Chapitre vingt-deux

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Parfois, Edenn se demandait si elle n'avait pas mal agi par le passé. Si elle n'avait pas elle-même semé les graines de son malheur. Si elle n'avait pas mérité le sort qui lui était destiné. Bien qu'elle ne croie pas à la fatalité, la jeune femme s'interrogeait. Tous les chemins empruntés semblaient mener au désastre dans lequel elle se retrouvait plongée depuis des lunes.

Comme s'il n'y avait pas d'échappatoire. Tout lui échappait, la rousse ne maîtrisait plus rien. Avait-elle réellement cru une seule minute au fantasme de mener une vie paisible, loin des tourments de son existence de goule ? Avait-elle sincèrement imaginé la possibilité de s'affranchir des codes de son peuple ? Sa stupidité la perdait. A cause de sa bêtise, elle avait tout perdu.

Ne restait d'elle plus qu'une coquille vide, sans substance. Un tas de viande pourrie qui reposait en position fœtale sur son lit, le visage plongé dans son oreiller. Plongée dans l'obscurité de sa chambre, Edenn ressassait son passé, encore et encore, cherchant en vain là où elle avait échoué. Elle avait pourtant promis de protéger Noah, de lui permettre d'accomplir son rêve... Elle la retrouvait six pied sous terre, enfouie dans le cimetière de la ville.

Elle se retourna sur son matelas pour fixer le plafond, sans énergie. Le vent battait à l'extérieur, secouant les stores avec violence. La fenêtre était grande ouverte et elle laissa courir ses prunelles le long du mur, où s'entrelaçaient des ombres sinueuses. Yugyeom ne toquait plus à sa porte, ni même Ysabeau ; ils la laissaient dans son cocon de noirceur, faire le deuil de la seule amie qu'elle n'avait jamais eue.

Yugyeom avait bien tenté de la réconforter mais elle l'avait repoussé. Quand elle se remémorait son expression blessée, elle s'en voulait de l'avoir rejeté de la sorte. Pouvait-il seulement comprendre ce qu'elle ressentait ? Elle tenta de se redresser mais une violente douleur à son poignet la ramena à la réalité. Les yeux rougeoyants du vampire la hantaient jour et nuit, la poursuivaient jusque dans ses cauchemars.

Je vais le tuer, je vais... Vraiment le tuer... murmura l'étudiante, la mâchoire contractée par la colère.

Après son altercation à la nécropole, Edenn était rentrée chez elle, bouillonnante de rage. Pendant plusieurs heures et ce sans s'arrêter, elle s'était fracassé les poings sur tout ce qu'elle trouvait. Jamais elle ne s'était retrouvée dans un tel état de hargne, déconnectée de son corps et de son esprit. Elle avait tapé, détruit, tabassé des sacs remplis de terre et de sable, et désormais leur contenu se répandait sur le sol de la remise.

Elle ne s'était arrêtée qu'au moment où elle avait vu ses poings ensanglantés, violacés par de nombreux ecchymoses. Yugyeom l'avait aidée à regagner son alcôve et depuis, elle n'en était pas ressortie. Les jours passaient et se ressemblaient, l'écarlate perdait le décompte, ainsi cloîtrée dans le noir. Cependant, cette situation lui convenait. Elle ne voulait voir personne, refusait d'aller en cours ou même d'aller chasser.

Elle se confinait dans sa bulle, comme avant. Seule. Terriblement seule. Son meilleur ami la délaissait à son tour, il ne lui avait pas adressé la parole depuis qu'elle lui avait dit qu'elle n'avait pas besoin de lui, qu'il la gênait, qu'il l'énervait à faire semblant de s'inquiéter pour elle alors qu'il n'avait rien fait pour empêcher l'arrivée de la mort de Noah, que cela ne l'affectait pas, parce qu'il ne l'aimait pas.

« Si tu penses que la mort de Noah ne m'affecte pas, tu te trompes Edenn. Tu devrais voir dans quel état tu es... Tu ne te rends même plus compte de ce que tu dis. Si tu ne veux pas de mon aide je n'y peux rien. Tu vas retrouver la solitude que tu redoutais et je ne pourrais rien faire pour t'en sortir... Et tu sais aussi bien que moi comment ça va finir. »

Elle serra les dents, les larmes aux yeux. Pourquoi est-ce que tout ceci n'arrivait qu'à elle ? Les divinités parlaient d'équités mais elle avait l'impression que tous les malheurs ne se concentraient que sur elle. Un profond sentiment d'injustice l'envahissait et rien ne parvenait à chasses ces idées noires de son esprit.

Le prix de ton âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant