Chapitre 4 - partie 2

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D'un coup, je me reprends et inspire fort. Il n'y a plus d'air dans mes poumons, comme si j'avais retenu ma respiration pendant de longues minutes.

Je cligne des yeux pour me sortir de ce qu'on pourrait appeler une transe et détourne la tête. Je m'oblige à respirer calmement et discrètement, mais me sens progressivement rougir.

Qu'est-ce qui m'a pris ? Je suis débile. On ne peut pas fixer un inconnu dans les yeux comme ça. Même s'il est magnifique. A tous les coups, c'est un mec populaire qui joue de sa beauté. J'ose un instant relever les yeux pour vérifier son expression.

Il me fixe encore. Mais plus de la même manière surprise qu'il y a un instant. Son expression dubitative s'est transformée en expression de haine. De pure haine. Ses yeux me fixent avec une intensité transperçante et ses sourcils sont plus froncés que jamais.

La surprise me fait faire un mouvement de recul. Je n'aurais pas dû, je le sais. Mais cela me vaut-il de la haine ?

Robin s'assoit lentement sur sa chaise qu'il éloigne le plus possible de moi. Super. Je ne le connais pas, il ne me connaît pas, mais il me déteste déjà. Je jette un regard autour de moi pour voir si cette habitude ne choque personne, mais personne ne semble l'avoir remarqué.

Évidemment, tu es au dernier rang. Ça t'apprendra.

Je me reconcentre sur mon nouveau voisin, qui ne s'intéresse plus à moi, le regard bien trop concentré sur ce que dit la prof. Alors comme ça, il serait intéressé par le cours ? Cela ne colle pas avec l'étiquette que je viens de lui attribuer. Dans les livres, les bad boys d'une beauté à faire peur se fichent toujours royalement de leurs études.

Une fois après avoir récupéré une respiration à peu près normale, j'essaye d'attirer son attention. Il faut que je sache s'il me déteste vraiment ou si j'ai juste mal interprété son regard.

— Salut.

Je suis en droit de lui reposer la question. Il n'a pas répondu à la mienne tout à l'heure. Le jeune homme se retourne brusquement vers moi.

— Quoi ?

Robin a l'air énervé. Ses yeux bleus me fixent et me coupent le souffle. Je me force à ne pas les regarder. Il faut que je dise un truc, pas que je reste muette.

— Tu t'appelles Robin, c'est ça ?

Il me fusille du regard et ses yeux recommencent à me fixer intensément.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ?

Respire Garance. Je ne le supporte déjà plus. Pourquoi est-ce que j'essaye de faire des efforts pour être sympa, déjà ?

— Étant donné que je viens d'arriver dans cette classe et qu'on va être voisin pendant une heure, ça serait bien si on connaissait nos noms respectifs...

— Et bien tu sais maintenant que je m'appelle Robin et je sais que tu t'appelles Garance. On n'en a pas besoin de plus. Point final. Maintenant, laisse-moi me concentrer sur le cours.

Ses yeux arrêtent de me fixer et se redirigent vers la prof qui continue son cours. Je suis sous le choc. Je ne comprends pas. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Est-ce un crime de demander son nom à son nouveau voisin de classe ? Apparemment oui. Du moins pour ce Robin.

Je note dans un coin de ma tête de ne jamais me rasseoir à côté de lui. Il m'a l'air bien trop arrogant. Ça m'étonne même qu'il veuille suivre un cours.

Mais... Il ne suit absolument pas les cours, en fait ! Il a sorti son portable et joue avec sous la table. C'est le moment où jamais de lui montrer que je ne me laisse pas marcher sur les pieds si facilement. J'ai beau préférer passer inaperçue aux yeux du monde, je ne me laisse pas marcher sur les pieds aussi facilement.  

— Est-ce que ton téléphone te sert à suivre le cours ? je lui demande de ma voix la plus innocente.

Il relève la tête, surpris, puis ses yeux se mettent à briller de colère. J'aurai juré voir une étincelle rouge y passer.

— Si j'étais toi je ne jouerais pas à ce petit jeu. Tu te rendras compte très vite qu'ici, vous n'avez pas le pouvoir...

— Hein ?

Je lui affiche mon air le plus surpris, exagéré, pour cacher ma déstabilisation. Qu'est-ce qu'il vient de dire par vous ? Ça veut dire quoi ça ? La question s'échappe de mes lèvres.

— Qui "vous" ?

— Robin !

Mon voisin et moi nous tournons en même temps vers la prof qui vient de l'apostropher. Elle a l'air énervée.

— Puisque vous avez l'air de vouloir distraire votre nouvelle camarade au lieu de suivre mon cours, je vais vous envoyer faire un tour. Allez donc me chercher de nouvelles craies pour le tableau. Et vous mademoiselle Garance, dit-elle en se tournant vers moi, je vous conseille de ne pas lui répondre lorsqu'il vous parle.

Je me ratatine sur ma chaise. Je viens de me faire engueuler la première heure de mon premier jour de cours, entraînant ainsi mon voisin dans ma bêtise. Heureusement, la punition est moindre, je m'en serai voulu sinon. Ok, Robin n'aurait pas dû me parler comme il l'a fait. Mais je ne voudrais pas qu'il se fasse punir par ma faute et qu'il ait enfin une vraie raison de me détester.

Robin se lève, me jette un regard haineux, et sort. Tandis qu'il traverse la salle, je me promets de m'excuser à son retour. C'est peut-être idiot comme décision, mais avec ça, j'espère qu'il comprendra que je ne suis pas aussi mauvaise qu'il a l'air de le penser.

Il revient quelques minutes plus tard, quatre ou cinq craies blanches à la main. Il les pose sur le rebord du bureau de la prof qui le remercie, puis revient s'asseoir à sa place, sans un regard pour moi. Pourquoi ça m'étonne ? Je le laisse s'installer, tout en me préparant mentalement à ce que je vais lui dire. Mais lorsque j'ouvre la bouche, je vois la professeure qui nous regarde. Je la referme immédiatement et baisse les yeux vers mes feuilles de cours.

Cinq minutes passent. Puis dix. Puis quinze. Puis l'heure entière. Dès que je suis prête à me lancer à parler à Robin, je vois la prof qui nous regarde. Est-ce intentionnel ou non ? J'ai plutôt l'impression qu'elle prête attention à Robin.

Elle semble le surveiller. Je crois bien qu'elle ne l'aime pas. Ce dernier ne m'a pas non plus adressé la parole, ni même un regard, mais c'est peut-être mieux ainsi.

Enfin, la sonnerie nous signale la fin du cours. Avant que je n'aie eu le temps de prononcer un mot, mon voisin range ses affaires qu'il avait à peine sorties et se précipite vers la porte.

Je soupire et me laisser tomber sur le dos de ma chaise, désespérée par cette première heure de cours.

DIVISÉS - Transformation [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant