Chapitre 5 - 2 : Les abandonnés (Alphonse)

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Frustré, rassuré et inquiet en même temps après cette conversation, je ne remarquai pas tout de suite la présence de Winry qui était revenue dans le couloir.

- Ça va ? demanda-t-elle simplement, me faisant sursauter.

- ... Je ne sais pas si je m'habituerais un jour à cette idée, répondis-je, simplement en m'adossant au mur à côté d'elle.

- A Edward, ou à toi ?

- Les deux. Ce n'est pas le genre de choses qui ont le droit de changer.

- Il y a un principe alchimique qui dit ça ?

- Non. Mais il faudrait, grommelai-je.

Elle aussi, elle avait grandi sans moi. En la voyant, presque adulte, alors que je n'étais encore qu'un enfant, je me sentais pris de rage. Nous avions presque la même taille dans mes souvenirs, et maintenant, elle me dominait de presque une tête. Elle était devenue tellement jolie, et moi tellement ridicule. C'était vexant. Je voulais devenir adulte le plus vite possible, et que les gens arrêtent de me regarder de haut, avec cette pointe de tristesse qui me donnait envie de hurler.

- Il est énervant, hein ? murmura Winry.

Je tournais la tête vers elle, surpris par sa remarque.

-Le Fullmetal Alchemist, le plus jeune Alchimiste d'État, un véritable justicier qui se bat contre les ennemis les plus effrayants et affronte les pires horreurs... Mais qui laisse derrière lui sa famille et a peur de se livrer aux autres.

- Il n'a pas...

- Tu sais combien de fois vous êtes revenus à Resembool depuis que je lui ai posé ses automails ? Combien de fois il a téléphoné ?

- Non... je ne me souviens pas, tu sais bien, fis-je d'un ton contrit.

- Du jour où Ed est officiellement devenu Alchimiste d'Etat, vous êtes rentrés trois fois. Et il a téléphoné deux fois. Pinako et moi, nous n'avons pas reçu une seule lettre en trois ans.

En entendant le ton avec lequel elle avait annoncé ça, je sentais à quel point ça l'avait blessée. Et je me sentais mal en me disant que j'avais été tout aussi coupable, même si je ne m'en souvenais pas.

-C'est bête, mais qu'il ait téléphoné ce soir, même s'il a failli réveiller Elysia, ça m'a fait plaisir. Même si c'était parce qu'il voulait te parler, à toi, on a pu échanger quelques mots. C'est un luxe que je n'ai pas souvent.

Elle haussa les épaules en regardant le plafond, son regard démentant son sourire tandis qu'elle ajoutait une phrase qui me frappa.

- Après, tout, j'ai toujours su qu'il n'y avait pas de place pour moi entre deux frères soudés comme vous.

J'ouvris la bouche pour répondre, et me mordis la lèvre. Je pouvais toujours lui dire à quel point elle avait tort, je savais bien qu'elle avait toujours été avec nous, et pourtant, toujours à l'écart. Cela tenait à pas grand-chose, si elle n'avait pas été une fille, si elle s'était essayée à l'alchimie aussi... Mais le résultat était là, elle se sentait exclue, un peu abandonnée. Elle avait sûrement été amoureuse d'Edward.

Peut-être était-ce toujours le cas.

Me voilà jaloux, pensai-je, le regard vissé sur mes chaussures. Encore.

- J'espère qu'Elysia ne va pas faire de cauchemars cette nuit.

- Ça serait la première fois depuis l'enterrement de son père... murmurai-je.

- J'ai tellement honte.

- Moi aussi.

- Elle est trop petite pour vraiment comprendre.

- Je sais.

A chaque fois que l'enterrement de Maes Hugues me revenait en tête, les souvenirs de la mort de ma mère s'y mélangeaient. J'avais pleuré silencieusement en entendant les cris déchirant d'Elysia, j'avais eu tellement envie de serrer dans mes bras les morceaux éclatés de cette petite famille que je connaissais depuis peu et qui m'avait accueilli comme si j'étais là depuis toujours. 

L'image du cercueil descendant dans la fosse, la terre noire et riche qui recouvrait le bois chaud au fur et à mesure des pelletées, et même le temps gris, le vent d'une journée qui avait oublié l'été, tout cela s'était gravé dans ma mémoire et tournait dans ma tête chaque nuit. Chaque nuit, les pleurs de la fillette me réveillaient et me rappelait la douleur que j'avais ressentie à la mort de ma mère, le vide qu'elle laissait encore aujourd'hui.

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Et voilà, un nouveau chapitre est arrivé ! Celui-ci est plus court que les précédents et un peu mélancolique, j'espère qu'il ne vous déprimera pas trop (je sais que la mort de Hugues est un sujet sensible). Si l'histoire vous plaît, ou que vous avez des questions sur la chronologie des événements, n'hésitez pas à demander, je mors pas ! ;) 

Sur ce, je vous dit à mercredi pour la suite ! ^^

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant