Chapitre 5 - 3 : Les abandonnés (Alphonse)

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Les enterrements sont tous les mêmes, au fond, pensai-je simplement. Je me souvenais des mines graves, des yeux rouges, des gorges serrées, des gens qui me regardaient d'un air intrigué, curieux de savoir ce que je faisais aux côtés de Gracia Hugues, tenant Elysia par la main, Winry à ma droite, pendant le cortège funèbre. Je me souvenais d'Edward, regardant ailleurs, se sentant plus coupable que n'importe qui d'autre dans l'assemblée.

Il avait, d'un coup d'alchimie, teint son manteau en noir, et on devinait à peine le motif du caducée peint dans son dos. Il portait tout le poids de celui qui était là, de celui qui aurait pu le sauver. Il devait deviner que des gens allaient venir lui parler avec une sollicitude malsaine, que l'armée allait lui poser mille fois les mêmes questions sur ce qu'il avait vu. 

C'était en boitant encore qu'il s'était approché de Gracia pour poser une main sur son épaule, lui murmurant ses condoléances sans être capable de la regarder en face

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C'était en boitant encore qu'il s'était approché de Gracia pour poser une main sur son épaule, lui murmurant ses condoléances sans être capable de la regarder en face. Et ça m'avait fait mal de le voir comme ça, quand je savais tout ce qu'il avait fait. Son visage était encore écorché du combat qu'il avait livré quelques jours auparavant, et il marchait à pas lents, masquant sa douleur à chaque mouvement.

Alors quand ce Mustang était arrivé à pas vifs près de mon frère et lui avait confié sèchement le dossier de mission de l'armée, peu de temps après la mise en terre, alors que tout le monde était encore devant la tombe, j'avais senti une immense colère déborder de moi. J'aurais voulu serrer Edward dans mes bras et hurler à cet homme aux traits trop lisses que c'était une enflure, qu'il n'avait aucun respect envers son ami mort, que ce n'était ni le lieu ni le moment, et que mon frère convalescent avait autre chose à faire qu'aller mourir en mission à l'autre bout du pays.

Je n'avais pas osé, du haut de mes dix ans, me disputer avec un adulte, mais une femme l'avait fait à ma place. J'avais été soulagé et mal à l'aise à la fois quand je l'avais entendue débiter toutes les horreurs que je pensais du supérieur hiérarchique de mon frère. Avec son visage rond marbré sous le coup de la rage, ses grosses lunettes et ses épais cheveux châtains indisciplinés, elle avait tout d'une personne insignifiante, et son coup d'éclat tellement inattendu ne passa pas inaperçu. Elle était rouge de colère, et avait renoncé à essuyer les larmes qui coulaient de ses yeux, s'étouffant sous l'indignation que lui donnait cette situation. 

Edward avait été très calme quand il lui avait rappelé que le moment était mal venu pour ces discussions, et que Gracia n'avait pas besoin de ça, désamorçant sa colère. Elle s'était excusée d'un ton honteux auprès de la veuve, puis avait quitté précipitamment le cimetière après un dernier regard noir pour le Colonel.

- J'aimerais pouvoir faire quelque chose pour Gracia et Elysia, murmurai-je après avoir quitté ce souvenir douloureux pour retrouver l'instant présent.

- Je crois qu'on ne peut rien faire de plus.

Winry me lança un petit sourire triste, et sans vraiment m'en rendre compte, je frôlais sa main comme pour la serrer dans la mienne, espérant la réconforter au moins un peu.

La porte s'ouvrit à ce moment-là, laissant entrer la jeune mère, qui nous salua d'une voix claire.

- Bonsoir. Tout s'est bien passé ?

- Oui, répondit Winry en s'avançant vers elle. Elysia dort depuis huit heures, jusque-là, elle n'a pas fait de cauchemar.

- Très bien, je suis soulagée, répondit l'adulte en attachant sa veste au portemanteau.

- Et vous, la soirée s'est bien passée ?

- Bien, les filles ont été adorables avec moi, on est allées au cinéma, et à un bon restaurant.

- Très bien.

Je remarquai que si elle était encore fatiguée et que la tristesse n'avait pas disparu de son visage, ses traits étaient un peu moins tirés. Je devinais que la sortie lui avait fait beaucoup de bien, et me sentis fier d'avoir insisté avec Winry pour qu'elle accepte l'invitation.

- Merci beaucoup à vous deux d'avoir gardé Elysia pour la soirée, je n'aurais jamais osé quitter la maison autrement.

- C'était la moindre des choses, répondis-je.

- C'est gentil de votre part, répondit-elle avec son petit sourire élégant. Je vais vous dire bonne nuit, je suis épuisée.

- Dormez bien, fis-je en cœur avec Winry.

- Vous aussi.

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Et voilà, ce chapitre se termine ici, et avec celui-ci, le point de vue d'Alphonse (c'était court, je sais) Si vous avez aimé ce chapitre, n'hésitez pas à lâcher un petit vote ou un commentaire, c'est toujours encourageant ! ^^

En tout cas, on se retrouve vendredi pour un autre point de vue (devinerez-vous lequel ? ;) )


Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant