Chapitre 1 - 4 : Découvrir Lacosta (Edward)

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La chambre était petite, simplement meublée d'un lit, d'une chaise et d'une table où reposaient un miroir piqueté d'humidité, un broc à eau et une vasque. Tout, des planches de bois mal dégauchies des murs aux meubles, était subtilement de guingois. Le matelas déformé par les ans n'avait rien de prometteur, mais pour une nuit, il allait faire l'affaire. Il faudrait bien, de toute façon. Je jetai mon manteau sur le dossier de la chaise, y posai mon sac à bandoulière, et refermai la porte.

- Merde...Il n'y a pas de verrou, pestai-je en constatant que la porte était tout aussi rustique que le reste de la pièce.

Déjà que la conversation des deux gars m'avait dégoûté, le manque de confort et d'intimité des lieux me perturba davantage. En un éclair, je renonçai à changer les bandages qui couvraient mon torse. Tant pis pour la sueur et la crasse accumulée, tant pis pour mes blessures pas encore parfaitement cicatrisées, je ne me sentais pas en sécurité ici. Et puis, ce n'était pas comme si j'avais réellement mal. Je pourrais faire avec, le temps d'une nuit. Je me rendis compte que je tremblais légèrement.

Me maudissant intérieurement pour ma faiblesse, je tirai la chaise jusque sous la porte pour bloquer au mieux l'ouverture de la poignée, poussai mon sac pour prendre sa place, dos à la porte. En l'ouvrant, l'odeur chaude du cuir qui sentait encore le cheval me sauta au visage, me rappelant des souvenirs flous de Resembool, comme celui du poil plat et raide des percherons sous mes mains d'enfant.

Depuis l'accident du cinquième laboratoire, je ne pouvais que constater que mon odorat s'était affûté de manière notable. Ça m'intriguait, mais avec qui pouvais-je parler d'une chose pareille ? De toute façon, ce genre de réflexions était si anodin et vain quand on pensait aux autres bouleversements que j'avais vécu que j'avais presque honte d'y prêter la moindre attention.

Enfin, cela n'avait aucune importance. Avant toute chose, je devais me concentrer sur la mission qu'on m'avait donnée. Je ressortis le dossier bleu uni et l'ouvrit. Le logo de l'armée couvrait toute la première page de la liasse de papier. Je feuilletai les différentes annotations : plaintes contre X, tapage nocturne, meurtres, disparitions, viols et menaces de mort s'entassaient en désordre sans que je puisse comprendre pleinement l'ampleur de la mission qui me tombait dessus. 

Certaines plaintes étaient vieilles de deux ou trois ans, d'autres très récentes, la plupart des compte-rendus étaient bourrés de lacunes, mais j'avais eu suffisamment de temps dans le train pour lire l'intégralité des documents deux ou trois fois. Le dossier pêchait aussi par son manque cruel de photos des scènes de crime. Je me sentais comme si on m'avait donné un puzzle dont on avait jeté la moitié des pièces. Non, pour être honnête, je me sentais comme si mon m'avait donné un puzzle dont on avait jeté la moitié des pièces et auquel on avait ajouté des fragments d'un jeu différent.

De manière logique, je n'avais pas pu en tirer grand chose comme conclusions, si ce n'est que les informations données laissaient voir une escalade de la violence notable depuis un an et demi, et que parmi les disparitions recensées jusqu'à aujourd'hui, je pouvais dénombrer pas moins de neuf jeunes femmes. En plus de cela, un corps avait été retrouvé dans les maquis adjacents à la ville, difficilement identifiable étant donné l'ancienneté de la mort. Une prostituée nommée Fanny Wilder avait été abattue de plusieurs balles alors qu'elle courait presque nue en pleine rue. Je me demandai avec un pincement au cœur si c'était d'elle dont avaient parlé les deux hommes durant le repas. Toutes ces femmes avaient sûrement des points communs, mais mis à part qu'elles avaient toutes moins de la trentaine, je n'en voyais aucun.

Je relevai la tête de ma lecture pour chasser la chair de poule qui s'installait dans ma nuque malgré la douceur de la nuit d'été. Je pris deux inspirations profondes, tentant de rester calme face à ce qui s'annonçait être la mission la plus difficile depuis mon entrée dans l'armée. D'autant plus difficile que j'allais devoir l'affronter... seul.

Je m'affalai sur le lit, puis me recroquevillai en position fœtale, complètement accablé. J'étais tenté d'appeler Alphonse, mais dans la situation où j'étais, je savais bien qu'il ne pourrait m'être d'aucune aide... d'autant plus que les discussions que nous avions eu récemment me laissaient encore plus démoralisé qu'avant deux fois sur trois. Il me manquait terriblement, mais avant même d'arriver à Lacosta, je comprenais déjà pourquoi le Colonel m'avait donné des ordres aussi explicites. Déjà que la conversation m'avait choquée, mon frère, avec la naïveté d'un enfant de dix ans, aurait été profondément traumatisé par la soirée. Je n'aurais pas su quoi faire en sa présence. Et même si je brûlais d'envie de l'appeler, je m'interdis de le faire : tel que j'étais maintenant, pétri de dégoût et d'angoisse, je n'y gagnerais rien d'autre qu'à l'inquiéter inutilement. Non, je l'appellerais, bien sûr... mais plus tard.

Malgré tout, j'avais envie de parler à quelqu'un. Cracher un peu ma colère et me changer les idées.

Je devrais peut-être appeler Mustang pour lui faire savoir à quel point je le hais. Ça ne servirait à rien, mais au moins ça me défoulerait.

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C'était pas prévu mais j'ai posté ce chapitre depuis le bus qui m'amène à Paris avec 3 h de retard... Ahlala, la Japan Expo commence bien ! 😏 Souhaitez-moi bon courage pour porter ma valise de 35 kilos dans le RER B !

Bref, j'espère que ce chapitre vous aura plu !On arrive à un tournant puisque la prochaine fois on changera de narrateur. D'après vous, ce sera qui ?

Rendez-vous vendredi pour la réponse ! ^^

Bras de fer, Gant de velours - Première partie : LacostaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant