Chapitre 20 - Lunatique

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Ma provocation fut suivie d'un silence empli de tension.

Ezio me lança un regard incrédule.

- Ou bien, je vais moi aussi m'amuser à te titiller, jusqu'à ce que tu me révèles tous tes petits secrets, menaça-t-il, mauvais.

Ça commençait à bien faire.

- Des secrets, je n'en ai pas autant que toi !

Il croisa les bras, et le tissu de sa veste se tendit sur ses bras.

- Excuse-moi de préserver un minimum de mystère. Je te rappelle que l'on a bossé ensemble pendant quarante-huit heures à tout casser. Tu voudrais pas que je te refile mon dossier médical, tant qu'on y est ?

Sur ces mots, il tourna les talons.

- Tu fais toujours ça, lançai-je avec humeur.

Il revint sur ses pas, visiblement encore plus énervé.

- Faire quoi, au juste !?

- A chaque fois que je commence à creuser un peu, tu te barres. Qu'est-ce que t'as à cacher ?

Passant une main dans ses cheveux, il me regarda, agacé.

- C'est pas tes oignons. Tu te prends pour qui ? T'es ma coéquipière, pas ma psy !

Sa réaction était démesurée. Je savais qu'il gardait beaucoup de secrets.

Tout le monde le faisait dans cette foutue agence !

- Le souci, c'est que tu sembles aussi cacher des choses me concernant. Depuis le début, tu agis comme si nous nous étions déjà rencontrés auparavant. Tu peux m'expliquer ?

Il écarquilla les yeux et perdit un peu de ses couleurs.

- Mais t'es dingue, ou quoi ? Qu'est-ce qui te fait dire ça !?

- Tes réactions. Vos réactions à tous ! Et vos phrases pleines de sens cachés et de sous entendus.

J'inspirai pour me calmer.

- Je n'ai rien dit parce que nous avions une affaire à boucler. Mais maintenant, je veux savoir. Pourquoi Charles ne m'a pas crue lorsque je lui ai affirmé ne pas te connaître, la première fois que l'on s'est rencontrés toi et moi ?

Charles m'avait par la suite lancé sa fameuse phrase me priant de faire attention avec ce « sans pitié » d'Ezio.

Je décidai néanmoins de ne pas révéler ce détail pour le moment.

- Pourquoi tu n'irais pas le lui demander directement, hein ? Et arrête de me casser les pieds !

Il me dépassa et lança la fleur qui atterrit sur le clavier.

S'il pensait que j'allais lâcher l'affaire aussi facilement, il se mettait le doigt dans l'œil.

- J'en ai aussi ras le bol de tes sautes d'humeur, crachai-je. Un coup tu plaisantes et l'instant d'après, tu sors de tes gonds. Un moment tu veux m'embrasser et...

Je m'interrompis.

Quelle idiote !

- Je t'en prie, continue. Tu m'intéresses.

Son sourire était de retour, confirmant ainsi mes paroles.

Poussant un profond soupir, je me détournai de lui et m'installai à mon bureau.

Il était tellement... lunatique.

- Tu ne peux pas juste te comporter comme une personne normale ? fis-je.

Il mit ses mains sur le bureau et se pencha dans ma direction.

- Une personne normale ?

Il garda le silence, songeur.

- Je ne pense pas qu'on m'ait jamais appris à être normal...

Qu'étais-je censée faire de cette fumée de non-dits derrière laquelle il se cachait ?

Certes, je n'étais pas tenue de connaître toute sa vie, mais tout de même, à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, il me déroutait.

- Tu n'arranges pas les choses, à dire des choses pareilles.

J'ouvris un tiroir et y balançai la fleur, avant de refermer d'un geste rageur.

Le bruit métallique se répercuta contre les murs de la pièce pratiquement vide.

Ezio s'était assis sur la chaise, de l'autre côté.

- Voilà ce que je te propose, commença-t-il.

Il prit le cadre photo posé sur mon bureau, avant que je ne puisse l'en empêcher.

- Désormais, je répondrai à toutes les questions que tu me poseras...

Mes yeux ne quittaient pas ses mains.

- Mais tu devras faire pareil.

Il observait toujours la photo de mes parents, ma sœur et moi, prise l'année de mes quinze ans.

L'idée de dévoiler l'histoire morcelée de ma vie ne m'enchantait pas des masses, mais la vision des petites cicatrices tapissant ses mains, suffit à me faire prendre une décision.

Je ne pouvais refuser pareille offre.

- Marché conclu.

M'offrant un sourire de mauvais augure, il reposa le cadre, puis jeta un coup d'œil à la montre attachée à son poignet gauche.

- Ça te dit de rendre une petite visite à un dealer ?

À Crocs T1 Le Sort Brisé [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant