day 15.

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Huit heures. Ma mère entra dans ma chambre, souriante, avant d'en ouvrir en grand les volets.

"Debout mon bébé ! Tu as rendez-vous aujourd'hui !"

Grimaçant à l'entente de ce surnom plus qu'enfantin, je me suis assis dans mon lit en regardant ma mère, plantée fièrement les mains sur les hanches devant ma fenêtre. Avec le contre-jour, on aurait dit une sorte de super-héroïne. À la pensée de ma mère en costume de Spider-Man, j'ai souri. Elle s'est approché de moi pour retirer ma couette.

"Bon sang, tu t'es encore endormi habillé ! Dépêche-toi de te lever ! Imagine un peu si tu prends trop de temps !
- Ne t'inquiètes pas maman...
- HanBin mange ici ?
- Si ça ne vous dérange pas, oui.
- C'est parfait ça. Je te laisse te préparer mon chou."

Ma génitrice déposa un baiser sur ma tempe avant de sortir de ma chambre. Je me suis alors levé, ai attrapé un jean propre, ainsi qu'un haut et un pull, puis des sous-vêtements, et me suis douché avant d'aller prendre mon petit-déjeuner. J'ai ensuite attendu, plus ou moins patiemment, l'arrivée d'HanBin. J'avoue avoir été particulièrement stressé cette matinée.

Lorsqu'il est arrivé vers treize heures, je l'avais présenté à mes parents qui avaient été ravis de le rencontrer. Puis je l'avais emmener se promener dans les rues de Séoul, nous arrêtant parfois pour contempler quelques vitrines. Vers seize heures trente, nous nous étions arrêtés dans un parc au nord de la ville pour discuter en profitant du paysage et du beau temps.

"Parle-moi de toi, HanBin. Je t'ai beaucoup raconté ma vie, mais je ne sais presque rien de toi. D'où viens-tu ? Qu'aimes-tu ? Je veux tout savoir." fis-je à mon cadet.

Ce dernier m'a longuement regardé, avant d'esquisser une petit sourire. Il a alors commencé à parler.

"Tu sais, JiWon, j'ai grandi à la campagne, dans le petit village d'Hahoe. Hahoe est un village très ancien, où les traditions sont très respectées. L'architecture date de Joseon, pour tout te dire !". Sur ces mots, mon cadet a pouffé légèrement.

J'avais déjà entendu parle d'Hahoe, mais je n'y avais pourtant jamais mis les pieds. J'avais vu de nombreuses photos, et il m'avait semblé que c'était un village magnifique, hors du temps bien que très à cheval sur les traditions. Et HanBin venait de ce village. Je comprenais alors mieux pourquoi il était plus introverti, plus timide, et pourquoi il m'a dit qu'il préférait attendre le mariage. C'est logiquement ce que voulait la tradition. Le brun reprit la parole.

"D'apparence, c'est vrai qu'Hahoe offre un cadre de vie incroyable. C'est beau, le climat est agréable, mais il y a peu de personnes. Et, si tu as déjà entendu parler du village, tu sais que comme je l'ai dit les gens sont très fidèles aux traditions. Mais à point trop extrême. Ils considèrent que changer d'époux ou d'épouse est un crime, que le sexe avant le mariage est sale. C'est très différent de ce qu'on peut voir ici en ville. Concernant les âmes-sœurs... Ça n'y échappe pas. Les gens du village y tiennent beaucoup. Pour eux, si tu ne connaît pas ton âme-sœur avant ta majorité sexuelle, il est possible que tu deviennes incapable d'avoir des enfants. Et ils pensent que cette soi-disant stérilité est contagieuse. Alors, même s'ils disent le contraire, tu es mis à l'écart. Comme un pestiféré.
- Mais la majorité sexuelle est à treize ans..." ai-je soufflé, choqué par les propos de mon cadet. J'ai levé la tête pour le regarder, avant de me rappeler de son âge.

J'allais bientôt avoir dix-huit ans. Il en avait donc dix-sept. Depuis quatre ans, il était mis à l'écart de tous et devait secrètement désespérer d'enfin rencontrer son âme-sœur, alors que de mon côté, j'espérais ne pas la rencontrer. Je ne m'étais jamais senti aussi coupable.

"Oui, JiWon. Alors, pour ne pas devenir stérile comme ils le pensent, j'ai dû bouffer des cachets pendant quatre ans. Des trucs inutiles, évidemment, un effet Placebo, mais ils étaient persuadés que si je ne les prenaient pas je serai stérile et je contaminerai les autres, y compris ma propre petite sœur. Et ma propre mère ne pouvait même pas me soutenir, elle devait soutenir les anciens. Rien n'avait de sens. Mes propres amis ne me parlaient plus. Et mon père était déjà mort. Je n'avais personne à qui me raccrocher. La seule personne qui voulait bien m'approcher, c'était HanByul. Et, bordel, si tu n'avait pas été dans la classe d'HaeYoon, je ne sais pas comment je t'aurais rencontré. Mais je le devais."

Je vis alors les yeux d'HanBin emplis de larmes. Il avait dû cruellement souffrir de cette situation. Je le pris dans mes bras avec douceur. Le plus jeune vint alors se blottir contre moi, et je sentis un nez froid se loger dans le creux de mon cou. Je le serrais contre moi, venant caresser avec tendresse son dos tandis que lui s'accrochait désespérément aux pans de ma veste.

"Je veux pas retourner là-bas... Me laisse pas y retourner... S'il-te-plaît, je t'en supplie, garde-moi avec toi, je ne supporterai pas de revoir leurs visages.
- Je suis là HanBin, tout va bien. Il ne t'arrivera rien tant que je serai là. Tu as ton âme-sœur maintenant, tout va bien se passer."

HanBin renifla, avant de sortir de sa poche un mouchoir et de se moucher.

"Ils vont me harceler JiWon. Ils vont vouloir tout savoir de toi, ton âge, ton histoire, si tu as déjà été avec quelqu'un avant moi...
- Et bien, dis-leur alors. Dis-leur que tu seras mon premier et mon dernier amour. Qu'ils sachent toute ma vie ne me dérange pas, je n'ai pas une histoire très particulière de toute façon. Je veux juste que ta vie s'améliore, que tu sois heureux, et surtout qu'ils arrêtent de te faire bouffer des cachets comme à une grand-mère qui auraient fini par te détruire la santé."

J'ai senti HanBin lâcher ma veste d'une de ses mains pour venir s'essuyer les yeux alors que je continuais mes caresses sur son dos.

"Je ne te mérite pas JiWon.
- Tu mérites bien mieux que moi, surtout."

HanBin a relevé la tête, un léger sourire sur les lèvres. J'ai pris mon courage à deux mains, et suis venu déposer mes lippes sur les siennes avec douceur, en fermant mes paupières. J'eus le temps d'apercevoir mon cadet faire la même chose, sentant en même temps sa prise sur ma veste se resserer. Je venais poser une main sur sa joue, que je caressais du bout du pouce, tandis que d'elles-mêmes mes lèvres se mouvaient à celles de mon cadet. Nous nous sommes séparés quelques secondes après le début du baiser, manquant de souffle. J'ai souri en voyant mon cadet rougir.

"Je ne sais pas toi, HanBin-ie, mais c'était mon premier baiser et je n'aurais probablement pas pu rêver mieux.
- JiWon..."

Mon cadet est venu enfouir son visage dans mon cou, venant se blottir contre moi. J'ai souri en le serrant dans mes bras. Puis j'ai entendu un murmure s'échapper.

"Je t'aime, JiWon-ie."

J'ai souri tendrement, avant de répondre tout en caressant avec douceur sa nuque dévoilée entre sa veste et son écharpe.

"Je t'aime aussi, HanBin.
- Vraiment ?"

Mon cadet a relevé la tête vers moi, les yeux grands ouverts. J'ai hoché la tête en souriant, avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

"Oui, je t'aime."

Il a souri avant de me serrer dans ces bras.

"Merci, JiWon. Merci beaucoup."

soulmateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant