Un cœur meurtrit par les ronces

45 4 0
                                    

La lumière faiblissait tandis que l'obscurité gagnait le ciel. Les nuages s'amoncelaient à une vitesse folle dans l'immensité bleutée des cieux. La tempête guettait le jeune Prince Phillipe. Du haut de son balcon, une femme élégante n'allait pas le laisser s'enfuir si facilement. L'éclair déchira les ténèbres laissant apparaître un regard froid dirigé vers cet homme qui fuyait la Montagne Interdite.

Le tonnerre gronda faisant trembler les fondations du château et les alentours. Le jeune homme se retourna un instant, un bouclier dans la main, une épée dans son fourreau, il n'avait qu'un seul objectif, celui de retrouver sa belle Aurore. Un nouvel éclair illumina le chemin du Prince. Cette fissure divine embrassait le ciel d'une lumière céleste. Dans le dos de la silhouette malfaisante, une ombre à la forme d'un Dragon se dessina sous la puissance de la foudre. Maléfique, tel était son nom. Ses doigts empoignèrent son sceptre plus fermement encore. Son regard se durcit. L'air commença à tourbillonner autour d'elle faisant danser sa longue robe noire. Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration. Maléfique laissa une aura verte émeraude émaner de tout son être. Son sceptre brillait d'un éclat inquiétant. Des traits acérés se sculptèrent sur son visage. Cela n'annonçait rien de bon. Sa fine bouche, maquillée d'un rouge à lèvre carmin, s'ouvrit pour laisser des mots s'unir les uns aux autres. Une incantation maléfique, sinistre et terrifiante...

Qu'une forêt de ronces devienne son tombeau !
Dans un nuage de mort, qu'elle croisse, inextricable !
Assouvi ma vengeance, je la veux implacable !
Que la malédiction règne, autour du château !

Le prince sentit des secousses provenir de la terre. Par réflexe, il s'accroupit au sol. Une forêt était en train de voir le jour. Des entrailles de la terre sortirent des ronces indomptables. Elles suivaient un mouvement vif et imprévisible. Philippe fit éjecter à de nombreuses reprises, se protégeant à l'aide de son bouclier. La poussière devenait abondante et les effets de la malédiction ne s'arrêtèrent pas là. Un nouveau coup de tonnerre retentit. Une première goutte tomba sur le visage du jeune homme, puis une seconde, et c'est une averse diluvienne qui débuta. Trempé jusqu'à la moelle, sa course jusqu'à sa douce se compliquait...

Les bras écartés, Maléfique admirait ce spectacle incroyable. Une forêt de ronces entourait son château. De quoi ralentir le Prince Philippe. Elle se retourna et son regard croisa quatre petites statuettes posées sur une étagère. Elle s'avança vers elles. La lumière du feu de cheminée luisait et permettait de pouvoir discerner les quatre silhouettes. Un corbeau et trois petites fées. Elle caressa du bout du doigt le bec de son partenaire de toujours. Sa bouche se crispa et son regard fusilla les trois autres blocs de pierres. « Cela leur apprendra... Nul ne m'arrêtera ! » marmonna-t-elle avec conviction. En posant ses fins doigts sur la poignée, elle ouvrit la porte en bois. Elle descendit une par une les marches de son château. Depuis le balcon, on pouvait voir sa silhouette s'effacer lentement dans l'entrebâillement de la porte. Le bruit de ses pas diminuèrent petit à petit. Le bout de ses deux cornes disparut dans un silence étouffant et une ambiance obscure...

* * * * * * *

Le prince s'était bien battu. Il laissa un genou tomber au sol. Son cœur se déchira face à l'inéluctable fin. Une fatalité qu'il aurait souhaité déjouer d'un coup d'épée. Le museau du Dragon s'approcha de lui. Une fumée grisâtre s'échappait de ses narines lorsqu'elle expirait. Dans un souffle chaud, les dents acérées laissèrent des flammes vertes jaillir et consumer le jeune homme entouré d'un cimetière de ronces carbonisées.

La pluie ne s'était pas arrêtée et commença à réduire les flammes encore brulantes sur le corps du Prince Philippe. Il n'était plus. Le brouillard se leva et entoura la créature mythologique. L'air vibra autour de Maléfique jusqu'à ce qu'elle regagne sa forme humaine. Sa longue robe noire doublée d'un tissu mauve soyeux reprenait vie, balayée par la puissance de la tempête. Sa coiffe noire, adoubée de deux cornes, la rendait plus menaçante que jamais. Elle s'approcha de la dépouille encore fumante du prince Philippe. Elle ne put s'empêcher de laisser un ricanement échapper, se transformant par la suite en un long rire diabolique qui se diffusa tel un écho sinistre et maléfique. Son regard émeraude se porta vers le nord, là où se trouvait la princesse Aurore et sa famille. Elle allait pouvoir profiter de cette victoire pour faire trembler le royaume.

Recueil de nouvelles | 2018 à 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant