- J'ai. Un corps. De fille, avais-je marmonné d'une voix hachée.Mes mains, posées sur mes genoux, étaient serrées à s'en blanchir les jointures, mes joues me brûlaient, et je sentais mon cœur battre contre mes côtes comme s'il voulait s'enfuir, la gorge serrée, les yeux piquants. Le silence qui s'était abattu dans la pièce était presque douloureux, on entendait le vent faire claquer le volet de la fenêtre.
- HEIIIIN ? !
Le cri de Roxane résonna comme un écho au choc que j'avais eu quand j'avais découvert ma nouvelle condition, ma nouvelle punition. Quand, en me réveillant dans une chambre d'hôpital, j'avais découvert un corps transformé sous mes draps.
Elle me regarda largement, la bouche bée, remplie d'incompréhension de de surprise. Elle me fixait d'un œil nouveau, cherchant la vérité dans mon visage, ma posture. Sous son regard inquisiteur, je me sentis rougir davantage, alors que je ne pensais pas ça possible. Pire, je me sentais suffoquer, la gorge serrée, écrasé d'une peur qui me dépassait complètement.
- Vraiment ?
- Vraiment, marmonnai-je. J'ai tout l'attirail.
Elle chercha sa chaise à tâtons et s'assit dessus sans détacher son regard.
- Mais alors qui es-tu ? demanda-t-elle tout à trac.
- Je suis Edward Elric, répétai-je.
- Mais Edward, c'est un nom d'homme... Comment... ? Que... ?
- J'ai eu un accident pendant une transmutation, expliquai-je péniblement. J'étais un homme. Il y a un mois encore, j'étais un garçon.
- C'est possible, ça ? !
- Malheureusement, oui.
- Mais, la transmutation humaine, c'est impossible... Non ? fit-elle d'un ton hésitant.
- Ça n'est pas aussi simple que ça, éludai-je.
C'était un sujet sensible. Particulièrement pour moi qui avais tenté de braver l'interdit.
Elle cessa de parler et continua à m'étudier du regard malgré mon embarras. Je ne me voyais pas lui expliquer tous les événements qui m'avaient mené là. C'était une longue histoire, pleine d'erreurs et d'horreurs, ce n'était pas le genre de choses que je voulais partager avec quelqu'un que je connaissais depuis si peu de temps. C'est d'une voix plus fragile que je repris la parole.
- C'est un secret.
- Je m'en doute, lança-t-elle comme si ça lui paraissait tellement évident que ma remarque n'avait pas de sens. Ce que je me demande, en fait, c'est pourquoi tu me le dis, à moi, avoua-t-elle en me regardant avec une expression indéchiffrable.
- Tu m'as fait confiance, tu m'as logé, tu prends des risques avec moi sans me connaître.
- Toi aussi, tu prends des risques, non ?
- C'est mon travail, de prendre des risques. C'est ma vie, même.
- Alors tu veux dire, que tu serais prêt à t'habiller en fille... Pour servir d'appât ?
- Si ma véritable identité reste secrète... oui.
Après tout, je l'ai déjà fait une fois.
- Tu n'as pas peur ?
- Je sais me battre, répondis-je brièvement. Et je maîtrise l'Alchimie à un haut niveau. Et toi ?
- Je vis avec la peur au ventre depuis tellement longtemps que je me suis habituée.
Le regard que nous échangeâmes à ce moment-là nous lia comme un pacte. Nous avions un objectif commun, et nous avions des secrets à garder ensemble. La gêne restait présente, lancinante comme une blessure, mais j'avais l'impression que je pourrais m'y habituer, comme je m'y étais habituée petit à petit avec Al et Winry. Elle ne m'avait pas foutu dehors, elle ne s'était pas moquée de moi. C'était quand même un sacré soulagement.
- Bon, par contre, il va falloir que tu me montres ce que tu vaux comme fille, fit-elle remarquer.
- Comment ça ?
- Est-ce que tu sais porter des talons ? Te tenir bien ? Te maquiller ? Minauder pour draguer ? Ta taille de soutien-gorge ?
- BIEN SÛR QUE NON ! ! tempêtai-je en rougissant de nouveau. COMMENT JE SAURAIS TOUT CA ?!
- Je m'en doutais... Tu vas avoir besoin d'entraînement.
- Ah... euh... et...
- Oui ? fit la rousse, qui avait calé son menton dans la paume de sa main et fronçait les sourcils en réfléchissant déjà intensément à la manière de faire de moi quelqu'un d'autre.
- ... J'ai des automails, aussi, lâchai-je du bout des lèvres. Un bras et une jambe.
- ... T'es pas simple, toi, soupira-t-elle avec une expression blasée qui semblait dire « Bah, on en est plus à ça près ». Déjà, commence par montrer à quoi tu ressembles en tant que fille.
- Hein ? Comment ça ?
- Allez, désape-toi !
- Mais qu'est-ce que tu fais ? Attends ! Hééééé ! Lâche-moi, je préfère encore le faire moi-même !
C'est ainsi que commença une des semaines les plus infernales de ma vie.
oOo
Il m'avait été pénible d'enlever mon bandage pour laisser apparaître ma poitrine, saillant sous mon débardeur. J'avais beau avoir gardé mes vêtements quand je me présentais à Roxane, j'avais l'impression d'être nu en sentant le souffle d'un courant d'air sur mes épaules, et la sensation de ne pas avoir le torse enserré par des bandages était devenue si inhabituelle qu'elle en était presque gênante.
Mais la vérité, c'est que cette épreuve n'allait être que la première d'un long chemin de croix.
Elle mesura ma poitrine pour en estimer la taille, détacha mes cheveux, me fit enfiler une de ses robes dans laquelle le flottais complètement, et me fit marcher dans la pièce, en long, en large, en travers, avec des chaussures à talons trop grandes dans lesquelles je peinais à ne pas me tordre la cheville, et en me faisant subir une déferlante d'instructions pour parfaire le tout. Les pieds en dedans, rentrer plus les genoux, faire des petits pas, mais avoir l'air naturel, ne pas serrer les poings, pousser sa voix pour qu'elle soit un peu plus aiguë, ne pas parler trop fort, parler de soi au féminin...
Les ordres glissaient sur moi sans m'atteindre, je regrettais déjà de m'être lancé dans cette mascarade et je n'arrivais plus vraiment à être attentif tant ces instructions me paraissaient absurdes. Toute la nuit s'était écoulée de la sorte, et quand elle était sortie, je m'étais affalé sur son lit avec le sentiment d'être particulièrement ridicule, attifé en dépit du bon sens, et me sentis envahi par une question inquiétante : Comment faisait-elle pour dépenser autant d'énergie et en avoir encore ?
%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\%\
Nouveau chapitre, on retrouve le point de vue d'Edward, et il n'est pas sortie de l'auberge ! La suite sera de retour Lundi (normalement *tousse très fort*)
VOUS LISEZ
Bras de fer, Gant de velours - Première partie : Lacosta
FanficEdward Elric est envoyé en mission à Lacosta, près de la frontière sud, pour une mission qui s'annonce particulièrement épineuse... séparé de son frère et secoué par les derniers événements, saura-t-il maîtriser la situation et se trouver des alliés...