La faim la rongeait toute entière. Edenn se tordait dans son lit, en proie à une telle douleur physique qu'elle en gémissait presque. Depuis quand n'avait-elle pas eu de repas digne de ce nom ? Au moins un cycle lunaire complet, si elle comptait la fois où elle avait dévoré un pauvre faisan famélique. Elle se contentait de s'attaquer aux animaux, excluant autant que possible les humains. Même s'il y avait toujours un moment où son organisme le réclamait, la jeune femme repoussait cet instant fatidique jusqu'à la limite extrême de son corps.
Ysabeau lui avait enseigné l'art et la manière de ne pas se jeter sur le premier bipède venu. A force de consommer les énergies spirituelles des mortels, leur cœur se corrompait à leur tour, hantés par les émanations de toutes les personnes spoliées. Ils subsistaient grâce à la vie des autres, et cette idée faisait toujours autant mal à Edenn. Elle se retourna sur son matelas, l'estomac noué par le besoin de se nourrir.
Malgré l'interdiction de sa tutrice de sortir en pleine nuit, la rousse n'avait pas d'autres choix que de s'évader pour aller traquer du gibier. Elle haletait presque, le nez plongé dans son oreiller, essayant tant bien que mal de reprendre le contrôle de sa respiration. Devait-elle une fois de plus trahir la confiance de sa garante ou prenait-elle son mal en patience, quitte à se fracasser les poings contre les murs.
Elle se nourrissait peu, à des intervalles irréguliers. Elle tirait sur la corde en permanence, jouant avec le feu comme si elle n'allait jamais se brûler. Le jour où tu t'en prendras à un humain sans que ça soit nécessaire parce que tu ne te seras pas assez nourrie, on ne pourra rien faire pour toi, lui avait dit Yugyeom. L'étudiante savait que si elle ne consommait pas d'âmes de façon régulière, elle mourrait. Les autres semblaient accepter cette réalité mais elle... Elle n'y arrivait pas.
Alors elle attendait que l'agonie soit à son point culminant pour qu'elle se décide à poursuivre un individu suspect d'assouvir ses sombres désirs. Dès qu'elle s'alimentait, elle prenait soin de noter à quoi ressembler sa victime, comme un assassin entretient un journal intime de ses crimes, elle compilait les descriptions des personnes dont elle avait ingéré une partie de leurs souvenirs. Ainsi était le destin de son peuple. Survivre au détriment de l'existence d'autres créatures tout autant méritantes qu'eux en ce monde.
Edenn se redressa subitement alors qu'un courant d'air s'infiltrait sous ses vêtements. Elle tremblait, mais ce n'était pas à cause de la bise. Elle ne pouvait pas rester dans cette position plus longtemps, la rouquine avait d'ores et déjà décidé de bravé l'interdit du couvre-feu. L'attrait de la chair la prenait à la gorge, si bien qu'un goût de bile envahissait sa cavité buccale et faisait pression sur son cœur. Désolé Ysabeau, pensa-t-elle en bondissant de son balcon.
Elle s'enfonça rapidement dans les sous-bois, les sens en alerte. Si elle pouvait attraper quelque chose de consistant sans trop s'éloigner de son domicile, cela l'arrangeait. Elle s'enfonçait de plus en plus dans les fourrés, toujours en quête d'une proie, le souffle court et bouillonnant de l'intérieur. Qu'importe la taille de la bête qu'elle saisissait, tout ce qui comptait à l'heure actuelle, c'était manger. Se baffrer afin de ne plus sentir cet horrible tiraillement au fond de ses entrailles.
L'universitaire se savait dangereuse lorsqu'elle avait faim. Le seul passage à l'acte violent qu'elle avait fait par le passé revenait sans cesse dans sa mémoire et elle s'arrangeait pour ne pas rôder à proximité de la ville lorsque la fringale s'avérait trop importante. Entre ombre et lumière, Edenn progressait, la bouche entrouverte à la manière des prédateurs nocturnes, crocs dehors.
« Où es-tu... Je ne te vois plus... »
Elle s'immobilisa. D'où provenait cette voix ? Aucun parfum suspect aux alentours. Et pourtant, elle avait perçu un son. Une intonation douce, celle d'une femme. Elle balaya les taillis du regard, sans pour autant voir quoi que ce soit. Son imagination lui jouait des tours, ou bien était-ce la disette qui provoquait ces impressions... L'auburn l'ignorait. Elle poursuivit sa route, écartant les branches trop basses d'un coup de bras, guidée par ses instincts de prédatrice.
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Le prix de ton âme
VampireDans l'amour et la guerre, les mondes se heurtent et les cœurs se brisent. Jaebeom et Edenn l'apprendront à leurs dépends. - GOT7 alternative universe