Chapitre vingt-cinq

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Jaebeom ne parvenait pas à mettre de mot précis sur ce qu'il ressentait. Il n'avait jamais été très doué en termes de relations humaines, se tenant toujours à l'écart des groupes et préférant rester silencieux lors d'une discussion. Il avait agi ainsi toute sa vie durant, du moins, de son existence de vampire. Il ne se rappelait pas, ou par bribes, des moments où il était mortel. Parfois, il en rêvait. De ces moments où il pouvait encore courir dans les champs en plein soleil, savourer un plat mijoté sans avoir envie de vomir, s'aventurer au beau milieu de la journée sans craindre de se faire tuer.

Nickhun avait été patient avec lui. Chien fou au début, il avait dérapé à de maintes reprises. Son tuteur l'avait rattrapé, foutu des raclées mémorables, l'éduquant sur le comportement qu'il devait avoir en société maintenant qu'il avait basculé du côté de la nuit. Le vampire lui avait appris énormément de choses en presque deux cents ans, mais il ne lui avait jamais expliqué comment aimer.

– Est-ce que tu es sûr que tout va bien Jaebeom ? On dirait que ça fait plusieurs jours que tu n'as pas dormi.

– Hm... Tu m'as démasqué, j'ai passé la nuit à réviser, bravo Ayato.

Son voisin de table s'esclaffa, trouvant sa plaisanterie très drôle car Jaebeom n'était pas le genre à potasser des heures sur un sujet – c'était plus celui qui se rendait aux contrôles sans avoir ouvert son classeur et qui malgré cela, s'en sortait toujours. Ayato agita son crayons devant son nez, le regard suspicieux. Qu'est-ce qu'il lui voulait encore ?

On est entre mecs, on peut en parler. Y'a une fille qui te plaît ?

Mais qu'il est chiant avec ça, tu ne veux pas te mêler de tes affaires ? Et puis, pourquoi est-ce que tu me parles ? Si seulement Jinyoung était là, songea le buveur de sang en inspirant un grand coup. Il détestait les humains pour ça : incapables de s'occuper de leurs affaires, ils mettaient leur nez partout et il ne le supportait pas.

Ca ne te regarde pas, change de cible Ayato, répondit-il calmement, les yeux tournés vers la fenêtre.

Je pensais que tu-

L'élève fut interrompu par la sonnerie aiguë signalant la fin du cours. Sauvé par le gong, remercia Lim, fourrant aussi vite que possible ses affaires dans son sac. Il prétexta un appel téléphonique afin de se sortir de ce pétrin et sans même saluer son homologue, il quitta la pièce dans un courant d'air. Une fois à l'extérieur, le brun s'autorisa à souffler un coup, oppressé par la foule compacte. Il se demandait vraiment comment Edenn faisait pour apprécier leur compagnie : ils étaient terriblement ennuyants et ne regardaient que leurs petits nombrils.

Ayato faisait partie de la catégorie ennuyants. Jaebeom n'aimait pas ranger les gens dans des cases mais avec lui, il était obligé. Sans aucun centre d'intérêt, le jeune homme ne pensait qu'aux filles et à comment il pouvait réussir ses études sans fournir d'efforts. Il traversa plusieurs corridors, jouant parfois des coudes parmi les étudiants, jusqu'à atteindre la cantine. Il devait retrouver Jinyoung ici, et si accessoirement il avait la possibilité de voir un moment Edenn, il ne s'en priverait pas.

Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir son meilleur ami en compagnies des deux goules, attablés au fond de la grande salle. Inimaginable et pourtant vrai. Il pensait que son acolyte les détestait à cause de leur nature mais il semblait se tromper ; une faille profonde le séparait du chasseur. Jinyoung possédait tout ce qu'il n'avait pas, et cette différence l'avait souvent blessé.

Il l'enviait, quelque part. Cependant, l'exprimer à haute voix lui paraissait impossible. Son jumeau était à l'aise avec les humains, avait la conversation facile, se pliait sans difficultés aux lois de leur monde... Lui n'y arrivait pas. Son humeur, déjà morose à cause des évènements derniers, ne fit qu'empirer lorsqu'il vit Yugyeom en pleine discussion avec la rousse. Feindre l'ignorance, c'était la seule solution.

Le prix de ton âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant