Chapitre 6 - 2 : Conscience politique (Roxane)

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Je profitai de ma pause de l'après-midi pour passer chez un ami d'Earnest Grant, celui qui avait été mon employé et protecteur pendant des années. Après avoir échangé à demi-mots avec moi sur la douleur d'avoir perdu un être cher, il accepta sans hésitation de me prêter les derniers tirages du journal. Je le remerciai abondamment, et revins à bloc pour jouer mon spectacle du soir.

Il était déjà tard quand je retrouvai enfin Edward pour un compte-rendu de nos recherches. De son côté, il avait bien avancé, s'étant mis dans les bonnes grâces du Commandant du QG. Il était effaré par ce qu'il avait vu, entre la débauche des supérieurs qui déléguaient la quasi-totalité de leur travail à leurs subordonnés et la désorganisation permanente qui régnait sur les lieux.

Il avait aussi de fortes présomptions d'avoir repéré le militaire qui lui avait envoyé le dossier. Il l'avait décrit comme étant une de ces personnalités faibles auxquels personne ne fait attention à part pour s'en moquer. Aussi, il avait été très facile de lui glisser un petit mot en s'asseyant sur son bureau tout en faisant semblant d'ignorer son existence, partageant un rire moqueur avec ses collègues. Quant à savoir s'il allait répondre à l'appel... J'allais devoir attendre le lendemain pour en savoir plus.

- Tiens, Ariane, j'ai pensé à toi hier, commenta Katalyn en attachant l'avant de son serre-taille. Tu veux pas te décolorer les cheveux ? Il paraît que ton Ian a un faible pour les blondes.

- Les vraies blondes, je suppose... Enfin, je vais pas faire ça, qu'est-ce que j'y gagnerais ? Avec le charisme qu'il a, les filles doivent tomber comme des mouches, je ne suis pas sûre d'avoir envie d'être l'une de ses très nombreuses conquêtes...

- Il est si beau que ça ? demandai-je d'un ton faussement perplexe, décidant de prolonger la conversation tout en me maquillant.

- J'oubliais ton absence de goût en matière d'hommes.

- Eh, c'est pas parce que je n'étale pas mes fantasmes aux yeux de tous que je n'ai pas de goûts ! grommelai-je.

- Tu dis ça, t'es quand même sortie avec Tommy.

- Une erreur de jeunesse, ça arrive ! m'exclamai-je en jetant un œil noir à ma voisine.

Impossible d'avoir une discussion suivie avec Ariane, elle aimait trop mettre en boite ses interlocuteurs pour ça. D'ailleurs, je m'étais toujours demandé quels clients masochistes payaient pour subir ses moqueries.

- Bref... il aime les blondes ? D'où tu sors ça ? fis-je en balayant mes joues d'un peu de blush.

- C'est une amie qui a bossé dans un club où il allait souvent, il paraît qu'il laissait des pourboires de malade quand c'était une blonde qui le servait.

- Il aime ce qui est rare, c'est tout, justifia Carine d'un ton blasé.

- C'est vrai qu'il n'y a pas des masses de blondes dans la région, et à Lacosta même, encore moins...

- Il devrait déménager au nord du pays, il en aurait des centaines, là-bas.

- Je pense pas que tu changes de ville juste parce que les filles y sont plus à ton goût...

- Bah, y'a bien des mecs qui viennent de l'autre bout du pays pour visiter les bordels de la ville, alors moi, plus rien ne m'étonne.

- En même temps, dans le reste du pays, les maisons closes sont interdites, alors...

- Tu crois qu'il suffit de les interdire pour qu'il n'y en ait plus ? On ne fait pas disparaître comme ça le plus vieux métier du monde !

Je m'étonnerais toujours de la vitesse à laquelle elles font dévier n'importe quelle conversation sur le cul en trois phrases, pensai-je en mettant mon rouge à lèvres. Mais pour être tout à fait honnête, je m'en fichais. L'image de Cindy m'était revenue en tête. Une jeune fille en fleur, blonde comme les blés.

- Mais j'y pense, tu as déjà dû le voir, Ian Landry... Il est déjà venu ici plus d'une fois !

- Ah bon ? J'ai jamais remarqué ça, avouai-je.

- En même temps, tu ne connais pas sa tête... et puis, quand Madame Britten est là, on sait se tenir, fit Ariane en tirant la langue. Je l'ai déjà servi une fois, et je peux te dire qu'il dégage une de ces auras... Je me ferais bien manger toute crue par cet homme-là ! fit-elle en s'enlaçant elle-même.

Sa remarque et son geste associés me firent monter un frisson dans la nuque.

- Décolore-toi les cheveux alors ! cria Katalyn de l'autre bout de la pièce.

- Trop d'entretien ! répondit-elle tout aussi fort.

- Hey, c'est c'est Jailhouse Rock !

- Monte le son !

Nous avions nos classiques. Quand certaines chansons passaient à la radio, on se retrouvait invariablement à danser le rock toutes ensemble. Quand c'était le cas, je me retrouvais souvent à mener la danse. Ce jour-là, je me retrouvai à danser avec June, entourée de rires. Ce genre de moments de complicité annulait toute la lassitude que je pouvais avoir en discutant avec elles, toute mon aigreur face à leurs défauts.

- Alors, ton enquête ?

- Eh ? fis-je en ratant la passe.

- Tu arrives à quelque chose ?

- On a des pistes, mais c'est encore un peu flou...

- Tu sais, je me suis renseignée de mon côté pour confirmer un doute...Les filles qui ont disparu... Et Fanny Wilder... Elles étaient toutes blondes.

Je rattrapai la passe de justesse, me sentant livide. Je continuai à la faire danser comme pour donner le change. Les filles, trop occupées à s'amuser, n'avaient aucune chance de remarquer notre sérieux.

- Je pense que vous avez affaire à un vrai maniaque. Fais attention à toi.

- ... Merci.

La danse s'acheva, et nous baissâmes aussitôt le son pour reprendre nos préparatifs. Si Madame Britten nous avait vues nous amuser, elle nous aurait passé un savon. Enfin, c'était arrivé plus d'une fois, ça ne nous avait jamais découragé de pousser le son et de célébrer la musique...

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Et voilà, nouveau chapitre. J'espère que vous aurez pu vous enjailler un peu avec cette petite bande de danseuses !

Ici je suis en vacances, option camping dans la pampa, avec un réseau erratique. J'écris et je dessine un peu, je dors beaucoup ! 😅Les vacances, quoi ! (Mais du coup je ne garantis pas la date pour la prochaine maj ^^°)

Comme toujours, n'hésitez pas à voter/commenter si vous avez aimé ce chapitre ! 😉

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant