Chapitre N.66

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« Je suis heureuse, désormais. »


Septembre 2020.


Camille Morgan.

Doucement, j'ouvre les yeux et m'habitue à la lumière du jour. Le soleil filtre à travers le fenêtres et vient me piquer les paupières. La chaleur présente ici me surprendra toujours. M'étirant lentement, je finis par sortir de mon lit et ouvre la fenêtre qui donne sur les collines en hauteur du village. C'est magnifique.

Après presque dix mois passés ici, je n'arrive toujours pas à me remettre de cette vue. Ces belles maisons blanches, bordées de détails bleutés et de plantes lumineuses. Comme tous les matins, je m'accoude à l'appui de fenêtre et laisse mon regard se perdre dans cette étendue de paysages, dignes d'une carte postale.

Lorsque nous sommes venus passer des vacances ici, je n'ai pas pris le temps de détailler tout ça. Mais j'aurais dû. Parce que ça en vaut la peine. La Grèce est un pays avec de nombreuses facettes, toutes plus jolies les unes que les autres. Parce que oui, après avoir discuté avec mon père et mon frère, j'ai décidé de revenir ici, seule, au calme. J'ai donc appelé Ken pour lui demander si la maison de ses parents était disponible et s'il acceptait que je loge dedans, le temps de réfléchir et de mettre à plat tout ce qu'il m'arrivait. Il a accepté, en se disant que c'était le seul moyen de m'aider.

Je suis arrivée ici le lendemain de ma discussion avec ma famille, et j'ai instinctivement compris que j'avais fait le bon choix en venant ici. Tout est calme autour de moi, pas de bruits, pas de pollution, juste un magnifique paysage et de belles plages.

J'ai passé les premières semaines, à vrai dire les deux premiers mois a tout ressasser dans ma tête, relançant sans cesse le même film. Celle de mon histoire avec Hakim, cette histoire semée d'embûches, de hauts et de bas, qui a pris fin avant même d'avoir commencé. Cette histoire magnifique que je ne regrette pas d'avoir vécu. Cette histoire compliquée, qui a pris un tournant dangereux suite à ma famille. Je dois dire que revoir les mêmes images en boucle, m'a rendu folle dans un premier temps. Puis je m'y suis faite et j'ai commencé à apprécier le visage d'Hakim, omniprésent dans mes pensées. Sa voix grave et son parfum de mâle dominant. Son regard froid et ses caresses si douces. J'ai tout redécouvert de lui, sous un autre angle, sans être influencée par qui que ce soit. Simplement moi. Et tout est différent maintenant. Toutes ces semaines passées à affronter mes pensées, m'ont remis les idées en place.

En arrivant ici, j'ai cherché à mettre de côté ma famille, mon père et mon frère, restés en France. J'ai tenté de les oublier. Et après avoir mis de l'ordre dans le bordel du nom d'Hakim, je me suis penchée sur le décès de ma mère, le coma artificiel d'Ilyès. Et une fois de plus, j'ai repassé en boucle ces derniers mois dans ma tête. C'est en me ressassant ces images que j'ai compris que je n'étais en rien responsable des malheurs qui accablent ma famille. C'est la vie. Je crois que tout ça c'est le destin. J'ai été heureuse, j'ai pensé à moi et au même moment, ma famille s'est effondrée. Mais cela n'a rien à voir avec moi, ou Hakim.

Ma mère est décédée, et malgré mon indifférence envers sa personne, j'ai eu mal. Mal de la voir partir. Mal de savoir qu'elle avait rechuté. J'ai eu mal pour elle. J'ai eu pitié d'elle. Elle était faible, et elle s'est laissée emporter par l'alcool. Il faut croire que la première fois ne lui a pas servi de leçon. Hélas, c'est la vie et c'était prévisible. Alors je m'y suis faite, je l'ai pardonnée. J'ai pardonné cette femme qui a bousillé mon adolescence, j'ai pardonné ma mère pour tout ce qu'elle a fait, ou ne pas fait d'ailleurs. J'ai accepté ses excuses, parce que je n'aurai pas su me relever de son décès en étant énervée contre elle. J'ai donc accepté qu'elle ait fichu sa vie en l'air. J'ai accepté qu'elle s'en aille paisiblement. J'ai oublié toutes les insultes qu'elle m'a dites lorsque j'étais gamine. J'ai tout oublié. Et j'ai pardonné. Je l'ai laissé s'en aller. Ça fait mal. Ça fait un mal de chien, mais c'est comme ça.

Avant tu riais- Mekra.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant