Chapitre dix-neuf

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Le ciel noircissait à vue d'œil alors que le soleil abordait sa courbe descendante. La nuit tombait de plus en plus tôt ces jours-ci, les rues se retrouvaient dès dix-sept heures noyées sous la lumière artificielle des lampadaires. Cependant, en cette froide journée de février, le firmament arborait une couleur peu habituelle pour la saison.

Rouge sang. Les nuages paraissaient s'imbiber de vermeil et les rayons mordorés de Phébus arrosaient la ville d'un éclat presque malsain. Edenn fixait avec fascination et appréhension ce zénith porteur de mauvaises nouvelles, figée sur le toit de l'université. Elle scrutait la voûte céleste à la recherche de l'étoile du berger, sans succès. La lune se cachait à son tour, suivant le sillage de l'astre diurne sans pour autant prendre sa place.

On y va Edenn ? l'interpella Yugyeom dans son dos.

Elle se détourna de ce champ écarlate pour pivoter vers son petit groupes de camarades. Jinyoung prenait quelques photos de ce coucher de soleil inhabituel, Noah entretenait une discussion animée avec Jaebeom et son meilleur ami faisait les cent pas, visiblement inquiet.

Allons-y, fit-elle en entament la descente vers l'entrée principale.

Yugyeom la rattrapa en quelques enjambées, suivis de près par le reste de la troupe. Lui aussi semblait troublé par la teinte pourpre de l'éther : quelque chose de mauvais avait dû se produire et les dieux leur faisait savoir. Les élèves se pressaient dans le hall, certains se rendaient à leur club de sport, d'autres terminaient leurs devoirs assis par terre et plusieurs couples s'échangeaient des baisers passionnés dans un recoin de la salle.

L'air froid balaya leurs visages lorsqu'ils s'extirpèrent de la foule. La rousse espérait que son mauvais pressentiment restait à l'état de simple fabulation mais depuis plusieurs cycles, ses idées sombres s'avéraient justes... Yugyeom ne disait rien, ce qui ne lui ressemblait pas. Lui qui était le dernier à s'alarmer ou s'effrayer, il affichait une mine fermée, le dos droit et la bouche pincée.

On rentre ensemble ? demanda alors Noah lorsqu'ils parvinrent au carrefour où ils se séparaient tous les soirs. Comme ça on va acheter un chocolat chaud, c'est le week-end, on a rien a faire en plus vu que les partiels sont terminés.

Œillade rapide avec son comparse. Jinyoung haussa les épaules et Jaebeom resta silencieux.

Si tu veux, ça nous détendra, répondit Edenn en affichant un sourire aussi sincère que possible, bien qu'elle n'en menât pas large.

Ils prirent l'allée adjacente, suivant le chemin vers le café où ils se rendaient dès qu'ils avaient le temps. Peu de personnes circulaient dans la venelle, les passants filaient, le menton rentré dans leurs écharpes, ce qui ajouta encore de la crainte dans le cœur de la mangeuse d'âmes. C'était bien trop calme à son goût.

Pas qu'elle ne veuille qu'un drame se soit produit, mais plutôt qu'elle trouvait l'atmosphère anormale. La brise était trop lourde, l'air chargé d'électricité alors qu'aucun orage n'avait été annoncé, tous ces signes annonçaient selon elle une catastrophe. Où, quand, comment, elle l'ignorait mais l'auburn était persuadée qu'une tragédie se préparait, tapie dans l'ombre.

Alors qu'ils s'engageaient dans l'artère commerçante, une effluve particulière passa sous le nez de la jeune femme. Elle fronça les sourcils, se demandant d'où provenait ce parfum. Un mélange de bois mort, de cendres et de métal. Ses pupilles s'agrandirent au point d'envahir la totalité de son humeur vitrée et elle huma une nouvelle fois l'air frais. Trop tard, l'arôme s'était volatilisée.

Je vais prendre un grand chocolat chaud avec supplément guimauve et chantilly, déclarait Noah, toute contente.

Tu es affamée ma parole, fit Jinyoung en riant un peu.

Le prix de ton âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant