Chapitre vingt quatre

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Je sentais de nouveau le monde autour de moi arrêter de tourner. Je ne savais pas quoi faire, ni quoi dire, alors que je m'étais fait le film 100 fois au moins de cette scène dans tous les cas possibles et imaginables. Mais rien qu'un trou noir dans mes pensées à cet instant et son regard toujours posé sur moi. Je laissais mes yeux se baisser tout seuls car je n'arrivais pas à soutenir un regard si longtemps vu et imaginé en rêve. J'avais l'impression d'être ailleurs, dans un autre monde, ou même encore dans mes rêves. Mais non il était là. Je levais à nouveau mon visage vers lui, qui n'avait pas cessé de me regarder. Il me sembla qu'il avait vu le trouble et la pagaille qu'il avait semé en moi et en mon cœur car il avait le sourire amusé d'un enfant qui avait fait une bonne blague. Il baissa la tête en riant et puis la releva à nouveau, passant une main dans ses cheveux qui avaient maintenant repoussés. C'était un tic qu'il avait toujours eu je crois.
« Hello »
Il avait dit une seule parole. Mais elle m'étais adressé. Il avait une voix comme je l'avait toujours entendue dans les vidéos que j'avais vues, un peu partout sur le net: une voix suave, douce, au magnifique accent américain, mais cependant légèrement roque et puissante. Je restais interdite et ne savais quoi répondre. Mon cœur s'emballa rapidement et je le sentais battre fort, très fortement contre ma poitrine, Johnny Depp était là et m'avait adressé la parole. Je crois que ce fût l'un des seuls moments où plus rien du mal qui rongeait mon corps n'existait: plus de maladie, ni de souffrance ni même de peur. Juste un moment incroyable et serein, avec le magnifique couché de soleil de Los Angeles et surtout mon idole de toujours. Je sentais à présent couler les larmes sur mon visage, et je ne les avais pas prévues. Johnny ne sut d'abord pas comment réagir, puis il se rapprocha de moi, passant outre la protection des colosses aux têtes de rhinocéros, et il s'arrêta juste devant mon fauteuil. Il s'accroupit légèrement et lança:
« Oh, no no, don't cry, baby»
Je fis un léger sourire, et je dû reconnaître que c'était bien joué de placer de cette façon le titre de l'un des  films dans lequel il avait joué. Je me devais de répondre le plus rapidement que je le pus:
«Oh mon dieu.. vous êtes Johnny Depp..»
Je chuchotais presque et il sourit, un sourire franc comme sur les photos:
«Oh, yes, je suis Johnny Depp. Je vois que tu es française. Je peux te parler dans ta langue alors. J'adore la France.
- Et moi, c'est vous que j'adore...» répliqua mon coeur, lui même, dans un souffle, rapidement suivit par quelques larmes qui formèrent rapidement leur sillon sur mes joues.
Il ne s'attendait pas à ce que je dise cela aussi franchement, et moi même je trouvais cela un peu niais. Mais il ne releva pas et essuya une larme du bout des doigts qui coulait, sur mon visage au creux d'une de mes joues :
« J'ai toujours trouvé les femmes françaises aussi élégantes qu'émotives. C'est ce qui fait leur charme n'est ce pas? Ça m'étonne que tu ne sois pas au buffet. Tout le beau gratin d'Hollywood y a été convié, tu ne veux pas des autographes? Et d'ailleurs, que fais tu à Los Angeles, et seule qui plus est?»
Il parlait dans un français grammaticalement parfait, cependant teintée d'une jolie pointe d'accent américain. Je dis la première chose qui me passa pas la tête  car dans ces moments là on ne prend pas le temps de réfléchir:
«Vous savez, monsieur Depp, la seule raison de ma venue, c'est vous. Comme vous le voyez, je suis malade. C'est un ami qui m'a offert le voeu qui me tenait le plus à coeur, celui de voir, ou même d'apercevoir mon idole. Et c'est vous, mon idole. J'ai de plus en plus de chances de mourir, et lui est peut être condamné. Et je vous parle. Vous me parlez. Mon idole me parle. Et même dans mes rêves les plus fous, je n'imaginais pas un moment si intense et parfait. J'ai peur de la maladie qui me ronge, et je sais que si il progresse encore ça veut dire chimio pour moi. Vous savez ce qu'est le cancer, vous même vous avez été atteint. Vous avez survécu, et heureusement. Mais je ne voulais pas risquer de mourir sans avoir aperçu l'homme incroyable que vous êtes.»
J'avais fermé les yeux et avais tenté de contrôler au mieux les tremblements de ma voix. Je crois que j'avais réussi car quand j'ouvris à nouveau les yeux, Johnny me fixait sans dire un mot. Il était soit étonné soit loin dans ses pensées. Un mélange des deux sans doute. Les garde du corps s'étaient remit à notre niveau, observant chacun de mes gestes avec ce regard plus que perçant aussi acéré que les griffes du roi de la savane.
« C'est vrai, je me suis battu contre le cancer,  me dit-il après une longue réflexion, et j'ai gagné jusque là. Mais j'essaie aussi d'aider les autres à le combattre. Parce qu'après tout, l'argent et la célébrité, c'est fait pour ça non?»
Il secoua la tête après l'avoir baissée. Je me suis toujours demandé ce qu'il pouvait bien s'être dit à ce moment précis quand il fixait le mégot qu'il venait d'écraser, toujours dans ses pensées. Je suppose qu'il s'est dit qu'enfin il n'était pas seul. Et aussi là qu'il s'est dit que ouais, c'était possible de faire quelque chose pour aider. Pour m'aider, MOI. Je n'ai jamais autant béni les dieux d'avoir mit sur ma route cette rencontre qui a tout changé. Ou presque.

Il dit, toujours la tête regardant en direction du sol marbré de ce petit jardin, un sourire en coin collé sur le  visage:
«Dit moi, où est cet ami qui t'a offert son vœu? Et celui qui vous accompagne aussi, sans doute? Pourrais-je les voir, s'il te plait?»

Ma dernière danseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant