Chapitre 4 - 6 : Découvrir une alliée (Edward)

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- Dis-donc, gamin, qu'est-ce que tu fiches là ? grogna le militaire qui gardait l'entrée du quartier général de Lacosta. Ce bâtiment est réservé aux membres de l'armée, tu ferais mieux de déguerpir avant d'avoir des problèmes.

Je le toisai d'un regard noir en glissant la main dans ma poche. Il fit un pas vers moi, vaguement menaçant, et je remarquai qu'il avait déjà la main sur son arme. S'il pensait avoir affaire à un simple enfant, il était inutilement menaçant ; s'il savait qui j'étais, il était juste stupide. Je sortis ma montre d'Alchimiste d'État portant le blason d'Amestris, la preuve que j'étais membre de l'armée. Il s'arrêta, hésitant face à se symbole d'autorité, mais ne semblait pas encore tout à fait sûr de vouloir me laisser passer pour autant.

- Vous savez que je suis suffisamment gradé pour vous virer sans préavis ? demandai-je d'un ton tranquille, penchant la tête légèrement de côté. Vous feriez mieux de me laisser passer sans faire plus d'histoires.

Le calme imperturbable dont je faisais preuve acheva de le désarçonner,et il recula pour me laisser passer sans réussir à dissimuler son aversion. J'entrai dans le bâtiment privé, levant les yeux vers les hauts plafonds.

Le quartier général de Lacosta était infiniment plus petit que celui d'East-city, sans parler de celui de Central, mais les bâtiments étaient bien plus beaux que ceux dont j'avais l'habitude. Des plafonds ornés de fresques, des moulures dorées, des portes de bois sculptées... Tout était rutilant, parfaitement entretenu.

Ils n'ont pas du se faire attaquer souvent ici, pensai-je en observant les lieux. Les fenêtres étaient immenses, elles faisaient plus de trois mètres de haut, et les rayons de soleil éclaboussaient les parquets de lumière malgré les rideaux en voile. Les portes étaient richement décorées, pour certaines ornées de haut-reliefs... Tout cela était magnifique, mais en terme de défense, c'était à peine mieux qu'un château de cartes.

Je repensai à l'homme à l'entrée. Il semblait bien qu'on craignait davantage des fouineurs que des attaques à main armée. Cela me conforta dans l'idée que l'armée avait sans doute quelque chose à cacher. Cette chose que je devais dénicher.

Une femme, sans doute simple secrétaire si on se référait à ses galons et au fait qu'elle portait une jupe, arpentait le couloir dans ma direction, le nez dans des dossiers, l'air affairé. Ce n'est en qu'arrivant à ma hauteur qu'elle remarqua ma présence. Elle eut comme un sursaut, manifestement surprise de me trouver là.

- Bonjour, fis-je aimablement. Puis-je rencontrer votre supérieur ?

- Je... qui êtes-vous ?

- Le Fullmetal Alchemist, répondis-je avec un sourire.

Elle me jaugea quelques secondes, se demandant peut-être si c'était une mauvaise blague, mais n'osa pas me remettre en cause. Elle serra donc ses dossiers contre sa poitrine d'un air un peu inquiet et me fit signe de la suivre.

Je marchais derrière elle, observant sa silhouette toute fine. Ses cheveux châtains et ondulés étaient remontés dans un chignon délicat, elle était maquillée, les ongles vernis, et portait des chaussures noires à haut talons. Elle m'inspirait la même impression de fragilité sauvage qu'une biche, prête à détaler au moindre craquement. Comment s'était-elle retrouvée dans l'armée, c'était la première question qui me venait à l'esprit. 

Je repensais à Riza Hawkeye ou Maria Ross. Le peu de femmes que j'avais vu porter l'uniforme avaient toutes une aura particulière et un caractère affirmé. Jamais je n'en avais discuté avec elles, nous n'étions pas assez proches pour cela, mais je savais qu'elles défendaient leur place bec et ongles et combattaient aussi bien que les hommes. Elle, en revanche... elle donnait l'impression de ne jamais avoir tenu une arme dans ses mains.

- Depuis combien de temps êtes-vous dans l'armée ? demandai-je d'un ton badin.

- Cela fait un mois et demi, avoua-t-elle.

Je vois. C'est une bleue.

- Vous vous y plaisez ?

- Dire que je m'y plais, hé bien, soupira-t-elle avec un sourire un peu désabusé. Je sais que je n'ai rien d'une combattante, mais mon père m'y a fait rentrer, et travailler comme secrétaire est tout de même à ma portée. Il n'aurait pas voulu que je devienne serveuse, strip-teaseuse ou...

- Je vois ce que vous voulez dire, répondis-je à sa phrase laissée en suspens. Si vous aviez eu le choix, vous auriez voulu faire quoi comme métier ?

- Être libraire, ou bibliothécaire m'aurait bien plu. Mais ici les perspectives sont assez limitées... et j'avoue avoir trop peur pour partir seule dans une autre ville.

Je hochai la tête, songeur. Naître femme à Lacosta, ça n'était vraiment pas un cadeau.

Comme nous arrivions à hauteur d'une porte, elle leva la main et frappa trois coups secs, trouvant par miracle une surface non sculptée sur celle-ci.

- Quoi ? grogna une voix d'homme peu aimable.

- Un visiteur voudrait vous rencontrer, annonça la jeune femme aussi fermement que le permettait sa voix fluette.

- Et il ne peux pas attendre ?

- Je ne pense pas, non, répondit-elle en me jetant un coup d'œil.

Il y eu un grommellement, des bruits de pas, et la porte s'ouvrit brutalement, laissant voir un homme ventripotent qui avait abandonné sa veste d'uniforme sur une chaise, sans doute à cause de la chaleur. J'eus le temps d'entrevoir un billard sur lequel se penchaient deux militaires qui n'avaient pas cessé leur discussion, un canapé dans lequel trois autres s'étaient vautrées en discutant, ainsi qu'une table basse sur laquelle se trouvaient un cendrier, une carafe, un bol dans lequel flottaient quelques glaçons à moitié fondus, et une demi-douzaine de verres plus ou moins remplis. Ils étaient six ou sept dans la pièce, la plupart avaient quitté leur veste d'uniforme qui traînait sur une chaise, voire par terre, et discutaient sans m'adresser le moindre regard, trop occupés à ne rien faire.

- Juliet, tu sais bien que j'aime pas être dérangé quand je travaille, j'espère que c'est important, grommela l'homme en nous toisant d'un air méprisant.

- Bonjour, je suis le Fullmetal Alchemist, j'ai été envoyé par le Quartier Général Est pour faire un rapport détaillé sur la situation à Lacosta, répondis-je en lui montrant ma montre avec un sourire presque carnassier.

L'homme blêmit en voyant l'insigne, et toutes les conversations derrière lui s'évanouirent dans un silence inquiet. Ceux qui étaient jusque-là vautrés dans le canapé se levèrent précipitamment en essayant de remettre discrètement leur chemise dans leur pantalon, ceux qui étaient en pleine partie cachèrent maladroitement leurs queues de billard derrière eux comme des enfants pris en faute. Tous se suspendirent à mes lèvres.

Je penchai légèrement la tête de côté en les scrutant un a un d'un air attentif. Comme ils n'avaient pas leur veste, je ne pouvais pas connaître leur position dans l'armée, mais je supposai que c'était plutôt des hommes hauts gradés qui se retrouvaient entre eux pour une petite «réunion». J'avais du mal à dissimuler ma stupéfaction face à tant de laisser-aller, à East-city, ils auraient été mis à pied pour moins que ça. Mais manifestement, ils en avaient conscience. Ils avaient peur. Si je faisais un rapport sur ce que je venais de voir, c'était déjà largement suffisant pour que leur monde s'effondre. Ils le savaient et attendaient fébrilement que j'ouvre la bouche pour connaître la nature de leur punition.

- Vous pouvez disposer, Juliet, fis-je, confiant en mon autorité.

Elle se pencha légèrement dans un semblant de courbette, avant de quitter la pièce en fermant soigneusement derrière elle. L'espace d'un instant, je croisai ses yeux ou brillait un éclat admiratif mêlé d'espoir, et je compris qu'elle comptait sur moi, d'une manière ou d'une autre, pour changer la situation. Parfois, un regard vaut mille mots.

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Petite expédition au QG de Lacosta pour ce lundi. D'après vous, comment Edward va-t-il réagir envers les militaires ?  Vous le saurez au prochain chapitre, mecredi prochain !  

N'hésitez pas commenter/voter si cette histoire vous plaît, ça donne toujours du cœur à l'ouvrage. <3 

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant