ensuite, Maman et Élise, et enfin, Amélie et Papa. Elle a clairement ignoré ces deux derniers, allez savoir pourquoi. Dans tous les cas, Amélie s'est sentie très vexée.

Ma mère, après nous avoir bien engueulé hier soir, m'a ordonné de déposer le chaton ce matin chez le véto, mais m'a permis de le garder cette nuit. Juste cette nuit. J'ai eu beau la supplier avec Amélie et Élise, rien ne l'a ébranlé. Nous avons tenté notre chance auprès de notre père qui flanche souvent plus facilement.

Mais cette fois, rien à faire : il était d'accord avec notre mère. Je comprends ma mère, on n'adopte pas un animal sur un coup de tête, mais en même temps, cela me brise le cœur. Bref, dans tous les cas, je ne me suis pas dit qu'un chaton aurait besoin d'aller aux toilettes pendant la nuit. Stupide moi. Ashka me sort de mes pensées quand elle commence à se débattre dans mes bras.

Je trouve un grand carton emménagement vide, le tapisse d'une couverture non contaminée et installe Ashka dedans. Comme elle est toute petite et n'a pas encore eu le temps de devenir experte en matière de sauts, donc elle ne peut pas s'échapper. S'il faut que je nettoie ma chambre, qu'elle soit dans mes pattes me compliquerait légèrement la tache.

Elle miaule de mécontentement. Mais c'est qu'elle a du caractère la petite ! Je m'accroupis à côté d'elle et commence à lui grattouiller distraitement le haut du crâne. Elle s'appuie contre mes doigts. Elle n'a pas dû être beaucoup caressée avant d'arriver ici. Ce pauvre petit chaton était en manque de câlins.

Comme il est six heure quarante du matin, j'ai encore le temps de tout nettoyer avant de me préparer pour partir en cours. Je commence par nourrir Ashka. J'essuie la crotte, lave rapidement mon tapis avec de l'eau puis l'asperge de parfum. Avec un peu de chance, la mauvaise odeur va disparaître. Il ne faut pas que ma mère voit ça, sinon mes chances de garder le chat, déjà très basses, vont être réduites à zéro. A sept heures, tout semble propre et je peux enfin me préparer.

***

— Donc ta mère a accepté de garder le chat ? s'étonne Fanny.

— Juste pour aujourd'hui, je rectifie.

C'est en marchant dans les couloirs du lycée que je raconte à Jane et Fanny ma petite aventure d'hier soir.

— Mais qui va s'occuper d'elle ? me demande Jane.

— Ma mère est à la maison, je l'informe, elle est au chômage depuis que nous avons déménagé. Elle m'a promis qu'elle prendrait soin d'Ashka.

Et je sais qu'elle va tenir sa promesse. Ma mère ne laisserait pas de côté un petit animal sans défense. Je vois cette concession comme une première victoire. Je vais lutter pour garder Ashka. J'aime trop ce petit chat pour le laisser partir.

Nous arrivons dans le couloir de nos casiers. Très vite, je remarque l'atmosphère tendue qui règne.

— Regardez... nous chuchote Jane.

Je suis son doigt et mon regard vient se poser sur un groupe de personne. Et pas n'importe quel groupe. Le groupe des "chiens" comme l'appelle mes deux amies, car je peux observer au sein de cette dizaine d'adolescents des visages qui ne me sont pas inconnus : Alexia, Stephan et François-Xavier, le grand gars blond que j'avais rencontré à l'infirmerie l'autre jour. Ils discutent quasiment silencieusement, les uns adossés contre un mur sans fenêtre, les autres resserrés en rond tout autour, comme s'ils avaient peur que leurs paroles ne s'échappent vers des oreilles indiscrètes.

Soudain, FX lève la tête et son regard se pose sur moi. Un regard sans expression. Ses pupilles se fixent sur mon visage sans qu'il n'effectue aucun geste, même un banal clignement des yeux. Seules ses pupilles suivent ma trajectoire qui s'est considérablement ralentie car sa figure qui n'exprime aucun sentiment me pétrifie un instant. L'instant d'après, ils ont cessé leur discussion et tous les visages du groupe se braquent sur moi pour me scruter de la même manière que le jeune homme.

Seule Alexia me semble un minimum normale : lorsque mon regard croise le sien, elle me sourit d'un air gêné. Elle me fait même un petit coucou de la main. Je ne lui rends pas, trop interloquée pour bouger le petit doigt.

DIVISÉS - Transformation [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant