Le prix de ton âme

Chapitre vingt-huit

Le soleil dominait la vallée de toute sa splendeur, un roi assis sur son trône, seigneur des cieux régnant sur son royaume. Du sommet de son perchoir, à l'orée de la ville, Edenn observait les restes calcinés de la forêt, le regard triste. Réminiscences du passé, les hurlements de ses congénères résonnaient encore sa tête pendant que les flammes ondulaient devant ses yeux comme des mirages dans un désert. Remontant la fermeture de sa veste jusqu'en haut, la jeune femme s'engagea finalement dans la rue principale, gardée par une cohorte de gendarmes armés jusqu'aux dents.

Elle avança sans se retourner, le dos bien droit et les épaules détendues alors qu'intérieurement, elle était terrifiée. Il faut dire qu'elle n'avait pas pointé le bout de son nez dans la cité depuis l'incendie... Lorsqu'elle se rendait en cours, la rousse prenait le bus scolaire, se fondant dans la foule – elle esquivait autant que possible de s'aventurer à la lumière et n'allait qu'aux leçons obligatoires. En soit, cela ne changeait pas tant d'auparavant mais l'absence de Noah rendait tout beaucoup plus difficile. Affronter la foule dans la cantine, s'asseoir à la même table, répéter les mêmes mots encore et encore... Garder le masque de la bonne élève, ne pas faire de vagues...

C'était ça ou se faire dénoncer sur le champ par quiconque la suspecterait. Les Sohei rôdaient autour de l'établissement, ils n'auraient qu'à débarquer et lui coller une balle entre les deux yeux sans jugement préalable. Edenn poursuivit sa route, mains enfoncées dans les poches de sa veste, jetant de temps à autre une œillade pour s'assurer que personne ne la suivait. Avant qu'elle ne parte, Yugyeom et Jaebeom avaient insisté pour l'accompagner mais comme ils avaient pu l'imaginer, elle avait refusé.

« Je n'ai pas besoin de garde du corps » avait-t-elle dit, pour ensuite se faire disputer par son meilleur ami qui clamait son inconscience et sa fragilité physique. En bonne tête de mule, la rousse avait assené qu'elle avait recouvré ses forces et qu'elle était en mesure de se rendre en dehors du périmètre de sécurité. Cependant, à un croisement, elle s'arrêta, nauséeuse et tremblante. Bien sûr, elle avait menti. Un filet de sang coula de sa narine et l'écarlate passa une paume sur son visage, armée d'un mouchoir, le souffle rapide et le rythme cardiaque anarchique.

Son corps peinait à se remettre en route. Elle frôlait régulièrement le malaise, ne mangeait que le strict nécessaire et avait encore des hallucinations. Elles l'envahissaient surtout lorsque l'angoisse la submergeait et ce, souvent au moment de dormir. Une fois la sensation de vertige passée, la mangeuse d'âmes s'engagea dans un boulevard, frôlant à de maintes reprises les passants. Elle fut surprise de croiser autant de monde alors que le danger planait encore au-dessus de leurs têtes ; des enfants couraient déguisés en chevaliers, leurs mères les surveillant du coin de l'œil pendant que quelques marchands ambulants vendaient des marrons chauds sur les trottoirs.

Un groupe de policiers marchait, fiers comme des paons, matraques sous le bras et carabines dans le dos. Méfiante, l'étudiante fit mine de lasser ses chaussures, le visage baissé sur le bitume. Elle attendit quelques secondes qu'ils s'éloignent pour reprendre son chemin, beaucoup plus craintive qu'à son entrée dans la venelle. Edenn progressa à travers la foule, essayant au maximum de paraître naturelle malgré la peur qui l'envahissait. Les parapets étaient recouverts d'affiches en tout genre, publicitaires ou petites annonces, mais l'une d'entre elles attira son attention.

La jeune femme ralentit au point de se stopper devant une séries d'annonces. Des avis de recherches, sur toute la longueur du mur. Son estomac se noua en reconnaissant certaines personnes, toutes des goules ou des vampires. Les clichés étaient mal pris, flous pour la plupart, cependant les graphistes avaient un travail remarquable pour reconstituer des expressions terrifiantes, sans doute pour imprimer ces faciès dans l'esprit des citoyens.