Chapitre 12

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Je parviens à rejoindre les vestiaires et prends mes affaires avant d'aller à une cabine sans que Madame Zaudig ne me rejoigne. Je me sèche et me change avant de replacer mes bandages et mes attelles. Lorsque je sors, toutes les filles quasiment sont déjà là et attendent.

— Vous êtes toutes là?, demande la prof.

— Je pense bien, répondit une des filles.

— Alors on y va, dit la prof.

Toutes se ruent dans les escaliers même Marie. Madame Zaudig me rejoint et prend avec moi l'ascenseur. Je fuis son regard. J'essaye de ne lui donner aucun moyen de m'adresser la parole. Pendant la montée, cela fonctionne. Je parviens à éviter toute communication. Mais, lorsque nous arrivons en haut et que je vois Marie partir, je sais que c'est peine perdue.

Au début, Madame Zaudig reste à l'arrière avec certaines filles. Moi, je "marche" seule devant. Enfin "marcher", ça va être compliqué vu mon fauteuil mais, bon vous voyez ce que je veux dire.

Je roule le plus vite possible pour ne pas faire attendre trop longtemps ma mère qui s'est proposée de venir me chercher. Je ne sais pas trop ce que cela cache.  Je me méfie un peu de ma mère. Elle est capable de faire sa gentille pour ensuite être vache et me démolir par derrière. C'est une de ses plus grandes passions.

J'ai beau faire de mon mieux pour garder mon rythme, Madame Zaudig finit par me rattraper. Elle calque son pas sur le rythme de mes roues. Je n'ose pas changer de rythme pour la semer de peur de me fatiguer trop.

— Clémence?

Je la fixe. Je ne sais pas ce qu'elle me veut encore. Je crois que j'ai assez parlé pour aujourd'hui.

— Clémence? Ça va?

— Hum... Hum...

— Tu peux m'expliquer qui était cette dame?

— Elle vous l'a dit elle-même. C'est ma kiné.

— C'est vrai que normalement tu ne pouvais rien faire?

— Oui. Je suis censée être immobilisée pendant encore trois mois avec deux rendez-vous par semaine chez la kiné à partir du mois prochain.

— Pourquoi ne pas le respecter?

— Ma vie est quand même foutue. Alors je préfère profiter des moments que je peux encore avoir.

— Comment ça ta vie est foutue?

— C'est quand même clair non?

Je suis en train de m'énerver. Ce n'est pas bon ça.

— Pourquoi dis-tu cela?

— Je ne peux plus rien faire. Je suis bloquée dans cette chaise à la place de profiter avec mes amies. Je ne peux plus faire de sport. Je suis obligée de dire adieu à mon métier. Je me retrouve ici. Je ne me sens pas à ma place. Je ne peux plus rien faire à part subir le temps qui passe et me demander sans cesse pourquoi moi.

— Mais enfin. Si tu respectes le temps des médecins tu pourras retrouver ta vie non?

— Non! Ils me l'ont dit clairement. C'est fini! Je ne pourrai jamais revivre comme avant.

— Je suis sûre que c'est faux.

— Hélas non. C'est bien la vérité pure. Ma vie s'est finie le jour de mon accident. J'y ai tout perdu. Je ne peux plus rien faire.

— Pourquoi être aussi défaitiste?

— J'ai déjà eu énormément d'accidents mais, celui-ci a été trop grave. Je finis par croire que les médecins ont raison. Sur ce coup, je crains que tout soit fini. Cela a été trop loin.

— Ne sois pas pessimiste. Je suis sûre que ça ira mieux.

Lorsqu'elle me dit ça, je me referme complètement. Je ne veux pas l'entendre me donner de faux espoirs. Ce sera déjà assez douloureux comme ça lorsque je serai obligée de voir la vérité en face.

Nous finissons par arriver à l'école. Je me dirige vers la voiture de ma mère et celle-ci sort me donner un coup de main. Je sais bien qu'elle fait juste ça parce qu'on est en public mais, bon je la remercie quand même d'un signe de tête. On va dire que c'est aimable de sa part. Elle aurait aussi bien pu me laisser me démerder seule.

— Ça été ta journée?

— Elle est finie et c'est ce qui compte.

— C'était dur?

— Très long. En plus, j'ai croisé la kiné qui a voulu me faire la moral car je nageais.

— Flûte. Et avec ta classe?

— C'est bizarre. Ce n'est pas la même ambiance qu'au pensionnat. Il y a déjà des clans créés et j'arrive comme un cheveu au milieu de la soupe. Une chance, il y a Marie.

— Marie? La Marie de l'époque?

— Oui Marie Van Correnbergh.

— Dans ta classe?

— Oui dans la même option.

— Chouette ça.

On finit le trajet en silence. A la maison, je vais dans ma chambre déposer mes affaires et me change avant d'aller chez Ibiscus. J'ai mis mes vêtements d'équitation. Je sais très bien que normalement je ne pourrai pas me mettre dessus mais, j'ai très envie d'essayer de me remettre dessus. Je ne le ferai que si mes parents s'en vont. Au moins, ils ne pourront pas me faire de remarque.

J'entre dans le box d'Ibiscus et le sors. Ensuite, je prends mes brosses et commence à faire son pansage. Il est dans un état horrible. Plus aucune de ses tâches blanches ne l'est encore. Je m'acharne à les récupérer et après trente minutes de dur labeur, finis par y parvenir.

Je vais jusqu'à la porte d'entrée regarder si la voiture de mes parents est encore là. Comme je ne la vois plus, je décide d'aller à mon casier chercher les affaires de mon cheval. Je prends également mon gilet Airbag noir, mes gants gris foncé Roeckl ainsi que ma toque noir à strass Busse.

Je pose le tapis turquoise Easy-Rider puis son amortisseur noir ACavallo et je termine par ma selle noire d'obstacles Wintec. Je le selle et essaye de mettre ses guêtres. Je jure un peu mais, au final j'y arrive. Je mets mon gilet, ma toque et mes bottines. Je retire mes attelles et mes bandages qu'il me restait puis tente de me lever.

Comme je n'y parviens pas directement, je prends Ibiscus par les rênes et l'emmène avec moi jusqu'au tronc. Là, je m'appuie dessus et parviens à me lever. Je me hisse sur le tronc puis attrape le pommeau et le trousquin. Ça fait un mal de chien à mes jambes mais, je veux y arriver et je sais que j'en suis capable. Je place mon pied gauche dans mon étrier et pousse dessus de toutes mes forces.

Ibiscus est un ange. Il ne bouge pas d'un millimètre. Il me laisse tout mon temps pour y parvenir.

Ça y est! Je suis sur son dos. Je rayonne de bonheur. Je place bien mes jambes et attache mon Airbag à ma selle avant de demander le pas à Ibiscus.

Il se met en marche et cherche même à descendre sa tête. Sur son dos, je retrouve enfin ma place. Je sais pourquoi je suis encore en vie. C'est pour mon Ibiscus que je vais me battre. Je vais faire mon possible pour retrouver ma mobilité et pouvoir le remonter comme avant. Il ne mérite pas d'être délaissé ou de me perdre à cause de cela.

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