Chapitre 7 - 2 : L'innocence perdue (Winry)

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Après l'appel d'Edward, j'avais pris le premier train pour Central, et j'arrivais dans les couloirs de l'hôpital, bouillonnant d'un mélange de peur et de colère. Je ne parvenais pas à comprendre comment il avait pu mettre ses automails en miettes deux fois de suite. Cette unique vis ne pouvait pas avoir fait autant de dégâts !

- Où est le monstre qui a détruit mon chef d'œuvre en moins de temps qu'il ne m'a fallu pour le construire ? Prépare-toi à subir les flammes de l'enfer ! m'exclamai-je en entrant, ignorant la présence d'autres personnes dans la pièce.

Mes craintes furent vérifiées quand je le vis terré au fond d'un lit d'hôpital. Je sentis le sang refluer de mon visage quand le je vis dans cet état. Ce n'était pas tant les blessures qu'il avait subies, il était tellement casse-cou que ça ne me surprenait plus vraiment. 

Ce n'était pas non plus la présence d'une militaire aux cheveux courts, l'arme au côté, qui me fixait d'un œil attentif non, ce qui m'alertait vraiment, c'était son regard fixe, vidé de toute émotion, et l'apathie dans laquelle il semblait plongé. Je n'avais pas vu ce regard depuis qu'il s'était retrouvé infirme après la transmutation ratée de sa mère. Que s'était-t-il passé pour le mettre dans cet état ?

En m'entendant arriver, il avait tourné la tête vers moi et m'avait adressé un pauvre sourire qui sonnait creux. Je sentis me cœur se serrer violemment, et les derniers restes de colère s'évanouirent.

- Je suis là, murmura-t-il d'une voix rauque, un peu étrange.

- Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? m'exclamai-je, en me précipitant près de lui, les larmes aux yeux. Tu es blessé, et... c'est de la faute de mon automail ? !

- Nonon, ce n'est pas ça, j'ai pris beaucoup de risques, reprit-il d'un ton un peu plus vif, secouant une main face à moi comme pour me calmer. Ce n'est pas de ta faute si...

Il s'arrêta au milieu de sa phrase et se figea, comme débordé par un trop plein qui le terrifiait. Il s'était passé quelque chose, quelque chose de grave. Et comme d'habitude, il allait ne pas m'en parler. Je me sentis irritée par son silence, plus encore que d'habitude. Quelle était la gravité de ses blessures ? L'étendue des travaux à faire ? Qu'est-ce qui le faisait souffrir comme ça ?

Où était Al ?

- Ou est Al ?

- Je suis là, répondit immédiatement une voix d'enfant.

Je tournais la tête, et baissais les yeux, me sentant chanceler. Derrière moi, si discret que je ne l'avais pas remarqué en entrant, il y avait un enfant. Et cet enfant, c'était Alphonse. Il était exactement comme la dernière fois que je l'avais vu en chair et en os, les cheveux châtains et épais poussant naturellement de biais, les yeux grands ouverts, le visage rond. En chair et en os.

L'émotion me laissa chancelante, et je laissai tomber mon sac de voyage, qui s'écrasa au sol dans un fracas de ferraille sans que j'y accorde la moindre attention. Je tentai de marcher vers lui mais mes jambes se dérobèrent sous moi, et je tombai à genoux devant lui, le serrant dans mes bras, incapable de retenir mes larmes.

- ... Winry ? fit-il d'un ton hésitant.

En entendant la voix fluette d'Alphonse, je m'essuyai les yeux et m'écartai pour le regarder plus attentivement. Dans ses yeux à la couleur subtile, je lus une perplexité qui fit naître un sentiment inconfortable. Quelque chose n'allait pas. Je réalisai que bien qu'étant à genoux et lui debout, il n'avait pas tellement besoin de se pencher pour me voir. Il était beaucoup trop petit, ce n'était pas normal. La conclusion logique s'imposa dans mon esprit de manière brutale.

Il a le même âge... Il a le même âge que quand il a disparu.

Est-ce qu'il a tout oublié ?

Est-ce qu'il a vécu ces quatre dernières années ?

Les questions se bousculaient dans ma tête, mais je choisis de les chasser pour ne pas gâcher les retrouvailles. J'aurais tout le temps après, pour avoir des explications.

- Tu n'as pas changé, fis-je simplement en passant une main dans ses cheveux, contre sa joue, émue malgré tout.

- Toi, tu as changé, Winry, répondit-il simplement, avec une expression un peu gênée et incertaine, confirmant mes craintes. Mais je suis content de te revoir.

Il avait ponctué la fin de sa phrase d'un des sourires plein de douceur dont les deux frères avaient le secret. Je le serrai une nouvelle fois dans mes bras, avec un peu plus de retenue cette fois, et me relevai pour me tourner vers Edward, toujours alité. Nous n'étions plus que tous les trois dans la chambre, sans doute la militaire avait-elle traversé la pièce et fermé la porte derrière elle, nous laissant un peu d'intimité.

- Edward, que s'est-il passé ?

- C'est une longue histoire, et je n'ai pas envie de la raconter maintenant, répondit-il simplement, exprimant toute sa lassitude à travers cette remarque.

- Tu me dois quand même des explications. J'aimerais savoir quel est ton truc pour faire disparaître des automails, comme ça, fis-je en claquant des doigts.

- J'ai fait un rejet, je crois. Il y a eu une transmutation, j'ai cru que j'allais retrouver mes membres, mais ça n'a pas marché, fit-il évasivement. Et quand je me suis réveillé, tout était en miettes.

- Attends... Tu veux dire que les ports de tes automails sont endommagés ? fis-je, blême.

- Je crois bien, oui, marmonna-t-il.

- Montre.

- Hors de question, répondit-il avec un regard de défi, bien plus présent qu'il ne l'avait été depuis le début de notre conversation.

- Montre-les-moi, que je sache ce que j'ai à faire comme travail, fis-je d'une voix grondante, sentant la colère monter en moi.

- Non, pas maintenant en tout cas, répondit-il d'un ton ferme mais nerveux.

- Ne fais pas l'enfant, je viens de Resembool en urgence pour te soigner, il y a des gens qui m'attendent là-bas, je ne vais pas attendre la pleine lune ! Allez !

- NOON ! hurla-t-il tandis que m'escrimais à lui ôter le haut de pyjama qu'il tentait de garder, assez difficilement en l'absence de son bras manquant.

A ce moment-là, je réalisai. Je réalisai que sa voix était plus aiguë que d'habitude, que la fébrilité de ses gestes cachait peut-être autre chose que sa honte d'avoir explosé mes automails. Et surtout, je réalisai que sous ma main plaquée sur son torse se trouvait quelque chose de totalement incongru. Un volume, moelleux, dont je reconnaissais parfaitement la douce chaleur à travers le tissu. Un sein. Il y avait un sein sur le torse d'Edward et étant donné la manière dont son pyjama se déformait, le deuxième était bien là, juste à côté.

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Voici la suite, avec Winry et sa délicatesse légendaire... Le prochain chapitre (qui sortira vendredi) sera l'occasion d'en apprendre un peu plus sur ce qui s'est passé ! En tout cas j'espère que celui-ci vous a plu, je l'ai trouvé particulièrement amusant à écrire ! 😊

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant