Chapitre quinze - Lysander

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Depuis presque vingt minutes, j'attends Emmie dans son atelier. Je fronce des sourcils en consultant ma montre. Elle n'est jamais en retard, d'habitude. Alors que je regarde par la fenêtre, la porte dans mon dos s'ouvre et je ne prends pas la peine de me tourner. Je sais très bien que c'est elle, quoique j'ai un petit doute qui persiste.

- Vous en avez mis du temps, Miss Underwood, j'annonce d'une voix railleur.

J'entends un raclement de gorge. Et je me retourne vers la personne. C'est Marie, ma gouvernante qui s'est énormément occupée de moi quand j'étais petit. Elle se pince les lèvres en une grimace, et elle a ses mains croisées dans son dos.

Que se passe-t-il donc encore ? La nouvelle duchesse aurait-elle fait un faux pas ? Alors que je pense faire encore une blague, le visage de ma gouvernante me stoppe. Ça me coupe complètement la parole.

- Mademoiselle Émeraude ne sera pas présente de toute la journée. Elle vous présente ses excuses, Lys. Elle vous verra demain pour finir votre tenue.

Elle s'en va déjà mais je l'arrête en la retenant par le bras.

- Qu'a-t-elle ? Serait-elle malade ? Hier, elle ne se sentait pas bien. Je vais la voir tout de suite !

On essaie de me retenir mais je suis déjà loin, une petite dame à mes trousses qui me crie de m'arrêter. Quand j'arrive enfin devant la porte, je l'ouvre sans prévenir et je suis confronté à un tableau bouleversant.

Je remarque une grosse masse sombre sous les couvertures, qui a des sursauts du aux sanglots qu'elle laisse échapper et les rideaux sont fermés et il n'y a aucune lumière dans la pièce. Tout ce que j'entends, ce sont des sanglots dévastateurs.

- Laissez-moi tranquille, résonne une petite voix.

- C'est moi Émeraude, j'annonce en refermant la porte derrière moi sous l'oeil médusé de Sarah et Marie.

- Allez-vous en, continue-t-elle.

Je m'approche un peu plus d'elle. Et je saisis enfin ce qu'il se passe, puisqu'il y a quelques semaines, j'ai lu son dossier. Comment cela a-t-il pu sortir de mon esprit ? Je suis terriblement égoïste. Je la rejoins dans son lit, me collant contre son dos. Je la sens se crisper entièrement mais je passe un bras autour de sa taille pour qu'elle vienne se lover contre mon torse. Et son visage ne sort toujours pas des couvertures, alors j'attends patiemment qu'elle sorte par elle-même. Je l'entends renifler grossièrement avant de sortir de sa grotte. Je ne vois pas son visage car elle est de dos, mais je devine des yeux rouges et bouffis, des joues écarlates et mouillées.

- Ça va mieux ? Je lui demande en passant ma main dans son dos, en signe de réconfort.

Je ne console jamais personne, a vrai dire, je ne l'ai jamais fait. Et on ne me le faisait pas non plus quand j'étais petit, lorsque que je me blessais par accident parce que je jouais à la guéguerre. Mon précepteur m'apprenait à être indépendant, froid. Quand mes parents se sont rendus compte de ce que je devenais, ils ont tout de suite renvoyé mon précepteur.

- Non, murmure-t-elle et elle se racle la gorge.

Elle essaye de se dégager de ma prise, mais je ne la laisse pas faire. 

- Vous souhaitez boire quelque chose ? Je m'occupe de tout et rester dans ce lit.

Elle acquiesce, n'osant pas me regarder dans les yeux. Elle n'a pas de honte à avoir. Elle a vécu quelque chose d'horrible. Je ne le souhaiterais à personne, même pas à mon ennemi. Je me lève gracieusement du lit, pour m'approcher de la cruche d'eau poser sur une table roulante. Il y a également du chocolat et je me doute que ma cousine est passée par là. Je prends tout le nécessaire, allume la télé pour mettre un film de Noel qui est sur netflix et augmente le son. Je la rejoins de nouveau sur les couvertures, lui donnant tout ce qu'elle veut.

Elle refuse toujours de me regarder et ça m'horripile. Je finis par prendre son menton entre mes doigts pour amener ses magnifiques yeux verts à rencontrer les miens. Elle me regarde attentivement, des larmes encore contenues dans ses yeux.

- Ça va aller, ok ? Pour le dîner de ce soir, je vous excuserai auprès de ma mère. Elle n'y verra aucun soucis.

- D'accord. Est-ce que vous pouvez me donner le chocolat, s'il vous plait ?

Elle a enfin retrouvé sa voix et sur son visage qui se tient devant moi, j'y lis un certain soulagement. Je lui tends ce qu'elle me demande et elle croque dans le carré, fermant brièvement les yeux, un air d'extase sur sa figure devenue paisible. Sa moue et son innocence me fait craquer complètement. C'est une femme magnifique, tout en courbe et qui a vécu des trucs moches. Son mari est mort, ainsi que son bébé pas encore né en un seul jour. Puis ses parents sont morts. Elle est courageuse, autoritaire, talentueuse et très sure d'elle en ce qui concerne les choses qu'elle aime. Elle n'est pas après mon argent comme la plupart des femmes que je rencontre.

Elle se redresse un peu, mangeant tout le chocolat et bonbon que je lui donne.

- Ça me gêne que vous soyez si gentil envers moi, vous savez, me dit-elle.

Je souris parce qu'elle rougit.

- C'est tout a fait normal. Vous aviez besoin de quelqu'un et vous pouvez tout me dire.

- Je sais, sourit-elle.










On peut s'aimer -  Royal SagaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant