Je commence à bouger mes bras doucement. La kinésithérapeute m'aide à me mettre en mouvement. Je suis toute raide. Cela fait longtemps que je n'ai plus bougé et je le ressens. Après deux ou trois demi-longueurs, mes bras me tirent. Je ne sens plus mon corps.
— Clémence je te propose de faire une pause deux minutes. On reprend après pour refaire trois demi-longueurs. Puis on travaillera sur ta possibilité de te mouvoir tout en gardant tes jambes immobiles. Ça te va?
— Oui parfait.
Je m'approche du bord et m'y assieds grâce à mes bras. Ce mouvement ne change pas beaucoup de l'époque. Par contre, d'avoir ainsi nagé, cela m'a rappelé les différents exercices que nous avions faits en début d'année à la natation.
Je regarde les nageurs autour de moi. Le bassin a commencé à se remplir. Il y a beaucoup de familles qui sont venues où nous sommes pour permettre à leurs enfants d'avoir pied. Une femme vient s'asseoir à mes côtés mais je n'y prête pas attention. Je préfère contempler ma kiné qui nage un peu. Elle se fatigue inutilement en faisant de si courtes flèches. C'est stupide.
— Êtes-vous Clémence Breur?, me demande ma voisine.
— Euh... Oui. Pourquoi?
— Comme ça.
— J'aimerais bien savoir. Votre tête me dit quelque chose.
— Nous nous sommes déjà vues je vous le confirme. C'était au tournoi de l'an passé. Vous étiez dans l'équipe du Lycée des Etoiles. J'étais la coach de l'équipe adverse, les Beavers.
— Ah...
Tout s'explique à présent. Elle était dans l'équipe adverse. C'était notre premier match avec Emeline. Elle nous avait dit qu'elle connaissait bien cette coach. Elles avaient joué dans la même équipe plus jeunes. Par contre, le problème, c'est que je ne retombe pas sur le nom de cette dame.
— Par contre, comment vous appelez-vous?
— Morgane Zaudig.
— D'accord merci. Vous êtes donc ma nouvelle professeure d'éducation physique.
— Oui c'est cela. Sais-tu m'expliquer précisément ce que tu peux faire comme sport?
Qu'ont-ils tous avec ce sujet? Ils ne peuvent pas en parler à leur cours. Je sais pas moi... Pourquoi toujours pendant les vacances?
— Je ne préfère pas aujourd'hui. Je peux vous l'expliquer demain avec mon ancienne coach.
— Euh... d'accord.
— Ce n'est pas contre vous mais il faut que j'y retourne.
— D'accord ne force pas. A demain si nous ne nous revoyons plus.
— Oui à demain.
Je me laisse glisser du bord et retourne dans l'eau. Ma kiné me rejoint directement et m'aide à refaire les trois demi-longueurs. Au final, je suis crevée. Je ne sens plus mes muscles. J'ai l'impression d'avoir passé un week-end complet en compétition. J'apprends ensuite à bouger mon tronc tout en veillant à garder mes jambes immobiles. Il est 18h45 lorsque la séance prend fin.
— Que puis-je faire pendant cette semaine?
— Tu ne peux rien faire de la semaine comme sport. Tu te dois de rester le plus immobile possible. Il ne faut pas que tu te fatigues. Tu ne peux pas pratiquer de sport. Je crains que nous en ayons déjà trop fait aujourd'hui pour ta reprise.
— Ah bon. Je vais essayer de rester immobile le plus possible mais ça risque d'être compliqué.
— C'est déjà bien si tu essayes. Après je te connais. Je sais bien que tu détestes respecter tout ce qui ressemble à des interdictions.
— Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez. A la semaine prochaine.
— Bien sûr. Fais attention cette semaine de ne pas trop forcer.
— Bien sûr.
Elle me raccompagne jusqu'aux vestiaires. Il me reste vingt minutes avant l'arrivée de mon père. Je prends mon temps pour me changer et placer correctement mes attelles. Je m'installe dans ma chaise et sors du vestiaire en direction de la sortie.
En haut, je suis épatée de voir mon père. Il est déjà là. Il m'attend. C'est la première fois qu'il est en avance. Depuis toute petite, je ne l'ai jamais connu arriver dans les heures. Il a toujours préféré me faire patienter pendant des heures au lieu d'être là en avance ou même à l'heure. Il n'a jamais connu la ponctualité. Je suis d'autant plus épatée qu'il soit là aujourd'hui.
— Bonsoir Clémence.
— Bonsoir Père.
— Ça va?
— Oui.
— Tu as vu je suis à temps.
— Oui. Ça m'étonne. Ce n'est pas dans tes habitudes.
— Tu n'as pas l'air contente.
— Si. Je suis surtout soulagée de ne pas devoir t'attendre des heures.
— Tu as tout?
— Oui.
— Je sais t'aider?
— Non. Je te suis.
— Ah...
Il a l'air déçu de la tournure que cette conversation a prise. En même temps, il devait s'attendre à ce type de réaction. Il l'a un peu cherché. Il n'a jamais été là pour moi mais maintenant il voudrait que je le remercie d'avoir été là à temps pour moi. De ne pas m'avoir fait patienter pendant des heures. Il en a du culot.
Je monte dans la voiture côté passager. Je n'ai pas beaucoup envie de parler. Le trajet se fait donc dans un silence de plomb. On entend les mouches volées. Personne ne parle. Mon père a l'air d'avoir mal pris ma phrase. Je ne vois pas pourquoi. J'ai peut-être été un peu sèche mais en même temps il l'a cherché.
Il est 19h45 lorsque nous arrivons à la maison. Je roule directement vers ma chambre. Je ne veux voir personne. Je pars dans ma salle de bain avec mon pyjama. J'ai enfin trouvé le point positif à avoir une baignoire. Ce sera beaucoup plus facile pour moi de me laver.
Je me déshabille puis m'assieds sur le bord de la baignoire avant de m'y laisser glisser. Je fais couler l'eau chaude et commence à me laver.
Je ne supporte pas de voir mes cicatrices. Cela me fait mal. A la piscine ça allait. Je suppose que j'étais moins gênée car la kiné en avait vu d'autre. Maintenant que je suis seule dans ma salle de bain, cela me gêne. J'ai l'impression que mon corps est sali. Certains me diront que les cicatrices sont la preuve que tu as vécu des choses mais pour moi cela me rappelle juste mes accidents. Pour certains les cicatrices sont comme les tatouages pour d'autres. Elles marquent ton corps à vie mais dans le bon sens. Elles sont là pour leur rappeler des événements. Pour moi, elles ont été inventées pour rien. Quand je les vois, je me rappelle tout ça c'est sûr. Par contre, elles me font honte et me marquent à vie. A chaque fois que je me déshabille, je les vois. Ça fait mal. Je ne comprends pas comment certaines personnes peuvent apprécier avoir des cicatrices.
Il est 20h lorsque j'ai enfilé mon pyjama. Je vais directement dans mon lit. Je me couche et allume ma lampe de chevet. Je continue à lire mon livre.
— Clémence?
Ma mère m'appelle. Je n'ai pas envie de répondre. Je reste silencieuse et éteins ma lumière de peur qu'elle ne la voit et entre.
Comme il fait noir, je sens la fatigue me gagner et sombre dans les bras de Morphée sans m'en rendre compte.
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Sport Team
RandomLe sport fait partie de ma vie. C'est même ma raison d'être. Hélas, un accident de la route va tout arrêter. Je vais devoir apprendre à vivre avec mais vais-je en être capable? Imaginez-vous a ma place. Moi, grande sportive, qui ne rêve que de perce...