(J'ai pas publié hier... c'est maaaal ! Enfin bon, du coup je poste aujourd'hui et demain, on vécu pire ! ^^ Bonne lecture un peu en retard !)
A ce moment-là, la porte du compartiment s'ouvrit de nouveau dans un grincement de mécanique mal huilée, laissant entrer un homme rouge et manifestement essoufflé. Mais ce n'était pas n'importe qui.
- Colonel, fis-je d'un ton poli mais un peu surpris. Je ne pensais pas vous voir dans ce train.
- Moi non plus, souffla-t-il très spontanément avant de réaliser la situation.
En me reconnaissant, il eut un mouvement de recul et rougit, comme s'il était pris en flagrant délit de ridicule. Il faut dire qu'il était complètement débraillé, décoiffé, rouge et en sueur, une manche de chemise remontée, l'autre pendante. Bref, il n'était pas sous son meilleur jour, et j'étais bien placée pour savoir qu'il détestait ça.
- Lieutenant, je ne vais pas vous déranger, bafouilla-t-il en reculant, coinçant la lanière de son sac de voyage dans la poignée de porte dans une tentative maladroite de rebrousser chemin.
- Vous ne me dérangez pas, répondis-je simplement. Je suis quand même capable de partager un compartiment de train avec mon supérieur hiérarchique.
L'homme sourit en guise de remerciement, encore un peu confus, décrocha son sac accroché à la poignée et entra, refermant la porte derrière lui. Il était tremblant, comme s'il sortait d'un long effort, et s'affala sur son siège de manière bien moins élégante que d'habitude. Je l'avais rarement vu aussi maladroit et peu assuré.
- Vous avez eu le train de justesse à ce que je vois, commentai-je.
- On peut dire ça, fit-il en rebroussant ses cheveux, tentant de retrouver son souffle. Je voulais arriver le plus tôt possible à Central.
- Je vois. De mon côté, je n'étais pas spécialement pressée.
Le silence retomba dans le wagon, un silence un peu tendu tandis que j'avais rouvert mon livre. Mustang avait croisé ses doigts sur ses genoux et regardait autour de lui d'un air un peu agité. Pourtant,il n'y avait pas grand-chose à voir, et rien d'inhabituel. Son regard tomba à mes pieds et il vit la boule de poils noirs et blancs.
- C'est Black Hayatte ? demanda-t-il d'un ton faussement badin.
- Oui.
- Il a bien grandi.
- C'est vrai que vous ne l'aviez pas vu depuis longtemps. Il y n'a pas loin de trois ans, maintenant.
- Le temps passe vite...
Le silence retomba lamentablement. J'étais rarement qualifiée comme étant bavarde, et Mustang, bien qu'il ait passé beaucoup de temps avec Hugues au téléphone, était plutôt du genre à écouter. Habituellement, nous aurions passé ce trajet à vaquer à nos réflexions respectives, échangeant quelques mots ici et là, sans que ça ne pose un problème ; pourtant, il semblait plus enclin à parler que d'habitude, sans pour autant sembler avoir quelque chose de précis à dire... Ou peut-être était-ce un sujet particulièrement délicat. Je refermai mon livre, comprenant que je tenais sans doute l'occasion d'en savoir plus sur ces fameux mystères.
- J'espère qu'Edward Elric va bien, lâchai-je dans le wagon rempli de vibrations et de silence.
- Il est débrouillard, je ne m'inquiète pas trop, répondit-il avec une espèce de soulagement.
- ... Vous avez quand même été très dur avec lui à l'enterrement de Hugues. En plus, il était encore en convalescence à ce moment-là.
- Je sais, marmonna-t-il d'un ton embarrassé, comme s'il avait essuyé la remarque un certain nombre de fois. Mais il y avait des raisons à ça.
- Des raisons ? De quel genre ?
- ... Hé bien... Tout d'abord, Grumman m'a presque supplié de lui confier cette mission. Apparemment, la situation à Lacosta mérite vraiment des éclaircissements... Elle a besoin du genre de changements que seul un idéaliste forcené comme lui peut apporter. Et étant donnée la réputation de cette ville, Alphonse aurait vraiment été une source de complications.
- Alphonse a retrouvé son corps ? C'était lui à l'enterrement ? Le gamin ? demandai-je sans parvenir à dissimuler mon impatience.
- Oui.
- Comment vous le savez ? lançai-je du tac au tac.
- Je sais un certain nombre de choses que je ne suis pas supposé savoir.
- C'est vague.
- La situation est compliquée, fit-il à mi-voix.
- J'avais remarqué, commentai-je d'un ton cynique. La vraie question, c'est : est-ce que le Colonel Mustang sera assez magnanime pour me donner ce genre d'informations ?
- Bien sûr, j'attendais une occasion de discuter en privé pour parler de ces choses-là. Ce sont des sujets très délicats. A propos du cinquième laboratoire, où se trouvait le Fullmetal... à propos de la mort de Hugues... C'est difficile de savoir par où commencer, tellement il y a de choses à dire...
L'homme s'arrêta et reprit une inspiration, cherchant visiblement à éclaircir ses idées. Je l'avais rarement vu aussi confus. Cela me confirma que les événements l'avaient davantage secoué qu'il n'avait daigné le montrer ces derniers temps.
- Il y a de bonnes raisons de se méfier de nos supérieurs dans l'armée. Je pense qu'il y a un complot de grande ampleur, dont les expériences du cinquième laboratoire et l'assassinat de Hugues font partie ; et Edward semble avoir un rôle dans leurs plans. Mon but, c'est d'en savoir le plus possible sur le rôle de l'armée là-dedans pour pouvoir percer à jour leurs machinations. Et donc, plus que jamais, de gravir les échelons.
- C'est pour ça que vous étiez infect à l'enterrement de Hugues ? Pour trouver votre place parmi vos ennemis ?
- Entre autres, répondit-t-il d'une voix rapide. Mais aussi, parce que...
La porte du compartiment s'ouvrit et l'interrompit, laissant entrer dans le compartiment un petit vieux en costume de velours qui nous demanda d'un ton aimable s'il pouvait s'installer ici. Nous pouvions difficilement dire non à cette question rhétorique.
La discussion fut donc ajournée, et l'on n'échangea plus que des banalités jusqu'à la fin du trajet. Et même s'il n'avait fait qu'effleurer le sujet, même si presque toutes mes questions restaient en suspens, ces quelques mots avaient suffi à diffuser les doutes que j'avais pour mon supérieur hiérarchiques. C'était peut-être un peu stupide de faire confiance aussi facilement à quelqu'un, mais c'était sans doute la seule personne qui bénéficiait de ce traitement de faveur de ma part.
La fin de la journée s'écoula entre le trajet de train et l'emménagement. Les cartons trouvèrent rapidement leur place dans les différentes pièces, et je pus déballer les meubles les plus lourds avec l'aide des déménageurs. Aux alentours de minuit,j'avais un domicile, certes en désordre, mais tout à fait vivable. C'est sans regrets que je m'effondrais dans mon lit, laissant Black Hayatte se rouler en boule au pied de celui-ci. Le lendemain, beaucoup de nouvelles questions allaient s'imposer à moi, sur ce que Mustang cachait à tous et qu'il s'apprêtait à me dire, sur notre installation dans le QG de Central, sur Edward et son frère, sur ce que l'on attendait de nous après notre mutation... Mais à cet instant précis, je savourais juste la présence familière de Black Hayatte dans ce lieu qui ne l'était pas encore.

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Bras de fer, Gant de velours - Première partie : Lacosta
FanfictionEdward Elric est envoyé en mission à Lacosta, près de la frontière sud, pour une mission qui s'annonce particulièrement épineuse... séparé de son frère et secoué par les derniers événements, saura-t-il maîtriser la situation et se trouver des alliés...