Chapitre vingt - Emmie

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Quand je me réveille le lendemain, j'ai une migraine affreuse et la joue écrasée contre quelque chose de très chaud et confortable. Je me relève alors que je suis sur le ventre d'un homme. Je regarde le visage paisible de Lysander. Il est magnifique. Du bout des doigts, je touche sa barbe, ses joues, sa mâchoire si puissante. Il semble profondément dormir.

Il est temps de partir. Pour de bon. Dehors, le soleil commence tout juste à se lever. Je file prendre ma valise sous le lit, m'étonnant que le Prince ne se réveille toujours pas. Je fourre tous mes vêtements sans prendre la peine de les plier. Je suis vite habillée et prête. J'écris deux lettres. Une à la Reine car je pars sans donner de préavis et une à Eléanore. En n'en donnant pas une à Lysander, je me rends compte plus tard que c'est une énorme erreur. Mais il faut que je parte maintenant, tant que je suis encore capable.

Je crois que je l'aime beaucoup trop. Je ne supporterai pas d'être avec lui, en sachant que la royauté ne voudra pas de moi. Ils veulent une princesse qui apportera tant de bonnes choses à leur pays. Tandis que moi, je ne suis rien à part une duchesse.

Deux heures plus tard, je suis dans l'avion pour me ramener chez moi, à New York. Je me doute que je vais croiser Juliette et mon frère. Que diront-ils en me voyant ? Et que vais-je dire moi ? Inventer ou avouer la vérité ?

Quand j'atterris, je préviens mon frère que j'arrive et j'appelle un taxi. Quelques minutes passent et je suis de retour dans mon appartement, fatiguée et la boule au ventre. J'entre dans l'appart et je vois devant moi, mon frère en train de rouler une pelle à la sœur d'Eléanore. La belle rouquine rend le baiser de Rafael avec ardeur, ses mains entourant son corps. Je reste sur le pas de la porte, les bras ballants et les yeux écarquillés. 

J'arrive à prononcer un mot.

- Salut...

Ils sursautent tous les deux et Juliette recule vivement de mon frère, qui la regarde s'éloigner de lui, presque en colère. La jeune femme semble extrêmement mal à l'aise, rougissante et essoufflée.

- Je suis arrivée, j'annonce simplement.

J'enlace Rafael avant de passer à la fille.

- Enchantée de te connaitre, Juliette. Je suis Emmie.

Je lui tends la main qu'elle s'empresse de prendre en souriant. Elle se dandine d'un pied à l'autre, vêtue d'une superbe nuisette.

- Enchantée aussi. Tu as fait bon voyage ? Me tutoie-t-elle directement comme si on se connaissait depuis toujours.

- Oui, impec'.

Elle me sourit et je comprends immédiatement comment mon frère a pu tomber dans ses filets. Quand elle sourit, on dirait le soleil. D'ailleurs, lui et moi devrions avoir une conversation après.

- Je vais me faire un chocolat chaud. Vous en voulez un ?

Je laisse mes bagages dans l'entrée et me dirige vers la cuisine, à quelques mètres de là. Je les sens me regarder avec interrogation. Je ne sais pas pourquoi mais je n'y fais plus attention. Le reste de la semaine, je reste enfermée dans ma chambre, au fond de mon lit à pleurer de temps en temps, à ignorer les appels de tout le monde sauf ma meilleure amie. Je suis étonnée que Eléanore ne soit pas encore venue me chercher. Je réponds à ses SMS, le plus bref possible.

Trois semaines passent ou je commence enfin à sortir de la pièce, à aller dans le salon, la cuisine. Je vois très bien que mon frère fait une drôle de tête à chaque fois qu'il me regarde. Il n'a pas encore osé me demander pourquoi j'étais rentrée si tôt, alors que j'avais un boulot en or au palais.

Alors que je regarde la télé, Rafael sort enfin de la salle de bain, me regarde et soupire en s'asseyant à coté de moi. Il me fixe et je l'ignore de plus bel, sentant la faim s'installer doucement en moi. A chaque fois que je tente d'avaler quelque chose, mon estomac se soulève.

- Emmie, chuchote-t-il presque. Tu n'as rien mangée depuis des jours. Ce serait bien de prendre au moins un truc. Tu es amaigrie, sœurette. Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est le Prince ? Il t'a fait du mal ?

Mon cœur se serre en pensant à Lysander. Je suis une pure imbécile. Dès que quelque chose m'échappe, je fuis. C'est comme ça. Ça a toujours été comme ça.

- Bien, ne réponds pas. Mais je trouverai ce qui cloche, Émeraude. Va au moins sur la terrasse prendre l'air, ça te fera le plus grand bien. Tu es anormalement blanche et je ne dis pas ça pour te vexer. Si tu veux, je ne t'embête plus et c'est Juliette qui te parlera à ma place. Je suis sur que tu lui diras plus de choses concernant ton état. Je vous laisse entre filles.

Je reste muette, les larmes aux yeux. Il se lève, se penche vers moi pour m'embrasser le front et s'en va vers la porte d'entrée. Il s'arrête un instant pour se retourner vers moi.

- Tu l'as rejeté, Emmie. S'il te plait, réfléchis à pourquoi tu l'as fait. Tu veux bien ?

Il laisse tomber l'affaire en voyant que je bronche pas. Mes yeux restent fixés sur la télé qui diffuse une série policière. Quand il part, je relâche tout l'air de mes poumons, mes épaules s'affaissant. A coté de moi sur le canapé, mon téléphone vibre. Je le fixe, l'image de Lysander s'affichant sur l'écran. Je l'éteins rapidement.

Pouvais-je faire ça à Tom ? Ça avait été le seul amour de ma vie ? Je m'étais mariée, j'étais tombée enceinte. Alors que certains membres de nos familles nous jugeaient. D'autres me détestait. Et j'avais tout perdu. Mon mari, mes parents et mon bébé. Absolument tout. 

Mon frère n'a jamais pu connaitre ma douleur. Lui, tout ce qu'il a fait dans la vie, a été réussi et surtout, gardé. Il n'a rien perdu. Il n'a pas connu la souffrance à part de perdre nos parents. Il a longtemps essayé de se mettre à ma place, mais ce n'est pas possible.

Ce n'est qu'en sentant une main se poser sur mon bras, que je reprends mes esprits. Juliette est assise à coté de moi. Dans son regard, je n'y lis aucune pitié. Juste de l'empathie.

- Je ne te connais pas, Emmie mais ma sœur m'a demandé de prendre soin de toi. Alors si tu veux bien, je vais devenir ton amie. Tu connais mon histoire, j'aimerais connaitre la tienne. Seulement la partie avec ton beau Prince.

Elle me lance un clin d'œil et je tourne enfin la tete pour écouter ses paroles.

- Si je comprends bien, tu es devenue la couturière de sa Majesté, tu as couchée avec son fils, tu es tombée amoureuse de lui. Tu es une Duchesse, donc quelqu'un d'assez important dans la monarchie. Tu es célèbre, connue. Alors, pourquoi tu es partie ?

Je continue de la regarder. Je me racle la gorge. N'ayant plus parlée depuis longtemps.

- J'ai couché avec lui alors qu'il était fiancé. Il a déjà quelqu'un dans sa vie. Il va devenir Roi dans deux jours. Je n'avais plus ma place au palais. Tout au plus, j'aurais été la maîtresse. Je devais partir.

Elle m'écoute attentivement.

- A vrai dire, tu t'es trompée sur un point, me dit-elle en grimaçant. La date du couronnement a été avancée. Il est Roi depuis deux jours, nuance.

Je reste bouche-bée, les yeux ronds comme des billes.

- Mais...mais...

- Je sais. Bon maintenant, je vais jouer la grande sœur parce que tu n'écoutes pas ton frère. Tu vas prendre une douche pendant que je te chauffe des pâtes. Après, on va aller se balader.

On peut s'aimer -  Royal SagaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant