Le secret du Cosmos

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Un bouquet de fleurs à la main, elle poussa la grille faite de métal trempé. Les barreaux étaient d'une couleur sombre, froide, comme l'était son cœur. Ses ténèbres étaient tourmentées, presque torsadées de plusieurs nuances, de plusieurs teintes de couleur. Edéa marcha sur quelques mètres dans le sable orangé avant d'atteindre l'extrémité du chemin pour virer vers la gauche. Vêtue de noire, le sourire effacé, les traits tirés, elle dégageait une aura grave, obscure, morose.

Face à une pierre aux couleurs brique, elle s'accroupit lentement. Elle releva ses lunettes noires sur le dessus de sa tête. Ses prunelles ambre fixèrent l'épitaphe de la tombe. « A mon frère bien aimé. Puisse les étoiles t'accompagner vers un horizon sans fin, où tu pourras accomplir ta destinée. ».

Elle approcha sa main et balaya la poussière qui s'était accumulée sur la sépulture. A la vue de son nom, un léger rictus se dessina sur son visage, caché derrière un masque noir lui couvrant la bouche et le nez. Les souvenirs refaisaient surface. Elle pouvait entendre sa voix, son rire, ses railleries, ses mots pour la réconforter. Un fragment de souvenir si précieux qu'elle chérissait chaque jour depuis sa disparition. Son doigt accompagna chaque lettre pour former son prénom et son nom de famille : « Yzil Avarela ». Ces mots resonnèrent à nouveau dans son cœur, comme une pulsion électrique à travers tout son corps, comme si ces quelques lettres assemblées l'aidaient à revenir à la vie.

De l'autre main, elle tenait toujours les fleurs qu'elle avait mis du temps à cultiver sous Terraserra. Edéa se remémorait cette course poursuite dans la serre de ses parents, lorsque la paix régnait dans l'Univers. Les rayons du soleil qui passaient à travers les vitres de la Terraserra. Ces plantes autour desquelles ils avaient tant joué et des réprimandes de sa mère à force de faire tomber tous les outils de jardinage. Cette douce insouciance, elle regrettait de l'avoir perdue avec le temps...

Yzil était son frère jumeau, tous deux nés le 26 Mars 2094, lors de la pluie de météorite d'Ofreya. Un ballet d'étoiles filantes qui avaient illuminé le firmament, accompagné de Phobos et Deimos dans le ciel. Une naissance accompagnée par tant d'astres célestes. Cela avait été un soulagement sans nom pour leur mère, elle qui avait perdu son mari quelques mois avant leur naissance.

Taliah Avarela, grande diplomate de la République de Mars, avait une grande affinité avec les étoiles et cherchait régulièrement des réponses à ses questions en consultant la voute céleste. Cette communion d'évènements cosmiques était le présage d'une grande fortune, et la marque d'un avenir radieux pour ses deux enfants. C'était sans compter le début de la Grande Guerre...

En 2107, âgée de 15 ans, Edéa se rappelait de cette embrassade volée et si rapide qui avait laissé les jumeaux interloqués sur le perron de leur maison, de leur mère partant à vive allure vers son vaisseau. Dans ses rêves, elle pouvait entendre le bruit intense des réacteurs et revoir ce visage fermé à travers le hublot. Ce visage qui ne respirait ni la joie, ni la confiance habituelle... Dans ses songes, elle cherchait à tout prix à croiser le regard de sa tendre mère, en vain, alors que le véhicule spatial prenait de la hauteur jusqu'à disparaitre dans l'immensité du cosmos.

Elle n'était jamais revenue de sa mission diplomatique. Le soir même, devant l'écran de la télévision, les deux enfants découvrirent qu'ils étaient désormais orphelins. Le premier attentat de l'OIG, l'Organisation pour l'Indépendance Galactique venait de frapper un grand coup en tuant plusieurs diplomates. Parmi les victimes, des Martiens, Terriens et Lunairiens lors d'une grande conférence de Paix sur la SINH, la station intergalactique des nations humaines. Les négociations s'étaient interrompues replongeant le système solaire dans le chaos.

Yzil ne fut plus jamais le même. A partir de ce jour-là, une colère inouïe s'était développée au fond de son cœur. Elle ne reconnaissait plus son frère, quelque chose entre eux s'était cassé depuis ces titres diffusés sur toutes les chaines galactiques. Il n'arrivait pas à gérer la perte de leur mère. Pour se vider la tête, il partait souvent la nuit pour grimper sur le Mont Olympe. Elle ne savait pas trop pourquoi, pour se défouler, pour extérioriser toute cette énergie négative qui flottait autour de lui ? Sans doute...

Recueil de nouvelles | 2018 à 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant