Chapitre vingt-sept

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Une brise fraîche caressa le visage d'Edenn. Elle ferma les yeux, écoutant le bruissement des arbres et les chants des oiseaux, à moitié assoupie. Elle tenta de se relever mais ses jambes refusèrent de lui obéir et elle expira, un torrent de feu dans les veines. Son corps se remettait peu à peu de ses traumatismes, ses nuits se semaient de crampes et de cauchemars, elle ne supportait plus son reflet dans le miroir, si bien qu'elle avait brisé la glace la dernière fois qu'elle avait été confrontée à son image.

En la retrouvant par terre, les poings ensanglantés, Yugyeom avait bien cru qu'elle avait mis fin à ses jours. Même ça, elle n'y parvenait pas : lâche et égoïste, voilà ce qu'elle était en réalité. Elle se replaça contre le tronc, mobilisant son bassin avec la plus grande précaution. L'étudiante se perdit dans la contemplation d'une lignée de fourmis qui se dirigeaient vers leur demeure, jambes étendues devant elle. Les insectes continuaient leur marche, infatigables, à l'image des humains. Elle tendit l'index, sur le point d'en écraser un, la gorge sèche.

Tout va bien ?

La rousse passa une main en coupe pour voir son camarade. Yugyeom affichait une mine affable, aussi fatigué qu'elle l'était. Le pauvre prenait toutes les responsabilités de son crime à sa place... Elle haussa les épaules, ne sachant pas trop comment elle se sentait. Un vide se creusait dans sa poitrine et anesthésiait la douleur de ses os en reconstruction, alors... Elle ignorait si tout allait bien ou non.

Je suppose. Même si j'ai connu des jours meilleurs...

Il esquissa un pâle sourire avant de s'asseoir à côté d'elle. Edenn ne savait pas où commencer. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas confiés l'un à l'autre ? Yugyeom la détestait, elle en était persuadée. La façon dont il l'avait regardée à son réveil la tourmentait. Même si elle s'excusait, il ne la pardonnerait sans doute pas. Au mieux, il acceptait son repentir. Au pire, il prenait ses distances et ne lui adressait plus jamais la parole.

Une larme perla au coin de son œil sans qu'elle le veuille réellement. Sa sensibilité, déjà exacerbée d'ordinaire, atteignait son paroxysme avec sa convalescence. Elle ne contrôlait pas ses pleurs, sa colère ou ses éclats de rire ; cela lui était déjà arrivée de pouffer de rire en racontant la mort de Tamara. Une dissociation affective qui la morcelait et la fragilisait. Ysabeau déduisait que cette dysharmonie se diluerait peu à peu, lorsqu'elle aura retrouvé assez de force pour réfléchir correctement.

Il fait beau aujourd'hui, ça change des derniers jours, déclara Yugyeom comme s'il cherchait comment engager la conversation.

L'écarlate se tourna vers la voûte, d'un bleu si clair qu'elle paraissait transparente.

Oui, il fait beau...

Elle se mordit la lippe, n'osant pas le regarder. Le cendré la contemplait, impuissant face à son désarroi. Malgré toutes ses tentatives, il ne parvenait pas à la mépriser, contrairement à beaucoup de ses camarades. Bien sûr, il lui en voulait de ne pas lui avoir parlé de sa relation avec Jaebeom, mais il pensait aussi qu'elle avait eu de bonnes raisons de n'avoir rien dit...

Edenn, écoute, je...

– Je tenais à m'excuser. Je sais que j'ai mal agi, que j'ai mis notre famille en péril et je m'en voudrais toute ma vie. Je suis désolée Yugyeom d'avoir gardé ce secret, c'était aussi pour te protéger des conséquences... Même si finalement ça n'a servi à rien...

Elle cracha tout d'une traite à un débit si rapide qu'il ne comprit que la moitié de ce qu'elle racontait. Tendrement, le mangeur d'âmes s'empara de sa main et la serra dans la sienne, se moquant bien de la potentielle arrivée de Jaebeom. Il lui fit une pichenette sur le front, le regard sévère.

Le prix de ton âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant