Sur les marches du temple

11 4 0
                                    

Comme chaque jour, j'étais sorti et je m'étais planté sur les marches du temple, au beau milieu du passage vers l'édifice. J'étais trempé, sans parapluie ni protection. J'avais attendu un signe, en vain. J'avais les membres engourdis et le ciel ne s'était pas éclairci, cette fois-ci encore. Les yeux rivés vers le gris infini, je tentais de discerner un rayon de soleil dans cette tempête frigorifiante. Les bourrasques étaient accompagnées de coups de tonnerre brusques qui illuminaient ma solitude couverte par un voile couleur nuit noire.

Savais-tu que je t'attendais ici, sur cet escalier, vestige de notre histoire, de ce lien qui nous avait uni jusqu'à présent ? Ton absence était une torture et ton silence me brisait le cœur. Les bras autour de mes jambes, recroquevillé, je gardais espoir malgré tout. Chaque matin, chaque après-midi, chaque soir, je guettais un signe ou peut-être un éclat pour être plus précis. Je perdais la notion du temps et je tentais de retrouver ces morceaux de nous, cassés, brisés.

Je faisais la manche auprès des pèlerins, cherchant ta silhouette, ton visage, ton timbre de voix, tes mots. En réalité, je voulais m'enfuir d'ici, m'envoler et te retrouver. Mais avec quelle paire d'ailes ? Je me sentais étouffé, écrasé par le sentiment de culpabilité, incapable de pouvoir bouger de ces marches. Était-ce ma faute si tu n'étais plus là ? Était-ce une punition d'être privé de toi ? Même ces questions n'avaient pas de réponses... Confronté à la confusion, au silence toujours plus grand, plus long, je ne faisais que rêver comme pour m'échapper de cet enfer dans lequel je m'étais retrouvé. Parfois, j'avais l'impression de te retrouver. Parfois, les mots s'enchainaient comme si tu n'étais jamais partie. Parfois, la froideur se mêlait à mon isolement comme si je n'avais jamais été personne pour toi. Parfois, je me retrouvais simplement perdu. Rêver était mon unique espérance tout en continuant mon errance.

Toutes ces ombres qui tourbillonnaient autour de moi, comme si elles incarnaient notre histoire, comme les traces de notre vestige commun. Ces souvenirs de nos conversations, de ces rires jusqu'à pas d'heures me permettaient de noyer mon cœur et saouler mes peines. Ils m'aidaient à essayer de passer outre, de continuer à prier pour des journées meilleures, à souhaiter qu'un renouveau puisse voir le jour dans ce monde aux plaintes éternelles. Cette lutte contre ton manque se transformait en un défi que je devais affronter quotidiennement, sans répit. Je me sentais si seul, confronté à cet abandon silencieux et étouffé par les questions.

Coincé sur ces marches inégales, les traces écarlates racontaient toutes mes tentatives pour remonter ces escaliers pour atteindre notre temple. Personne n'était là pour me tenir ou me retenir. Alors, j'essayais encore et encore, je grimpais à quatre pattes, mais chaque chute était de plus en plus terrible. Chaque tentative se concluait en des marches qui s'effondraient sur elles-mêmes, marquées du sang de mes mains et mes genoux écorchés ; en des ombres qui me tiraient en arrière, entourant mon corps de bras ébène et légèrement transparents. Fatigué, parfois, j'ignorais même si je pleurais vraiment ou si c'était la pluie qui roulait sur mes joues...

Je donnais tout pour qu'on puisse se retrouver et malgré tout, je finissais un moment où l'autre par devoir attendre indéfiniment sur ces escaliers. Tout ce que je pouvais faire c'était observer les nuages furieux, espérant, un jour, une accalmie. Parfois, je regardais le temple et je me disais à quel point il était magnifique, qu'il était beau et désormais devenu inaccessible. Portes closes, serrures et chaînes tout autour, tout semblait me confirmer que rien ne pourrait redevenir comme avant. Personne ne semblait vouloir y accéder, uniquement moi.

De temps en temps, j'avais l'impression d'être coincé dans une scène de cinéma, celle où la personne reste assise et que le monde entier autour de lui continue de bouger, sans se soucier d'elle. Notre temps s'était figé comme emporté par des glaces éternelles. J'aurais voulu tout brûler, tout faire fondre pour que tout ce qui nous séparait nous rapproche enfin. Ce monde était devenu étrange, coincé dans cette imperceptible bulle, j'avais l'impression de me battre seul et de tout donner à cœur perdu. J'essayais de m'améliorer, de devenir parfait pour te donner une raison de revenir. Mais savais-tu qu'essayer constamment d'être parfait, c'est épuisant ? Alors, je ne pouvais pas m'empêcher d'hurler à la fin de la nuit, comme si ce cri me permettait de libérer toute ma peine et d'extraire ce qui me rongeait de l'intérieur.

Recueil de nouvelles | 2018 à 2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant