UA - Philippe Coutinho x Thiago Silva - Tiago

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Depuis qu'on est des mômes

Mon ami l'on a ramé


Je connais Thiago depuis plusieurs années. On était des mômes quand on s'est rencontré. J'étais trop turbulents pour mes frères. Ma mère a donc décidé de me faire garder. Elle a cherché une nourrice pendant longtemps, avant de s'offrir les services de Madame Silva, une femme qui venait des favelas. Je ne connaissais que les beaux quartiers de Sao Paulo et je refusais d'y aller. Du haut de mes quatre ans, je ne voulais pas me mélanger à ce que mon père appelait les "crasses". Je l'ai soufflé à ma mère, tout bas. Maria n'avait rien entendu, mais c'était pas le cas de tout le monde. Thiago était là. Âgé de douze ans, il avait voulu me mettre dehors. Nos mères avaient réussi à nous raisonner, chacun de notre côté et j'étais resté là-bas. Je me suis mis dans un coin pour dessiner et, après près de deux heures, Thiago s'était joint à moi. La saleté sur ses mains et sa maigreur m'inquiétait, mais j'étais resté sage. Il ramait comme un malade avec sa famille et son père se tuait à la tâche pour faire vivre sa famille.


Trois ans plus tard, j'avais sept ans. Thiago venait de fêter ses quinze ans et ses parents travaillaient toujours autant. Ma mère me déposait tous les soirs après l'école pour pouvoir aller bosser dans un beau bureau de mon père. J'ai entendu Maria et Rodrigo parlaient, le jour des 15 ans de Thiago. Ils disaient qu'il allait falloir qu'il travaille aussi. L'école coutait trop cher pour eux. Quand il est arrivé, j'ai sauté de ma chaise, mon contrôle entre les mains.

Thiago : Bonne nouvelle, j'espère !?

Phil : J'ai eu la meilleure note !

Thiago : C'est bien, champion. Tu vas aller loin, dans la vie. 


Il a ébouriffé mes cheveux et j'ai fait semblant de bouder. Il s'est marré, comme toujours. Son père lui a demandé de le suivre et j'ai commencé à les suivre, mais Maria ne l'entendait pas de cette oreille et elle m'a retenu.

Maria : Tu crois faire quoi, bonhomme ?

Phil : Faut pas le laisser tout seul !

Maria : Et pourquoi ?

Phil : Papa, quand il m'emmène dans les autres pièces, il est méchant et il me fait très mal.


On ramait, chacun de notre façon. Il allait devoir trimer pour ses parents, je devais paraître parfait aux yeux des miens alors que mon père me frappait régulièrement. Mes frères prenaient, le plus souvent possible, ma place, mais ça ne suffisait pas.


Maintenant qu'on est adulte

Les rames je veux ranger

Si te viennent des larmes

Viens donc me les donner


J'ai fait un caprice et ma mère a fini par convaincre mon père de payer les études de Thiago et d'aider ses parents. En grandissant, je me suis endurci. Thiago veillait sur moi, toujours. Quand mon père me faisait trop peur ou trop mal et que certains camarades se moquaient du fait que j'allais dans les favelas, tous les soirs, quand je pleurais, c'est Thiago que j'allais voir. Au début, ça inquiétait ma mère. Avec le temps, elle a apprit à gérer ses angoisses et elle a comprit où j'allais, systématiquement. Thiago essuyait mes larmes et, parfois, le sang qui les accompagnait. Il me soignait et veillait sur moi alors que mes frères étaient trop occupés par leurs petites amies. Thiago restait toujours là pour moi, il s'intéressait à moi, s'inquiétait pour moi. Il était devenu un vrai frère.


Tiago, j'ai pris, le temps de t'écrire

Une mélodie, en mille sourires

Tiago, j'ai mis le temps pour le dire

Mais mon ami, je suis là pour le pire


Je n'ai pas suivi la voix que mon père m'avait destiné. Je n'ai jamais fait d'économie, jamais de gestion, jamais de communication. Mes frères étaient devenus avocats et mon père rageait. Thiago a gravi les échelons dans l'entreprise. Pendant ce temps, j'étais plutôt tourné vers la musique et les chansons. J'écrivais, parfois, des chansons, pour le plaisir. L'une d'elle était dédiée à Thiago, mon meilleur ami, le seul que j'ai jamais vraiment eu. Les autres, c'étaient tous des snobs. Je n'avais, véritablement, qu'un seul ami et c'était lui, pour le meilleur comme pour le pire. Il aurait pu faire une grosse connerie et j'aurais plongé avec lui, malgré nos huit ans de différences.


Qui se moque de toi

Se moque aussi de moi

[...]

Si ça part en bagarre

On jouera quatre mains


Quand les élèves de mes écoles successives se moquaient de Thiago qui ne loupait jamais de m'emmener et de venir me chercher, c'était comme s'ils se moquaient aussi de moi. Pour défendre mon ami, j'étais prêt à tout et ça n'était pas rare que je me batte pour lui. Souvent, il se joignait à moi. Ou, plutôt, il venait frapper les autres qui finissaient, systématiquement, par prendre le dessus sur moi. Quand on se bagarrait, c'était toujours à quatre mains. 


La copine qui part

Mais ne reviendra pas

C'est du temps pour se voir, oui

Pour qu'on parle de toi


Je me souviens que malgré notre différence d'âge, il restait toujours à mes côtés. Toujours, sauf quand il était en couple. C'était elle avant, moi après. Je n'étais pas particulièrement blessé, mais quand ces garces partaient, c'était toujours un bonheur. Je pouvais retrouver, pleinement, mon meilleur ami. On pouvait parler pendant des heures et c'est vraiment ce que je trouvais de meilleur. La première fois que j'ai été jaloux de sa copine, j'avais quinze ans. Et j'ai tout fait pour évincer la demoiselle. J'avais réussi d'ailleurs, ça avait été simple. Et j'avais pu récupérer Thiago. Mon amitié pour lui n'était plus la même, j'étais devenu amoureux. Il m'a fallu trois ans de plus pour lui avouer mon amour. Huit ans plus tard, je suis en couple avec lui. Nous avons trois adorables enfants : Isago, Iago et Maria. Quand sa mère est morte, nous nous sommes sentis obligés de donner son prénom à notre princesse.

OS [Footballeurs] 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant