Chapitre 8 - 3 : Humiliation (Edward)

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Le lendemain, je me réveillai la tête lourde, les yeux collants et la langue pâteuse. Une fois débarrassé de mon travestissement et du maquillage qui s'était étalé dans la nuit, je me préparai à aller passer la soirée chez Ian Landry.

Il habitait dans un véritable domaine, avec manoir, dépendances, cellier, pigeonnier, écuries, le tout entouré d'un parc immense parcouru par une série de bassins successifs alimentés par un canal parallèle à la Ruade, cette grande rivière qui venait des montagnes du Sud et descendait jusque chez nous, à Rezembool.

Je constatais, sous mes airs innocents, que les serveurs étaient de véritables chiens de garde, très attentifs à défendre les quartiers privés de leur employeur. Je ne pouvais pas l'approcher tant il était entouré par sa cour en permanence, et je me contentai donc d'échanger quelques mots avec les militaires que je connaissais déjà, sans cacher mon admiration pour les lieux somptueux, et explorer les salles autorisées pour en dresser un plan dans mon esprit, et étudier de loin notre ennemi.

Assez grand, il portait une moustache et un bouc impeccablement coupés, ainsi que des cheveux noirs rabattus en arrière. Quelque chose chez lui me rappelait le Colonel Mustang, dans sa manière de se tenir ou ses expressions, ce qui eut le don de m'irriter.

Tous deux étaient sans doute particulièrement manipulateurs, mais la ressemblance s'arrêtait là. Je connaissais assez Mustang pour savoir qu'il possédait une bienveillance, profondément dissimulée, certes, mais dont mon ennemi était manifestement totalement dépourvu. Il y avait quelque chose de félin, de carnassier, même, dans sa manière de se déplacer et d'étudier les autres du regard. Il ne m'avait jeté qu'un coup d'œil négligent lorsque le Commandant m'avait présenté, mais cela avait largement suffit à me mettre mal à l'aise, me donnant l'impression d'être percé à jour. Il se dégageait de lui un mélange d'animalité et d'extrême intelligence.

Je ne m'approchais pas de trop près, mais l'observais aller de conversation en rencontre. C'était assez fascinant de le regarder exercer son pouvoir sur son entourage, de voir à quel point, il pouvait, en une phrase, faire sourire ou blêmir un interlocuteur sans même avoir besoin de le regarder pour deviner sa réaction. En voyant cela, une peur irrationnelle m'étreignit. Comment lutter contre un homme qui tenait dans le creux de sa main tous les notables de la ville, les militaires, les propriétaires, les journalistes ? Mis à part en le prenant la main dans le sac, et en exposant ses magouilles au grand-jour, que pouvais-je faire ? Et même si on y arrivait, est-ce que cela serait suffisant ?

C'est donc assez démoralisé que je rentrais chez Roxane, traversant toute la ville à pied, indifférent à l'atmosphère de liesse des lieux, qui finalement, n'était ni plus ni moins qu'une fuite en avant. L'alcool que j'avais ingéré pendant la soirée me laissait nauséeux, le regard un peu flou. Pas une nuit depuis mon arrivée, je n'avais pu m'endormir en étant vraiment sobre, pas un matin, je n'avais pu me réveiller sans avoir la langue pâteuse et une migraine vrillée au crâne. L'effet anesthésiant de l'alcool ne suffisait pas à faire taire la douleur sourde que j'avais dans le dos, les jambes et les pieds à force de m'entraîner à porter des chaussures à talons aiguille. Les nausées m'obligèrent à m'arrêter pour m'appuyer quelques minutes contre un mur.

- Alors, gamin, on tient pas l'alcool ? s'exclama moqueusement un passant avant de rire aux éclats en continuant son chemin.

- En même temps, j'ai même pas l'âge légal pour en boire, marmonnai-je pour moi-même. Y'a peut-être une raison à cette règle...

J'avais eu l'occasion de constater très régulièrement que personne n'en avait rien à carrer de la légalité de la chose. Personne ne se privait d'une possibilité de se faire du pognon par ici, peu importe le moyen. Un haut-le-cœur plus fort que les autres m'interrompit dans mes pensées pleines d'aigreur, et pendant un instant, je crus vraiment que j'allais vomir en pleine rue, comme un ivrogne ; mais peut-être que j'étais bel et bien devenu un ivrogne.

Je veux rentrer, pensai-je confusément, malade de cette ville, de cette vie qui n'en était pas une. Un sourire amer se dessina sur mon visage. Rentrer où ? Je n'avais plus de maison depuis longtemps. Je restais adossé au mur, écrasé par cette vérité qui me suivait pourtant depuis longtemps, le cœur au bord des lèvres. Mon seul lien avec ma famille, mon frère, ne me connaissait plus vraiment, lui qui avait tout oublié depuis notre transmutation ratée. Comment lui parler alors que quatre longues années nous séparaient d'un fossé infranchissable ?

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L'excès d'alcool est mauvais pour la santé, consommez avec modération et pensez à boire de l'eau pour vous réhydrater.

(Comment ça, je tente de dissimuler mon retard de publication derrière un message du ministère de la santé ? Je ne vois pas de quoi vous parlez 😅)

Blague à part, j'espère que vous aurez apprécié ce chapitre même s'il n'est pas très joyeux 😉. Je vous dis à lundi pour la suite... Enfin, je vais essayer ! XD

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant