Chapitre cinq

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Tu comptes rester dans la salle de bain longtemps ?

– J'ai bientôt terminé, râla Edenn, pince à cheveux coincée entre les doigts.

Elle entendit Yugyeom soupirer derrière la porte, puis des bruits feutrés pour signaler qu'il descendait les escaliers. Un bref regard dans le miroir lui arracha une grimace mécontente. Sa chevelure de feu refusait de se laisser dompter, une masse informe et sauvage couvrait la totalité de son crâne. La brosse n'avait aucun effet sur ses mèches rebelles, pour son plus grand désespoir. La jeune femme abandonna l'idée de se coiffer et noua le tout à l'aide de sa barrette.

Pourquoi diable avait-elle accepté l'invitation de Noah ? Elle aurait pu rester bien au chaud avec un bon film. Son amie avait insisté en s'attaquant à sa corde sensible, elle était douée pour amadouer les gens, cette garce.

Fluette en apparence mais redoutable négociatrice. Là voilà maintenant, en plein affrontement avec sa tignasse, à moitié habillée alors qu'elle devait partir dans peu de temps. Aucun effort vestimentaire, la goule s'était contentée de farfouiller dans son placard sans vraiment regarder ce qu'elle piochait.

Edenn enfila un pantalon velours côtelé prune assorti d'une chemise aux motifs géométriques aux tons de jaune et de bleu électrique. La pêche n'avait pas été mauvaise, elle avait réussi à prendre des habits à peu près assortissables, ce qui ne lui arrivait pas tous les jours. Clou du spectacle, des chaussettes similaires et elle ne manquerait pas de le faire remarquer à sa camarade.

Edenn, je ne sais pas ce que tu fiches là-dedans mais je vais enfoncer la porte si tu ne sors pas maintenant, râla Yugyeom en tambourinant sur le battant en guise de menaces.

Je suis terrifiée, j'en pleurerais presque.

– Tu m'emmerdes.

Moi aussi je t'aime Yugyeom, pensa l'avaleuse d'âmes dans une énième contorsion pour arranger sa coiffure désastreuse, en vain. Quand elle franchit le seuil de la porte, elle tomba nez à nez avec son ami, regard de fauve en cage. Elle lui adressa un sourire innocent, une petite tape sur l'épaule en guise d'excuse puis glissa sur le côté afin de le laisser passer. Expression féroce, l'air de dire Je te déteste, j'espère que tu le sais. Elle haussa les épaules, désolé mon vieux, j'y étais en première.

Elle jeta un coup d'œil à sa montre : près de 20h, dans les temps. La rousse gagna le salon d'où échappait le langage tapageur de la télévision. Ysabeau et ses faramineuses idées, investir dans un petit écran, elle passait la majorité de ses journées à regarder des émissions en tout genre, surtout des reportages animaliers ou sur l'entretien d'un potager.

Vu d'ici, ce salon aux allures certes antiques, statuettes africaines achetées au marché aux puces, un canapé en peau de vache, un vieux canapé rafistolé à de maintes reprises et ce poste installé au fond de la pièce, n'importe qui penserait qu'ils étaient une petite famille bien rangée et amatrice du grand air.

En un certain sens, ce n'était pas tout à fait faux. A un détail près : peu de familles modèles se nourrissaient de chair crue et d'âmes pour rester en vie. Ysabeau s'intéressait aux humains mais pas de la même manière que l'étudiante en biologie. Elle éprouvait une fascination pour leur méticulosité et leur travail acharné dans certains domaines, tout en dédaignant leur façon d'agir sur de nombreux points.

Attirance et répulsion. A la différence d'Edenn, la tutrice aux cheveux de jais ne les approchaient pas. Rester le plus loin possible des bipèdes restait selon elle la meilleure solution afin de ne pas être démasquée.

Je peux savoir où tu vas ? demanda la dame farouche, à présent redressé dans le fauteuil.

Hum, une amie de ma classe m'a proposé d'aller faire un tour dans une salle d'arcades alors...

Le prix de ton âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant