Chapitre 11 - 2 : Plus qu'une première (Edward)

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Le repas continuait entre discussions et rire, me laissant silencieux et vaguement morose.

- Hey, hey, hey ! interrompit soudainement Laure, couvrant la chamaillerie qui opposait Katalyn et Flora. Vous entendez ?

- Rolling in the deep !

Aussitôt, les filles bondirent de leur place, la plus proche de la radio poussa le son, au point que la musique à fond fasse trembler les murs de la pièce. D'abord des cordes qu'on grattait, puis la voix, enfin, la batterie et le piano, et avant que je comprenne exactement ce qui se passait, je me retrouvai seul à table, la fourchette à la main, alors que la pièces'était soudainement transformée en boite de nuit. 

Les filles étaient en train de claquer des mains autour de moi, chantant les paroles avec un enthousiasme débordant et se déhanchant dans le désordre le plus total. La musique résonnait, faisant trembler ma cage thoracique au moindre coup, me plongeant dans un état inconnu. Je n'avais jamais entendu de musique pareille. Quels étaient ces instruments, d'où venait cette voix ?

Chaque syllabe enflait dans mon esprit, prenant toute la place, m'interdisant de penser, et quand Katalyn et Roxane m'attrapèrent chacune une main pour que vienne danser avec elles, je n'opposai aucune résistance. Roxane chantait à pleins poumons, donnant sa pleine mesure, toute la pièce vivait au rythme de sa voix, et moi aussi. La rouquine se mit face à moi, et sans vraiment réaliser que je m'étais mis à danser, je me retrouvais les mains sur ses épaules alors qu'elle me tenait la taille d'une main en ondulant au rythme de la mélodie, les yeux pétillants. 

Je me sentais comme ivre de musique, détaché de la réalité, et un sourire dévora mon visage, rempli par un bonheur tout à fait nouveau. Faute de savoir les paroles de cette chanson, je fredonnais la mélodie, fermant les yeux et me laissant porter au rythme des tambours. Roxane m'avait lâchée, je flottais, j'avais l'impression de me déployer, et...

La musique s'arrêta, et je me sentis fauché en plein vol. Je me figeai, surpris, titubai maladroitement, et mon enthousiasme disparut brutalement, remplacé par une honte brûlante. Danser en impro au milieu de professionnelles alors que je n'y connaissais rien... qu'est-ce qui m'était passé par la tête pour faire un truc aussi ridicule ? 

Pour le coup, tout le monde allait se foutre de moi après ça, j'en étais sûr. Je pouvais d'ores et déjà me transmuter une pelle et aller m'enterrer dans coin obscur ou personne ne me retrouverait jamais. Pourtant, Roxane avait le sourire et l'œil brillant quand elle m'ébouriffa les cheveux, et les filles autour applaudirent. J'en restais comme deux ronds de flan, me demandant encore si elles se moquaient ouvertement de moi.

- Eh bien, tu vois quand tu te lâches ! s'exclama Katalyn.

- Iris, en fait, tu réfléchis trop quand tu danses. Beaucoup trop !

- Je ne pensais pas que tu pouvais te lâcher comme ça. C'était chouette à voir !

- Oui, pour une bécasse inexpérimentée, tu es plutôt surprenante, commenta Carine.

- Qui est une bécasse ? ! m'exclamai-je en rougissant, choisissant d'ignorer le « inexpérimentée » qui était tout à fait juste.

- Ben, toi, répondit-elle sans une once de méchanceté. C'est vrai, tu parles pas, tu t'y connais pas en danse, on se demandait un peu ce que tu foutais là.

- Bah elle remplace Ariane au pied levé, rappela Katalyn.

- Je sais pourquoi on l'a acceptée, ce que je veux dire, c'est que je me demandais pourquoi toi, tu avais eu l'idée absurde de venir ici.

- ... Je peux te taper ? répondis-je avec un sourire plein d'une joyeuse colère, le poing fermé.

Roxane me fusilla du regard, me faisant réaliser mon erreur, mais heureusement, ma réaction provoqua un nouvel éclat de rire.

- Et voilà, Iris révèle sa vraie nature !

- Moi qui pensais que c'était une fille délicate...

- Une fille délicate qui te sort un double salto le plus naturellement du monde, quand même ! Je serais toi, je me méfierais un peu plus.

- Moi je dis, on continue à danser !

- YEAAAAAH ! !

A l'unanimité, tout le monde choisit de laisser refroidir son assiette pour danser ensemble pendant les morceaux suivants, et dans le bouillonnement ambiant, je pus pousser un soupir de soulagement qui passa totalement inaperçu. J'avais de la chance qu'elles ne m'aient pas cherché davantage de noises, ma remarque aurait plu me faire griller. 

Puis je me remémorai les grandes claques dans le dos que m'assénaient quelquefois Roxane, et le souvenir des jets de clefs à molette de Winry acheva de me persuader qu'avoir des côté violents n'étaient pas incompatibles avec le fait d'être une fille. Je pouvais finalement me lâcher un peu plus, pas trop, je savais qu'on moment d'inattention suffirait pour que je sois découvert ; mais un petit peu, assez pour oser discuter avec les filles au lieu d'éluder aussi poliment que possible leurs questions.

Un poids s'était ôté de ma poitrine. J'étais libre. Danser sans contrainte me donnait ce sentiment d'échappée belle que j'avais eu l'impression de ne plus jamais pouvoir connaître. C'était une chose d'apprendre une chorégraphie soigneusement étudiée, c'en était une autre des'agiter et de chahuter pour le simple plaisir de bouger. J'avais l'impression que mes oreilles s'étaient soudainement débouchées, que le monde s'offrait enfin pleinement à moi. 

Jamais je n'avais entendu ce genre de musique qui semblait pourtant couler de source,et cela faisait des années que je ne m'étais pas amusé à ce point. Quand la plage musicale fut interrompue par le début d'une émission, nous nous rassîmes enfin face au repas, les joues roses, et je me rendis compte qu'un simple morceau passant par hasard à la radio avait suffi à résoudre ce problème que je n'avais pas réussi à comprendre. Cette envie d'évasion que me donnait la danse, j'avais eu la chance de pouvoir mettre le doigt dessus. La glace était cassée, et mon moral gonflé à bloc. Ce spectacle, je n'allais en faire qu'une bouchée !

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant