Ferme les yeux et ouvre ton coeur

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Près d'un ilot glacé parcouru d'une végétation gelée, le petit garçon ressentit une secousse semblant indiquer que son bateau venait d'accoster sur cette île de faible superficie. L'hiver soufflait dans les voiles et la neige abondante frigorifiait l'enfant jusqu'à la moelle. Ses cheveux dorés se mouvaient dans tous les sens, emportés par le vent tourbillonnant. La bise l'embrassait, l'entourait, le suppliait de rebrousser chemin au risque de ne plus vivre de lendemain. Le petit garçon n'y prêta pas attention et sortit lentement de son embarcation.

Il mit un pied sur le sable froid, ses sandales s'humidifièrent et ses doigts de pieds se recroquevillèrent d'effroi. Les cheveux dégagés et en bataille, son écharpe voltigeait sous les rafales qui ne disaient rien qui vaille... Un deuxième et ensuite un troisième pas, l'enfant remontait paisiblement la plage. Le sable laissa place à la poudreuse, fine puis compacte après chaque passage de ses bottines. Les arbres se balançaient de gauche à droite projetant leurs ombres menaçantes et leurs branches effrayantes. Le petit garçon n'y prêta pas attention, ignorant sa propre condition.

Un pied devant l'autre, il prenait le temps pour avancer afin de bien apprivoiser son environnement. Lentement recouvert d'une couche de neige, le froid gagnait ses vêtements. Les yeux fermés, transit par cette atmosphère austère, le blond posa sa paume contre son cœur et sentit cette aura brulante. La peine dans le cœur. L'espoir dans le vent. Le sifflement annonciateur d'un changement. Le petit garçon n'avait pourtant pas peur. Le râlement de la végétation mourante lui brisa le cœur. Il sentit que le sol commençait à se transformer en une pente sinueuse. Derrière les vestiges végétaux, derrière ces tristes formes mortes, des silhouettes se dessinaient malgré la tempête si forte, d'étranges animaux. Le petit garçon n'y prêta pas attention et continua sa descension.

Le chemin glissant était fort heureusement à peine pentu ce qui permit au blond de descendre le sentier tout de blanc vêtu. Ses pieds se cognèrent parfois sur quelques pierres dépassant de la terre recouverte. Son écharpe dansait au rythme du vent, tout comme sa tunique, si belle, si fine, si verte. Il s'arrêta un instant en constatant qu'un obstacle semblait lui barrer la route. L'enfant posa la main sur l'écorce morte de ce qui aurait pu être un arbre majestueux. Il fronça les sourcils quelques instants et décida de le contourner. Le blizzard s'apparentait à un voile mystérieux et opalin. Un nuage irisé qui semblait décidé à l'empêcher de trouver le bon chemin. Le petit garçon n'y prêta pas attention et poursuivit son expédition.

Après quelques minutes, la descente le mena à une vaste clairière d'herbes blanchies par la neige. Les arbres abattus tout autour, rongés par le froid, semblaient avoir succombés à un bien étrange sortilège. Les cristaux virevoltaient autour du petit garçon qui s'était figé au centre de la clairière. Il posa sa main contre sa poitrine. Le blond inspira profondément par les narines. Un battement de cœur, une impulsion divine. Un appel, un écho qui semblait n'avoir aucune origine. Sans s'en rendre compte, les étranges créatures s'étaient rapprochées de lui. Cachés derrière le balai des flocons, il ne remarqua pas que tout doucement venait la nuit. Le petit garçon n'y prêta pas attention, il écouta son cœur et son âme, battant à l'unisson.

La petite île semblait être mystérieusement grande. Des souvenirs lui revinrent sur cette fameuse légende : « Lorsque la nuit emportera le monde, lorsque la terre deviendra inféconde, avant que le soleil s'éteigne et ne tombe, avant que les nuages ne déversent leurs eaux en trombes, l'écho de la Vie ne tardera pas à se transformer en une onde, attendant que quelqu'un lui réponde. » L'enfant redressa la tête se demandant s'il était au bon endroit, si cet appel lui était bien destiné, s'il avait bien fait d'écouter cette voix. Les ombres étranges continuaient de suivre le garçon, celui qui pourrait-on croire dérange. Ces créatures mystiques épiaient les moindres mouvements du petit être à l'écharpe orange. Une branche se craqua sous le poids d'un des suiveurs. Ils s'immobilisèrent, presque en sueur. Mais le petit garçon n'y prêta pas attention, ce bruit n'ayant pas perturbé sa mission.

Recueil de nouvelles | 2018 à 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant