Le prix de ton âme

Chapitre douze

Le ciel était aussi morose qu'Edenn. De nombreux nuages s'accumulaient autour des montagnes et s'accrochaient aux Pics Mordants, cachant par la même occasion les timides rayons du soleil. Un nouvel orage s'annonçait. Un vent froid frappa le visage de la goule, lui arrachant une grimace d'inconfort. La neige était tombée la semaine passée et avait noyé une fois de plus la forêt sous son épais manteau blanc. Elle marchait, de la poudreuse jusqu'aux genoux, se démenant tant bien que mal pour progresser à travers les sous-bois.

Saloperie de neige, jura-t-elle au moment où elle trébuchait contre une grosse racine. Elle ne faisait pas attention où elle mettait les pieds, bien trop absorbée par le flot de ses pensées. Les évènements s'enchaînaient à une vitesse effroyables ces derniers temps et elle ne savait plus sur quel pied danser. Ysabeau resserrait sa surveillance vis-à-vis de ses escapades nocturnes, bientôt elle n'aurait plus le droit de sortir si les assassinats se poursuivaient.

La venue d'un Chasseur de feu au bal avait fait son petit effet sur sa tutrice mais pas sur les anciens. Rien ne changeait, aucune mesure n'avait été mise en place pour arrêter la folie meurtrière de ces tueurs. Était-ce de l'impuissance que ressentaient les hauts-placés ? Elle en doutait. D'obscurs desseins animaient ces aliénés du sang et de la chair ; tant de questions demeuraient en réponses.

Peut-être que lorsqu'un des leurs mourraient les dirigeants se décideraient à les pourchasser... La dernière assemblée n'avait pas été concluante de ce qui lui avait rapporté Yugyeom. Certaines tribus réclamaient une forte répression de ces actes barbares mais certains déclamaient que toute action trop virulente attirerait davantage l'attention des humains et causerait d'innombrables pertes. En conclusion, ils étaient bloqués.

Edenn parvint enfin à son domicile, le pantalon trempé. Sa maison prenait place dans un petit lotissement, loin de la civilisation humaine. Peu de personnes cheminaient jusqu'ici à cause des sentiers escarpés et il n'y avait que des goules qui vivaient dans ce hameau. Apparemment Ysabeau ne se trouvait pas à l'intérieur car la porte était fermée à double tours. Elle tourna la clef plusieurs fois dans la serrure, s'engageant dans la chaleur rassurante de son logis.

Un feu brûlait dans l'âtre, elle entendit les grésillements des flammes contre la pierre tandis que la pendule sonnait seize coups. Sa tutrice ne devrait pas tarder à rentrer. Il était rare qu'elle s'absente de la sorte, et encore plus depuis la mort du jeune Steve Ackermann... La rousse soupira et balança ses chaussures sans regarder où elles atterrissaient. Une seule préoccupation envahissait son esprit : décrypter les inscriptions de la grotte.

Depuis qu'elle connaissait son existence, elle se rendait là-bas dès qu'elle en avait l'occasion. Elle était persuadée que les dessins représentés portaient un message, non seulement aux goules, mais aussi aux vampires. Jaebeom avait été aussi perturbé qu'elle en découvrant ces fresques sanglantes, ce qui ne l'étonnait pas. Elle aussi, quand elle les avait découvertes, la surprise l'avait submergée. Personne autour d'elle ne semblait être au courant que cette caverne renfermait de terribles secrets ; Ysabeau avait tout nié en bloc lorsqu'elle avait abordé le sujet.

Son monde s'écroulait petit à petit, Edenn en prenait conscience. Il y avait des non-dits qui brûlaient la gorge de son peuple. Elle percevait la pointe de l'iceberg et craignait fortement de trouver la vérité dissimulée sous ce tissu de mensonges. Lorsqu'elle grimpa les escaliers jusqu'à sa chambre, une étrange sensation la parcourut.

Quelque chose clochait. Ce n'était pas comme d'habitude.

La jeune femme ouvrit la porte de sa chambre et mit un pied à l'intérieur. Une vague de frissons remonta le long de son échine alors qu'elle balayait du regard la pièce. Oui, quelque chose clochait. D'où provenait cet étrange pressentiment ? Comme si quelqu'un était entré dans son refuge. Qu'on avait fouillé dans ses affaires.