Les deux heures de maths passent. Marie est à côté de moi mais on reste silencieuses même à l'intercours. La prof vient parler avec Marie et moi mais, je me tais.
Quand la sonnerie retentit, je prends mon temps pour tout ranger. Je ne suis pas tentée d'attendre devant le bureau que ma prof de néerlandais arrive. Je n'ai pas envie que les élèves me dévisagent.
- Clem?, m'appelle Marie.
- Oui?
- Tu sors?
- Je te rejoins si je sais. Je dois encore faire un truc.
- Ah ok. Je vais à la sandwicherie. On se voit au pire en permanence.
- Yes! Je t'appelle quand j'ai fini.
- Ok. A tantôt!
Je ne veux pas que Marie sache où je me rends. Je ne veux pas que quiconque le sache en fait.
Je descends et me rends devant le bureau. Je ne dois pas attendre longtemps que ma prof de néerlandais sort du local d'à côté.
- On va au premier ou dehors?, me demande-t-elle.
- Comme vous préférez. Cela m'est égal.
- On profite du beau temps alors.
- D'accord. Je vous suis.
Nous sortons et marchons vers les champs un peu plus bas. Ainsi, nous ne croiserons pas trop de monde.
- Et alors, Clémence comment ça va?
- Ça va, merci. Et vous?
- Ça va ça va. Tu n'as pas l'air en grand forme depuis le début de la semaine. Tu es sûre qu'il n'y a rien?
- Ce n'est rien de bien grave.
Enfin c'est juste que ma vie est foutue quoi. Mais bon ça je ne peux pas le lui dire.
- Donc il y a quelque chose. Veux tu en parler?
- Je ne sais pas... je ne préfère pas. C'est déjà assez compliqué comme ça. Puis, je n'ai pas à laisser savoir ça. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même pour ce qu'il se passe.
- En parler fait du bien parfois tu sais. Je suis là en tout cas si tu as besoin. On ne peut pas toujours tout dire à ses proches ou à ceux qui partagent nos ambitions car ils ne comprendraient pas. C'est pour ça qu'il faut savoir se tourner vers ceux qui ne nous connaissent pas spécialement pour pouvoir parler.
- Peut-être mais ce n'est pas dans nos habitudes de se confier. On doit paraître forts et inatteignables. Ce n'est pas contre vous mais ce n'est pas facile de parler de cela.
- Je n'en parlerai à personne mais je ne peux pas te forcer à en parler. Sache juste que si tu as besoin, je suis là. Tu peux venir me trouver quand tu veux.
Entendre quelqu'un me dire ça m'a fait me sentir toute bizarre. J'ai senti les larmes me monter aux yeux mais je ne pouvais pas laisser voir ma faiblesse. J'ai donc opté pour parler que m'enfuir car sinon ça aurait éveillé la curiosité et ça aurait été clair qu'il y avait beaucoup de choses.
- Je veux bien vous parler. Je ne peux pas tout dire mais ce que je sais, je peux essayer de vous le confier. Il y a sûrement des choses qui vous paraîtront étranges ou quoi, mais c'est normal. Ce sont des réactions ou des attitudes qu'on prend à force de faire partie d'un petit monde qu'est l'équitation.
- Aucun soucis. Je te remercie de me faire confiance et te laisse la parole.
- Donc comme vous le savez, je suis arrivée il n'y a pas longtemps et ce à cause d'un accident. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l'accident, mais, en gros, je suis passée à deux doigts de sombrer et de ne jamais sortir du coma. En nous rendant à un match, nous avons été percutées et j'ai perdu toute la sensibilité dans mes jambes. Les médecins m'ont annoncé la fin de toute pratique sportive. J'allais mal. Je ne voulais plus rien faire. Mes parents m'ont annoncé à cette période également que je quittais mon internat, où j'étais à ma place et où je pouvais être moi-même, pour venir ici. Je craignais de ne connaître personne. J'avais peur du regard des autres. C'est pour ça que directement, j'ai été contre la volonté des médecins et je suis vite passée aux béquilles car cela attirait moins le regard qu'un fauteuil. En arrivant au lycée, je suis retombée sur Marie. Nous nous étions plus vues depuis une semaine avant mon accident. Nous étions heureuses de nous retrouver. Je n'ai jamais laissé savoir aux autres élèves que leurs jugements, leurs remarques et leurs regards me touchaient énormément. J'avais programmé ma remise en selle également. Il le fallait d'abord pour que je retrouve une raison de vivre mais également pour que je prouve à tous ceux qui n'ont pas cru en nous ou qui étaient persuadés que cet accident serait ma perte, que j'étais toujours là. Je me suis donc remise ensemble une première fois. Ça a mal fini pour une bêtise. J'avais oublié de détacher mon Airbag et il s'est déclenché ce qui a saisi Ibiscus. J'ai terminé par terre avec une sacrée raideur à la clef. Je suis retournée chez le médecin il y a trois jours pour faire un nouvel examen. J'ai été très inquiète toute la semaine. Je pense que c'est ce que vous avez remarqué. Je ne peux parler à personne de mes craintes par contre. Ce n'est pas contre vous. C'est juste une interdiction car si cela sort je risque de perdre certains sponsors.
- Ah... tout de même. Je comprends tout à fait ta réaction et suis contente que tu aies réussi à m'en parler. Juste as-tu eu les résultats depuis?
- Oui...
- Et?
- Ce n'est pas bon. Je dois subir une nouvelle intervention.
- Ouille! Est-ce grave?
- Problème au niveau du ménisque, des ligaments et de la rotule.
- Ah... et c'est une lourde intervention?
- Je ne sais pas...
- Ceci explique également ton état et les réactions que tu as eues toute la semaine et ce matin.
- Oui...
- En tout cas, sache que si tu as besoin, je suis là! N'hésite jamais à venir me trouver je t'écouterai.
- D'accord. Je ne le ferai sûrement pas pour ne pas vous déranger mais c'est aimable de votre part.
Nous en restons là et remontons vers le lycée. Marie m'attend devant avec un énorme dossier. Elle me voit de loin et agite son téléphone dans ma direction. Je regarde le mien et vois un paquet de messages photos tirés des derniers magazines équestres. Tous parlent de l'arrivée proche des sélections pour les championnats Jeunes Cavaliers.
Nous n'en parlons pas mais avons toutes les deux la même chose en-tête. J'ai précisément trois semaines pour me remettre à sauter et prendre des points avant les sélections. Ça va être compliqué mais c'est jouable.
A 14h30, nous entrons dans le bâtiment pour nos deux heures d'anglais. Je ne tiens pas en place. J'attends avec impatience 16h20 pour quitter ici et aller chez Ibiscus avec Marie pour me mettre en selle.
Ces deux heures m'ont paru en durer dix. C'était pénible. Surtout que notre titulaire a décidé de revenir sur l'activité du matin et de parler de certaines histoires qui avaient eu lieu dans la classe à mon arrivée, il paraît.
Bref, quand il a sonné 16h20, j'ai attrapé Marie par la main et je l'ai tirée derrière moi pour sortir au plus vite. Parfois les béquilles même si c'est handicapant ça peut s'avérer utile pour se faire un chemin.
Nous sommes sorties et j'ai eu un message de mes parents pour me rappeler qu'ils n'étaient pas à la maison avant samedi soir.
- Marie? Tu rentres avec moi?
- Euh... Madame Plantin est venue me chercher. Je te rejoins chez toi avec elle.
- Ok. Vous y serez sûrement avant moi. Disons que la voiture c'est parfois plus rapide que les pieds.
- Bah fallait le dire que tu étais seule. Je pensais que tes parents venaient.
- C'est ce qui était prévu mais ils ont décidé de partir en week-end aujourd'hui et demain. Ils viennent de me prévenir.
- Tu veux rentrer avec nous chez toi?
- Je ne veux pas abuser. C'est bon t'inquiète je rentre à pieds.
- Mais non va! Si je te le propose c'est bon. Accepte et viens avec nous. Si tu veux être sure, tu peux redemander à Madame Plantin mais il n'y a aucune raison qu'elle refuse.
- Bon d'accord... merci.
Nous nous dirigeons donc vers la voiture. Madame Plantin sort en nous voyant.
- Bonjour les filles!
- Bonjour Madame.
- Marie, dépose ton sac et suis moi. Je passe vite dire bonjour à certains collègues puis on va chez Clémence.
- Madame Plantin?
- Oui Marie?
- Est-ce que nous pouvons ramener Clémence chez elle? Sinon elle doit faire le trajet à pied.
- Aucun soucis. Viens avec nous maintenant aussi alors Clémence. Comme ça tu ne dois pas rester seule.
- Merci beaucoup.
Alors là, ce fût très rapide. Je ne m'y attendais pas. Je n'ai même pas du parler.
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Sport Team
RandomLe sport fait partie de ma vie. C'est même ma raison d'être. Hélas, un accident de la route va tout arrêter. Je vais devoir apprendre à vivre avec mais vais-je en être capable? Imaginez-vous a ma place. Moi, grande sportive, qui ne rêve que de perce...